Que peut-on espérer de Youssef Chahed ?

Que peut-on espérer du gouvernement youssef Chahed, dont la formation a nécessité de longues et éprouvantes tractations qui se sont soldées par la sortie par la petite porte de l’UPL de Slim Riahi et la non-participation du Mouvement du projet de la Tunisie de Mohsen Marzouk ?
Qu’il tienne toutes ses promesses, qu’il assume pleinement ses responsabilités, que le nouveau gouvernement, quelque peu pléthorique, soit solidaire et prompt à entrer dans le vif du sujet pour sauver ce qui peut l’être et éviter que le pays ne sombre dans une crise aux conséquences aussi imprévisibles que graves.
Peut-on dire que ce gouvernement est réellement d’union nationale ? Même si sa composition a suscité parfois des grincements de dents et des réactions mitigées, Youssef Chahed a affirmé qu’il a honoré les engagements qu’il a pris le 3 août dernier. Vraisemblablement certaines conditions préalables ont été satisfaites, à savoir la formation d’un gouvernement politique qui n’a pas obéi à la règle des quotas, comptant des compétences reconnues, fort d’une présence féminine remarquable et de pas moins de 14 responsables appartenant à la catégorie des jeunes.
Sur ce plan, l’on peut dire que le nouveau Chef du gouvernement a donné une version édulcorée de ce qu’il a pu faire dans cet intervalle, où les partis politiques se sont livrés à un grand marchandage pour l’appropriation des différents portefeuilles ministériels et où certaines organisations nationales ont usé de tout leur pouvoir pour influencer certains choix et précipité le départ de certains ministres qui n’ont pas été toujours tendres avec des revendications et des exigences souvent irraisonnées.
A vrai dire, au bout de deux semaines interminables de concertations difficiles et de rumeurs contradictoires qui ont tenu en haleine une opinion publique friande de ce genre d’informations, Youssef Chahed a résisté. Il n’a pas cédé à toutes les pressions qui lui ont été exercées, excellant dans le jeu d’équilibrisme, se montrant intransigeant quand il s’agit de répondre aux caprices intolérables de l’UPL notamment, donnant une chance à certaines compétences jeunes qui n’ont pas de véritables appuis partisans. Le couac réside dans sa démarche de recherche d’équilibre et de meilleurs moyens pour permettre à son équipe d’entamer son travail dans une atmosphère moins tendue, qui l’a obligé à tendre la perche à certains partis minoritaires à l’instar d’El Massar ou Al Joumhouri notamment et à faire un clin d’œil à l’UGTT par la désignation de deux de ses anciens cadres à deux ministères clefs .
Toute la question est de savoir si cette concession sera suffisante pour favoriser une paix sociale, même limitée dans le temps, à même de donner une chance à ce gouvernement d’entamer les grands dossiers en suspens et surtout certaines réformes douloureuses, non sous la contrainte et la pression ? Très peu probable. A l’approche du congrès de la centrale syndicale, les structures régionales et sectorielles de l’UGTT, indociles et respectant peu les ordres du bureau exécutif, commencent à faire monter les enchères en lançant des préavis de grèves et en prédisant une rentrée sociale tendue.
A cet égard, l’appel lancé par Chahed pour soutenir son gouvernement a -t-il des chances d’être entendu ? Au regard des défis qui lui sont posés sur le plan sécuritaire, de la complexité des difficultés économiques qu’affronte le pays actuellement, de l’état plus que préoccupant des finances publiques et des attentes légitimes des Tunisiens, notamment les jeunes sans emploi et des régions intérieures longtemps restées exclues du développement, la mission dévolue à ce gouvernement est loin d’être une sinécure. Elle ne s’annonce pas non plus impossible.
En se mettant vite à l’ouvrage, ce gouvernement doit rapidement convaincre, montrer sa disposition à donner des réponses rapides à des dossiers lancinants comme la corruption, le dysfonctionnement de l’action administrative, la perte de compétitivité de l’économie et la détérioration du climat des affaires. Loin d’avoir une baguette magique, il doit dire la vérité aux Tunisiens, ne promettre que ce qu’il peut, donner l’exemple et montrer qu’aucune alternative ne s’offre aujourd’hui au pays pour éviter le scénario du pire que celle de l’effort, de la réhabilitation de la valeur du travail et de la reprise de l’activité. S’il arrive vite à remplir, quoique partiellement, ces exigences ce gouvernement pourra trouver du soutien.
Cela est d’autant plus impérieux que l’heure de vérité a sonné pour la Tunisie qui ne peut plus supporter de nouvelles tensions ou chocs. Il revient à ce gouvernement jeune de saisir cette dernière chance pour contredire toutes les prédictions catastrophistes par l’engagement sincère et franc de tous les partenaires de ce gouvernement à exprimer effectivement leur soutien et à orienter tous les efforts vers tout ce qui participe au renforcement de la jeune démocratie et à la réalisation des aspirations des Tunisiens.

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