Le retour de l’investissement au niveau qu’il avait avant la Révolution continue à dominer les débats et les questionnements économiques depuis plusieurs mois. En effet, un certain attentisme prédomine depuis 2011 et l’atmosphère n’est pas à la prise de risque de la part des investisseurs nationaux ou internationaux. Cette frilosité s’expliquait dans l’immédiat post-révolution par l’instabilité politique et sociale à laquelle il a fallu ajouter plus tard le risque terroriste. Or, la fin de la période de transition avec les élections législatives et présidentielle de 2014 et l’avènement d’institutions politique stables et durables comme les succès enregistrés dans la lutte contre le terrorisme n’ont pas encouragé nos acteurs économiques et n’ont pas favorisé une reprise franche des investissements.
Il faut aussi noter que l’environnement des affaires n’a pas favorisé une reprise de l’investissement et les chefs d’entreprises ont demandé depuis de longues années d’importants changements afin de faciliter leurs activités. Et, il apparaissait clairement que ces changements conditionnaient une reprise des investissements. Parmi ces priorités, il fallait mentionner l’adoption d’un nouveau code des investissements capable de faciliter les opérations d’investissement et de réduire les procédures administratives. Or, de la même manière, l’adoption du code des investissements n’a pas été à l’origine d’une forte reprise des investissements.
La publication aujourd’hui de deux importants rapports nous permet de saisir aujourd’hui la situation de l’investissement et surtout les entraves qui continuent à peser sur lui dans notre économie. Le premier rapport est celui de l’APII et concerne la situation de l’investissement au début de cette année. Ce rapport indique une croissance de l’investissement de 13,1% au cours du mois de janvier 2017 par rapport aux chiffres réalisés au cours du même mois de l’année précédente. Le nombre de projets a connu une augmentation plus sensible qui s’est située autour de 34,1% au cours de la même période alors que la création d’emplois a été moins rapide et n’a pas dépassé 5,8%.
Il s’agit à première vue de résultats plutôt positifs qui montrent un retour d’une dynamique qui nous a fait défaut depuis quelques mois. Or, si nous examinons les tendances sectorielles, la situation parait moins favorable. En effet, le rapport de l’APII indique une baisse des investissements dans le secteur industriel de 8,6% au cours du mois de janvier de cette année par rapport au même mois de l’année précédente. Mais, ce qui est encore plus inquiétant concerne le recul de l’investissement dans les secteurs exportateurs qui était de 40,1% qui ne favorisera pas une reprise des exportations pour faire face à l’aggravation du déficit de la balance courante. Au final, c’est la reprise des investissements dans le secteur des services qui a atteint 61,4% et qui explique cette hausse du volume global des investissements.
Ainsi, en dépit d’une reprise globale, la situation de l’investissement reste un sujet de préoccupation et l’attentisme, voire même la dégradation des investissements, dans le secteur industriel et dans le secteur exportateur reste un motif d’inquiétude dans la mesure où cet attentisme ne favorise pas une reprise de la croissance et l’avancement de la transition économique dans notre pays.
Pour comprendre cette frilosité, il faut revenir au rapport annuel de l’Institut tunisien sur la compétitivité et les études quantitatives (ITCEQ) sur l’environnement des affaires pour l’année 2016. Cette enquête qui couvre 1200 entreprises a montré un recul de l’indice de l’environnement des affaires pour l’année 2016 par rapport à celui de l’année 2015. Il s’agit d’un indicateur significatif, de mon point de vue, de la perception des entreprises de leur environnement et sa détérioration explique en partie leur attentisme et la panne de l’investissement particulièrement dans le secteur industriel et les secteurs exportateurs. Parmi les éléments qui expliquent cette détérioration, les hommes d’affaires mettent l’accent sur le climat politique, l’instabilité sociale, les questions sécuritaires, les difficultés de financement et la corruption.
Ainsi, les améliorations que notre environnement a connu au cours de l’année passée et particulièrement l’adoption du nouveau code d’investissement et la réussite de la Conférence 2020 avec les promesses formulées par les grands investisseurs internationaux n’ont pas changé la perception des investisseurs et c’est plutôt un certain pessimisme qui prédomine et qui explique leur attentisme et la panne d’investissement dans notre pays.
Cette situation est de la plus haute importance et constitue pour moi le nœud gordien de la crise économique que traverse notre pays. Sans régler la panne de l’investissement, nous ne pourrons pas avancer dans la transition économique et lever l’hypothèse qui pèse sur notre économie. Car la reprise de l’investissement permettra de relancer la croissance, de favoriser une reprise de l’emploi, de réduire le poids des contraintes macroéconomiques et de desserrer l’étau de la crise des finances publiques.
Pour ces raisons, il est aujourd’hui décisif d’accorder à la reprise de l’investissement l’urgence nécessaire afin de favoriser un retour de la confiance et le pari sur l’avenir. Il me paraît important d’en faire une priorité de l’action publique en organisant une conférence ou des groupes de travail dont l’objectif est de susciter l’onde de choc nécessaire au retour de l’investissement.