Que nous réserve la rentrée ?

Dans la plupart des démocraties, le mois de septembre annonce la rentrée politique et économique et la fin de la trêve estivale. Ce qui veut dire,  en d’autres termes,  qu’il annonce la fin de la recréation et  le retour au travail,  la focalisation de  l’intérêt sur les dossiers chauds et l’entame d’un grand travail préparatoire en prévision d’une nouvelle année fiscale.
Chez nous, les acteurs politiques et sociaux ne voient pas les choses sous cet angle. Dans cette marche forcée à reculons de cette  jeune et si fragile  démocratie, le mois de septembre annonce plutôt  le retour des  vieux démons de la discorde et la reprise  d’un long cycle de surenchères improductives,  qui ont versé le pays  depuis avril dernier dans le doute, le questionnement et un blocage assassin.
Si ailleurs, on se mobilise pour reprendre le travail  et chercher les meilleures pistes qui permettent de faire face à un environnement  de plus en plus imprévisible et instable, en Tunisie, on préfère revenir au point zéro en s’affairant à  exhumer un dossier,  que très peu ont intérêt à enterrer définitivement. Pour Nidaa Tounes,  en déconfiture,  et  qui commence à croire en  une possible émergence en prévision des prochaines échéances électorales, on reprend la même antienne et on continue à jurer d’avoir la peau de Youssef Chahed et de son gouvernement,  comme si cela allait tout résoudre,  lui restituer son unité perdue et le rêve qu’il avait fait naître.
Curieusement, à la présidence de la République, on observe un silence complice et une attitude laxiste qui en disent long sur la profondeur de la crise de confiance qui n’en finit pas de séparer   les deux têtes du pouvoir exécutif. L’échec du dialogue national et  la grande légèreté qui a accompagné l’élaboration de la feuille de route Carthage 2, ont plongé l’institution dans le doute et l’impuissance qui n’ont pu être amortis  par l’initiative de  Béji Caïd Essebsi,  annoncée le 13 août dernier pour l’égalité successorale, qui risque de mourir dans l’œuf.
Dans ce climat d’incertitudes qui n’a  fait qu’entamer davantage  la confiance, les guerres fratricides au sein de la coalition au pouvoir, l’absence d’un véritable débat public et d’une prise de conscience sur  la gravité de la situation que traverse le pays, sont en train d’affaiblir de jour en jour l’Etat et les institutions et de rendre le pays pratiquement ingouvernable
L’avènement de l’Aïd a fourni une preuve donnant un avant-goût de la déliquescence de l’Etat tunisien devenu, par l’amateurisme et  la négligence des uns, et le jeu pervers des autres, incapable d’assumer ses missions essentielles. Tout le débat public s’est focalisé sur le retard dans le versement des pensions de retraite et sur la colère des retraités qui ont été trahis par un gouvernement n’ayant pas pu honorer les engagements populistes qu’il a pris. Sans épiloguer longtemps  sur les responsabilités non assumées  et l’instrumentalisation de ce dossier à des fins politiciennes, l’on peut dire qu’aucune partie n’est sortie gagnante. Tout le monde s’est voilé la face, évitant  de cerner les véritables problématiques en versant dans un populisme primaire.
Personne n’a posé la question relative aux  raisons profondes qui ont conduit le pays à  frôler le précipice  et le système de sécurité sociale à  courir vers sa faillite. Tout  le monde, médias compris, s’est  contenté de traiter les symptômes  et de s’apitoyer sur le sort des retraités, sans aller au fond des choses, ni poser les vraies questions, ni chercher à délimiter les responsabilités dans cette descente aux abysses.
Pourtant, on n’en est pas à la première alerte dans ce domaine, mais on a préféré,  jusqu’ici,  adopter la posture de l’autruche qui mènera immanquablement  le pays à une  incapacité totale de servir et les pensions et les salaires. Parce que face à la crise de la finance publique,  des caisses de sécurité et bien d’autres, les pouvoirs se sont montrés incapables  de conduire le changement et les organisations professionnelles n’ont pas fait mieux que de participer à l’avortement de  tout processus de réforme.
Face à l’urgence, on se complaît à gérer au plus pressé, à colmater les brèches et on s’est abstenu d’extirper le mal à la racine et de parler le langage de la vérité,  qui a l’avantage de permettre à l’opinion publique de percevoir les vrais défis, d’adhérer à un processus fut-il douloureux, et d’éviter le pire.

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