Une majorité écrasante de tunisiens semble avoir regardé dans la soirée du dimanche 27 janvier 2019, sur la chaîne française M6, le tant attendu numéro d’Enquête exclusive intitulé « Amour et sexe au Maghreb, tourné au Maroc et en Tunisie ».
En effet, selon certaines sources, l’audience était record particulièrement en Tunisie, et aurait même dépassé celle de l’audimat en France.
En ce qui concerne la Tunisie, l’émission de Bernard de la Villardière a porté particulièrement sur la question de la réparation de l’hymen connue dans le monde de la chirurgie esthétique sous le nom de l’hyménoplastie mais également sur la chasse aux amoureux sur la voie publique en guise de protection des bonnes mœurs.
La diffusion de cette enquête n’est donc pas passée inaperçue et a suscité la polémique dans les deux sens. Sur les réseaux sociaux, on constate une divergence significative des réactions.
Certains ont exprimé ouvertement leur mécontentement du contenu de cette émission estimant que les réalisateurs cherchent à tout prix à dénigrer la Tunisie en véhiculant une image dégradante. « On veut faire croire aux téléspectateurs que la police en Tunisie est une police religieuse de premier degré pour qui la protection des bonnes mœurs est une de ses priorités et que les policiers ont le droits de s’incruster dans les affaires personnelles des citoyens. Que l’homme tunisien est réellement obsédé par le concept de la virginité de sa future mariée, que la femme tunisienne est une excellente « trompeuse », qui se permet de tromper son futur mari en ayant recours à la réparation de l’hymen après divers rapports sexuels hors mariage. On veut faire croire aux personnes qui regardent l’émission que la femme tunisienne fait face quotidiennement à toutes les formes de harcèlement sexuel et qu’elle est obligée de mettre des vêtements décents pour pouvoir éviter les regards des loups à savoir les hommes. Que les homosexuels vivent l’enfer en Tunisie et qu’ils font face tous les jours à toutes sortes d’agressions physiques et morales à cause de leurs orientations jugées extraordinaires », peut-on lire dans l’un des commentaires.
L’auteur de ce texte estime que l’image véhiculée par ce reportage, bien qu’elle ne soit pas totalement fausse, est exagérée.
D’autres ont considéré que le timing de la diffusion de cette enquête est loin d’être le meilleur. Ils ont estimé que la France est actuellement en pleine crise politique et sociale et qu’il existe des dizaines de sujets qui méritent d’être traités par l’émission au lieu de se focaliser sur des questions d’ordre « vaginal« .
Certains d’entre eux se sont attaqués aux réalisateurs de l’émission qui frappent de plein fouet la déontologie du métier journalistique. En effet, l’identité des témoins est facilement identifiable. Le médecin chirurgien peut de son coté faire face à plusieurs problèmes d’ordre professionnel. Dans ce contexte, Samir Abdelmoumen, médecin secouriste et activiste de la société civile a dénoncé les pratiques irresponsables du gynécologue qui aurait exposé la vie de sa patiente au danger. « Même si le problème existe mais c’est vraiment exagéré par M6, un blâme pour la clinique et pour le gynécologue on ne lâche jamais une malade sortante d’anesthésie générale de cette manière c’est pratiquement criminel. Le conseil national de l’ordre des médecins CNOM doit réagir à propos de l’émission TV d’hier soir. » peut-on lire sur son post publié sur sa page officielle Facebook.
D’autre part, une bonne partie des internautes a exprimé son appréciation quant au sujet évoqué par le dossier d’Enquête Exclusive estimant que ce dernier a mis à nu le visage réel de la société tunisienne tout en diagnostiquant ses diverses maladies dont particulièrement la schizophrénie, l’hypocrisie, la trahison, et la frustration sexuelle.
Ce qui a été diffusé dans ladite émission, pourrait selon eux, remettre en question plusieurs problématiques sociales qui devraient être traitées dans l’urgence pour faire évoluer les mentalités.
« Amour et sexualité au Maghreb dans Enquête exclusive sur M6 est un documentaire dérangeant parce qu’il nous renvoie de façon crue notre vrai visage, celui d’une société schizophrène, gouvernée par l’hypocrisie, le conformisme, la frustration, le machisme à deux balles et l’arbitraire des lois, de la police et de la justice. Mais que faire face à cette triste réalité : Subir et suivre ou résister et agir pour faire évoluer les mentalités, les pratiques et la législation? La 2ème option était depuis toujours mon choix que j’assume pleinement. » a lancé Jinan Limam, universitaire, sur son profil Facebook.