Quel avenir pour les périmètres publics irrigués ?

Les périmètres publics irrigués couvrent une superficie de 430.000 ha, soit 8% de la superficie agricole utile totale du pays, mais ne représentent que 40% de la valeur de la production agricole.
Cependant, les périmètres publics consomment 80% des réserves en eau de la Tunisie, ce qui est beaucoup pour un pays qui souffre de stress hydrique et se trouve soumis aux retombées du réchauffement climatique.
Il y a là une problématique majeure sur laquelle viennent se greffer plusieurs problématiques secondaires qui méritent des solutions urgentes dans le cadre d’une stratégie globale à moyen et long termes de la gestion de l’eau dans notre pays.
Il pleut de moins en moins chez nous mais la consommation est en croissance rapide chaque année.
Il faut dire tout d’abord que nous venons de subir 3 années consécutives de sécheresse relative qui ont épuisé les réserves en eau stockées dans les bassins-réservoirs de nos grands barrages et qui ont permis de “tenir le coup” mais cela prouve en fin de compte les limites et la vulnérabilité de notre équilibre hydrique.
Heureusement que les pluies de l’automne 2016 sont venues reconstituer une partie de nos réserves sans pour autant atteindre des records.
Le dialogue national sur la politique tarifaire de l’eau d’irrigation qui vient d’être entamé à l’initiative du ministère de l’Agriculture et se poursuit par 12 conférences régionales dans les gouvernorats concernés est une opportunité rare pour examiner les problématiques et proposer des solutions appropriées et concertées entre l’Administration et les paysans.
Il y a lieu actuellement de constater que l’infrastructure hydraulique et les équipements collectifs connaissent une dégradation avancée dans les périmètres publics irrigués.
Il y a par ailleurs une sous-exploitation des superficies agricoles irriguées alors que l’eau est rare et précieuse. En outre, le coût du « service de l’eau » est élevé tandis que les paysans affiliés aux groupements locaux de gestion de l’eau sont nombreux à ne pas s’acquitter de leur dû qui ne porte que sur leur quote-part de la facture de la STEG pour le fonctionnement des motopompes et sur les frais de gestion du groupement, l’eau étant livrée gratuitement par l’Etat.
La démarche engagée lors de ces débats porte sur trois thèmes. D’abord, le potentiel réel de mobilisation d’eau dans la région, ainsi que les volumes d’eau disponibles pour l’exploitation agricole.
Ensuite, comment valoriser au mieux cette eau ? Choix des cultures, taux d’occupation des périmètres publics et difficultés de gestion. Enfin, la maintenance et l’entretien des installations et équipements hydrauliques et la qualité des services offerts par les groupements d’exploitation.
Des recommandations seront résumées à la fin des débats dans un texte écrit à transmettre aux autorités.
A titre d’exemple, la situation qui prévaut au Cap Bon est significative pour deux raisons : les activités agricoles de la région sont intensives, donc exigeantes en besoin en eau, mais en revanche, ce gouvernorat jouit d’une pluviométrie assez abondante qui a justifié l’implantation d’une infrastructure hydraulique dense.
Actuellement, les eaux retenues dans les barrages du Cap Bon sont suffisantes pour assurer les besoins des agriculteurs dans la région pour la présente campagne agricole.
En effet, les 87 lacs collinaires constituent des réserves de 3,2 millions m3, soit 70% de leur capacité, alors que les barrages collinaires retiennent 19 millions de m3 sur une capacité de 35 millions de m3 soit un taux de remplissage de 60%.
Pour ce qui est des grands barrages : Lobna, El Abid, Masri, Chiba et Bezigh, les réserves sont de 36 millions de m3 cette année contre 21 m3 il y a un an soit une amélioration de 70%.
Il ne reste plus qu’a espérer qu’il continue à pleuvoir pour éviter les coupures d’eau dans les périmètres irrigués en pleine saison estivale grâce aux actions énergiques à entreprendre par les pouvoirs publics.
En ce qui concerne l’eau potable, qui est une priorité à assumer par les pouvoirs publics afin d’assurer l’approvisionnement régulier de la population, le ministère l’Agriculture a mis au point un programme d’actions urgentes pour éviter les coupures d’eau à redouter pour l’été prochain au Centre et au Sud  du pays, d’autant plus qu’il y a une reprise de l’activité touristique qui se dessine à l’horizon.
Il s’agit d’un investissement de 200 millions de dinars à répartir sur deux ans : 2017-2018 par le ministère pour faire face au manque d’eau potable.
Au programme, forage de 38 puits artésiens dans le Centre et le Sud et acquisition de 40 unités mobiles de dessalement d’eau. A moyen et long termes plusieurs usines de dessalement d’eau sont prévues.
Malheureusement, celle de Djerba, destinée à desservir tout le gouvernorat de Medenine ne sera pas prête cet été comme prévu suite au retard pris par les travaux : elle devait traiter 50.000 m3 d’eau par jour, extensibles à 75.000 en deuxième étape.
Cela fait craindre des perturbations dans la distribution d’eau potable cet été.
La réalisation de la station de Kerkennah sera bientôt entreprise, sa mise en service est prévue pour l’été 2018, tandis que la grande station de dessalement de Sfax avec une capacité de 200.000 m3 par jour vient de trouver un financement japonais fin novembre 2016 lors du Forum “Tunisia 2020”. A quand le début des travaux ?
La station de Zarat/Gabès dont la capacité est de 100.000 m3 par jour serait mise en service en 2019 si les prévisions étaient maintenues.
Les autorités publiques ne parlent ni d’économie d’eau, ni de recyclage des eaux usées : où en est la stratégie de rationalisation de la gestion de l’eau ? Pour cela il faudrait avoir une vision et mouiller sa chemise pour mettre en œuvre un plan d’action.

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