Quand le dialogue perd ses vertus !

Alors que le pays se dirige, lentement mais sûrement, vers le scénario grec et qu’il ne possède plus aucune carte à jouer, que celle du retour des Tunisiens au travail et la mise en œuvre de réformes essentielles, la centrale syndicale continue à pousser le pays vers l’inconnu, et a fortiori vers la paralysie de toute activité dont l’aboutissement ne peut être que l’implosion sociale. Jusqu’où l’UGTT veut aller dans sa logique d’exacerbation des tensions, de perturbation continue du service public et du processus de production, sans prendre le moindre recul pour regarder la réalité en face, sans avoir le courage nécessaire pour reconnaître l’impossibilité de poursuivre sur cette voie glissante, ni assumer ses responsabilités envers le pays ? Un pays qui n’a pas fini sous un mouvement revendicatif n’obéissant souvent à aucune logique ni même au droit, un harcèlement sans fin des entreprises et des ambitions inavouées de certains leaders syndicalistes, de payer une facture lourde, très lourde. Outre une économie à plat, des finances publiques dont les équilibres sont fortement entamées, ces mouvements revendicatifs continus ont fini par détruire un pan entier du secteur productif, précipité la fermeture de nombreuses entreprises, dissuadé pas mal d’hommes d’affaires d’investir et de créer de nouvelles richesses et aggravé considérablement le chômage dans le pays.

L’UGTT, cette organisation nationale prestigieuse dont l’histoire est intimement liée à celle du pays, n’a pas pu, ou plutôt ses dirigeants n’ont pas su, souvent, savoir raison garder, parce qu’en voulant tout avoir au profit des ouvriers, alors que le pays est dans l’incapacité totale de le faire, ils n’ont cessé de s’inscrire dans une fuite en avant fort périlleuse. Plus le pays s’enfonce dans la crise et les difficultés, plus l’UGTT met la barre de ses exigences et de ses revendications très haute en cherchant  coûte que coûte, à réparer tout de suite des situations parfois complexes héritées depuis des décennies.

Le mode opératoire adopté est à l’image de la cacophonie qui caractérise ces actions sans fin.   Conscients de la faiblesse de l’Etat, les syndicats ont constamment frappé là où il fait le plus mal, sans jamais lâcher prise. Même si l’Etat est obligé de s’endetter à l’étranger pour accorder ces augmentations salariales, l’UGTT s’en soucie peu.

Ce qui dérange le plus c’est la dérive prise ces derniers temps par les structures régionales et sectorielles, qui agissent de façon anarchique et qui font tout pour imposer leur loi. Tous les dérapages de ces structures ne sont jamais critiqués, corrigés ou arrêtés, comme si les syndicalistes possèdent une immunité qui les met au-dessus des lois et des règlements. La diffamation d’un ministre, dont le mérite a été d’avoir tenu tête à une structure syndicale qui veut imposer par la force ce que la loi ne permet pas, ne soulève aucune réaction, ni réprobation même molle, qui auraient pu renseigner et rassurer que la centrale syndicale est en mesure de se remettre en question, qu’elle est en mesure de rectifier le tir en cas d’erreur, ou lorsqu’un syndicaliste ne daigne pas respecter le droit au travail et s’autorise tous les droits pour paralyser le fonctionnement d’une institution hospitalière.

Le dialogue a-t-il perdu ses vertus dans les rangs de l’UGTT ? A analyser le discours développé par les dirigeants syndicaux depuis maintenant une bonne période, on a de plus en plus l’impression qu’on confond fait accompli et volonté sincère de favoriser le compromis, diktat et solutions qui n’hypothèquent pas l’avenir du pays!

L’épreuve de force est elle toujours la meilleure pour parvenir à des fins qui ne sont pas tout le temps légitimes ? Le fait de décréter abusivement des grèves ou d’utiliser cette arme à tout va peut-il résoudre tous les problèmes ? La notion de paix sociale peut elle être réalisée, par la force et la fuite en avant dans la destruction du tissu économique et l’entretien des tensions sociales ?

Le  1er mai de l’an 2016, annonce encore une fois un cycle de tensions qui n’augure rien de bon pour un pays au bord de la faillite et qui peine à relever le défi du terrorisme. Alors que l’UGTT commence à faire monter les enchères, multiplie les menaces de grèves et investi des médias incapables de prendre la moindre  distance, l’on se demande si les enjeux électoraux qui sont en train d’obnubiler ses dirigeants ne peuvent être apaisés par une prise de conscience des intérêts nationaux. Cet exercice semble encore difficile à entreprendre à un moment où les ambitions des uns et les calculs des autres dominent et le bon sens fait cruellement défaut.

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