C’est au bout de la nuit que la décision est tombée : le camp du Brexit a remporté la bataille ! Pourtant on a longtemps cru que le camp du Brexin pouvait emporter le référendum. Il faut dire que l’assassinat de la députée travailliste et favorable au maintien du Royaume uni au sein de l’Union a eu l’effet d’un électrochoc qui a convaincu beaucoup d’électeurs hésitants de se prononcer pour le maintien. Par ailleurs, le Premier ministre David Cameron, après avoir joué avec le feu en annonçant dans sa campagne, l’organisation de ce référendum pour gagner les élections, a mis tout son poids dans la bataille pour convaincre les électeurs de choisir le Brexin. D’autres leaders comme le Président Barack Obama, le Président chinois et les dirigeants de grandes institutions internationales comme Christine Lagarde ont appelé les Britanniques à éviter l’aventure de la sortie et à choisir le maintien de la grande île dans l’Union européenne.
Ces appels avaient pesé de tout leur poids dans la campagne et ont permis au camp du maintien de reprendre des couleurs et d’éviter une défaite cuisante. On avait même cru un moment que le maintien allait non seulement rattraper son retard mais remporter le référendum. Mais, c’était sans compter la grande défiance qu’avaient les Britanniques pour l’Union européenne et leur rattachement viscéral à l’indépendance de la grande île. Et ce qui devait arriver arriva. C’est aux premières heures de la matinée que les résultats sont tombés. Des résultats sans conteste et avec près de 52% des voix les Britanniques ont choisi après des années d’hésitation de quitter l’Union européenne et ont permis au camp du Brexit d’exulter.
Ces résultats ont eu l’effet d’une bombe dans un contexte international morose, marqué par l’incertitude et l’incapacité de l’économie mondiale à retrouver son rythme de croissance d’avant la grande crise de 2008/2009. La décision des Britanniques a amplifié l’incertitude existante et les marchés financiers internationaux ont connu immédiatement une chute importante que les interventions des banques centrales n’ont pas été en mesure de prévenir et de stabiliser. Par ailleurs, les leaders européens se sont empressés de se réunir pour étudier les conséquences de cette crise et de lui apporter les réponses nécessaires.
Même s’il est difficile de saisir aujourd’hui avec précision les effets de cette décision sur le monde, il est clair qu’elle sera à l’origine d’une rupture majeure de l’ordre politique et économique international qui pourrait renforcer l’instabilité et l’incertitude régnantes.
Cette décision a été aussi à l’origine d’un important débat en Tunisie sur son impact sur notre économie. Et, même si nous ne disposons pas encore d’étude claire et précise, les différentes interventions ont souligné les canaux de transmission de ce choc externe sur notre économie. Le premier d’entre eux concerne la monnaie avec la baisse de la livre sterling et de l’euro qui vont permettre au dinar de retrouver des couleurs. Mais, en même temps, la baisse de l’euro a été à l’origine d’une montée du dollar et par conséquent de sa valorisation par rapport au dinar.
Le second canal de transmission de cette décision concerne les échanges commerciaux. Il faut souligner à ce niveau que la Grande Bretagne est l’un des rares pays européens avec lequel nous disposons d’un excédent commercial qui était de près de 700 millions de dinars en 2015. La nouvelle donne pourrait se traduire par un double effet. D’abord, institutionnel dans la mesure où il faut discuter avec notre partenaire sur l’avenir de l’accord de libre-échange signé avec l’Union européenne. Par ailleurs, l’affermissement du dinar par rapport à la livre sterling pourrait avoir des effets négatifs sur la compétitivité de nos exportations.
Le troisième effet concerne les implications de cette sortie sur la croissance européenne. Les études d’impact estiment que cette sortie aura un effet sur la croissance britannique qui baissera, selon les études, de 1,5 jusqu’à 9% sur les cinq prochaines années. Cette baisse touchera la croissance européenne et renforcera la morosité et la fragilité ambiantes et pèsera par conséquent sur nos secteurs exportateurs.
Les analyses de l’impact du Brexit sur l’économie tunisienne ont tendance à penser que cet effet ne sera pas majeur. En effet, l’étude des différents canaux de transmission montre que les effets ne sont pas majeurs et ne risquent pas de déstabiliser notre économie. Mais, ces conclusions sont de mon point de vue assez hâtives dans la mesure où ils ne peuvent pas prendre en considération des éléments assez difficiles à saisir maintenant. A ce niveau, il est important de mentionner la fragilité de la croissance globale et l’incertitude qui règne sur l’avenir qui pèse sur les décisions d’investissement. Les politiques monétaires expansionnistes mises en place dans la plupart des pays développés ont montré leurs limites tant qu’elles ne sont pas appuyées par des politiques de relance contra-cycliques afin de rompre le cercle vicieux de la croissance fragile. L’impasse des politiques économiques actuelles sont à l’origine de la montée des tensions déflationnistes au sein de l’économie mondiale. Dans ce contexte, la décision britannique de quitter l’Union ne peut que renforcer l’incertitude ambiante et la morosité de l’environnement international qui pourraient amplifier la trappe de la croissance fragile.
La transition démocratique entamée dans nos pays à partir de 2011 n’a pas bénéficié d’un environnement international favorable. La décision britannique ne pourrait que renforcer l’incertitude et la fragilité de l’économie mondiale. Ce contexte doit nous appeler à une plus grande mobilisation afin de renforcer les ressorts internes de nos dynamiques économiques afin de relancer la croissance et redonner une nouvelle impulsion à l’inclusion sociale et au développement soutenable.