Quel poids réel des deux partis leaders au vu des résultats des législatives ?

Quel poids réel a le parti Nahda au vu des résultats de 2011 ?

À la suite des élections de l’ANC en 2011, les analystes ont essayé longuement d’évaluer le poids réel du parti islamiste. Les résultats de la consultation populaire étant uniques ils ne pouvaient de ce fait être confirmés par aucune autre échéance électorale. La question était de parvenir à analyser le positionnement des 1.300.000 voix obtenues par cette formation. Était-ce celles de votants par conviction pour Nahda ou pour une grande part de citoyens qui sanctionnaient l’ancien régime et les démocrates progressistes, trop laïcs à leur goût ?

On a eu l’occasion de lire que «ces résultats, qui consacrent le parti Ennahdha comme la première formation politique du pays, sont diversement interprétés par les analystes : vote sanction contre les élites politiques et volonté de rupture définitive avec l’ancien régime, vote identitaire, vote populaire, vote conservateur, etc. Mais certains voyaient dans l’ampleur du vote Ennahdha «une dimension protestataire. On peut même dire un vote sanction, notamment dirigé contre la timidité du gouvernement de transition pour poursuivre les policiers qui ont tué pendant la Révolution et pour traduire en justice les corrompus et profiteurs de l’ancien régime et leur faire rendre gorge.

 On pouvait également lire qu’«ils [les islamistes] ont été élus, mais il s’agit d’un vote sanction. Le peuple a sanctionné l’ancien régime et les partis qui l’ont côtoyé.

Il est de ce fait clair qu’une part à déterminer des votes en faveur de Nahda était une sanction contre certaines tendances politiques, mais aussi un vote «peur». Les Tunisiens avaient peur que les anciens dignitaires ne reviennent au pouvoir, ils avaient peur de perdre leur identité, ils avaient peur de voir leur religion régresser. Par crainte de tout cela, ils se réfugieront dans un soutien inconditionnel à Nahda, tout au moins lors les élections.

Commençons par nous rafraîchir la mémoire, les résultats obtenus aux élections de l’ANC en 2011 ont été les suivants :

Partis

Voix

Nahda

1 498 905

CPR

352 825

Ettakatol

285 530

Aridha

280 382

PDM

160 692

Moubadara

129 215

Kotb

113 094

Afek

76 643

Badilthawri

60 620

Mouv. Nat. Dém.

32 206

MDS

22 842

 

 

Ainsi, si le vote sanction était clairement établi, on ne pouvait en évaluer le poids sur le vote enregistré. Mais depuis 2011 il était clairement reconnu que Nahda ne pouvait espérer réunir plus de 900.000 voix. Chose qui sera confirmée en 2014 par l’obtention de ce parti de seulement 950.000 voix.

 

Et les résultats de 2014 ?

La même logique électorale va être à la base des résultats de 2014. Les analystes étrangers étaient tous unanimes pour dire que le vote en faveur de Nidaa était en grande partie la conséquence de la sanction que les Tunisiens voulaient faire subir à Nahda. Ce parti majoritaire suite aux élections de 2011 et locomotive de la Troïka est considéré comme responsable de la situation économique, culturelle, sociale, politique et sécuritaire en nette détérioration depuis l’accession au pouvoir de Nahda et ses deux associés.

Un autre vote peur/sanction a eu lieu en 2014, mais il profitera amplement cette fois-ci à Nidaa. On pourra lire dans Libération que Nidaa «a profité du vote sanction contre Ennahda». À la sortie des urnes, le politologue Jérôme Heurtaux, rattaché à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, a coordonné une enquête sociologique, auprès de 700 électeurs de deux quartiers autour de la capitale, l’un aisé, l’autre populaire. «Une partie considérable d’entre eux a voté par défaut, pour le moins mauvais des candidats. Ce sont des votes refuge, des votes de peur plutôt que des votes de cœur, avec une défiance généralisée à l’égard du personnel politique», explique-t-il[v].

Bonne définition encore du vote des Tunisiens. Ils votent trois années après avec le même sentiment qui les animent, la peur. La peur de l’insécurité, la peur de l’extrémisme, la peur du terrorisme, la peur de la dictature de la majorité.

Aux législatives de 2014, les plus importantes formations ont obtenu les voix suivantes :

Partis

Voix

Nidaa

1 279 941

Nahda

947 014

UPL

140 873

Jabha

122 436

Afek

101 977

CPR

68 415

Courant démocratique

66 370

Jomhouri

55 576

Moubadara

43 356

Mahaba

40 591

Coalition démocratique

37 876

UPT

27 037

Ettakatol

23 331

Wafa

23 158

MDS

10 294

 

 

Les électeurs étant les mêmes, les voix obtenues par chaque formation ne peuvent provenir que du capital de l’une des formations présentes. Comment s’est réalisé le transfert de voix entre ces formations ? Comment peut-on comparer les chiffres de 2014 avec ceux de 2011 ? Quelles évolutions ?

Partis

2011

2014

Différence

Nidaa

———

1 279 941

1 279941

UPL

51 594

140 873

89 279

Courant démocratique

———

66 370

66 370

Badilthawri /Front populaire

60 620

122 436

61 816

Coalition démocratique

———

37 876

37 876

Afek

76 643

101 977

25 334

Wafa

———

23 158

23 158

Nahda

1 498 905

947 014

– 551 891

CPR

352 825

68 415

– 284 410

Ettakatol

285 530

23 331

– 262 199

Aridha / Mahaba

280 382

40 591

– 239 791

PDM /Joumhouri

160 692

55 576

– 105 116

Moubadara

129 215

43 356

-85 859

Kotb /UPT

113 094

27 037

-86 057

Mouvement des patriotes Démocrates

32 306

———

-32 206

MDS

22 842

10 294

-12 548

 

 

Les différences de la dernière colonne doivent être relativisées avec les 32,40 % d’abstentionnisme constatés dans cette échéance électorale et surtout pour les évolutions qui sont négatives. Ainsi si l’on prenait le score obtenu par Nahda en 2011 qui est de 1.498.905, cela donnerait en fait avec le taux d’abstention un résultat équivalent à 1.013.259 voix. Ce qui n’est pas trop loin des 947.014 voix obtenues, une différence de 66.000 voix en baisse.

Mais l’analyse des chiffres doit aussi se faire à la lumière des fusions, sécessions et alliances qui ont eu lieu au cours de ces trois dernières années.

Partis

2011

2014

Différence

Nidaa

———

1 279 941

+ 1 279 941

UPL

51 594

140 873

+  89 279

Coalition démocratique

———

37 876

+  37 876

Afek

76 643

101 977

+  25 334

Nahda

1 498 905

947 014

– 551 891

Ettakatol

285 530

23 331

– 262 199

Aridha / Mahaba

280 382

40 591

– 239 791

PDM /Joumhouri

160 692

55 576

– 105 116

Moubadara

129 215

43 356

-85 859

Kotb /UPT

113 094

27 037

-86 057

MDS

22 842

10 294

-12 548

CPR

352 825

68 415

– 284 410

Wafa

———

23 158

+  23 158

Courant démocratique

———

66 370

+  66 370

 

352 825

157 943

– 194 882

Badil thawri /Front populaire

60 620

122 436

+  61 816

Mouvement des patriotes Démocrates

32 306

———

-32 206

 

92 926

122 436

+ 29 610

 

 

Si l’on considère que le vivier de Nidaa a été alimenté par le capital des formations proches et celles qui ont perdu leur base au profit de la nouvelle formation, on peut établir le tableau suivant. On prend en compte les formations qui ont perdu en nombre de voix par rapport à 2011, on relativise leur crédit par rapport au taux d’abstention calculé qui est de 32,40 %, puis on additionne le nombre de voix perdues et on en crédite Nidaa. Ceci donnera une valeur réelle du crédit de Nidaa sans report de sanction des partisans des autres formations égale à un peu plus de 600.000 voix, ce qui est à notre avis assez proche de la réalité.

Partis

2011

2011
révisé abst.

2014

Différence absolue

Différence réelle

Nidaa

———

———

1 279 941

1 279 941

1 279 941

CPR

352 825

238 510

68 415

– 284 410

– 170 095

Ettakatol

285 530

193 018

23 331

– 262 199

– 169 687

Aridha / Mahaba

280 382

189 538

40 591

– 239 791

– 148 947

PDM /Joumhouri

160 692

108 628

55 576

– 105 116

-53 052

 

 

 

Wafa
23 158

Cour. Dém. 66 370

 

Moubadara

129 215

87 349

43 356

-85 859

-43 993

Kotb /UPT

113 094

76 452

27 037

-86 057

-49 415

MDS

22 842

15 441

10 294

-12 548

-5 147

 

639 605

 

 

Au vu de ces développements, on peut réaliser des simulations concernant les reports de voix aux présidentielles.

 

Quelle participation effective du corps électoral aux législatives ? 

Quelle simulation des résultats des présidentielles au vu des résultats des législatives ? 

Chawki Gaddès 

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