Quel rôle pour les partenaires internationaux? Grand décalage entre l’admiration pour la Tunisie et les actions de soutien

Dans sa transition démocratique la Tunisie a bénéficié du soutien de pays partenaires et des bailleurs de fonds. « Un appui qui se renforce à chaque fois que la Tunisie arrive à franchir une nouvelle étape dans son processus de construction démocratique » témoigne Hakim Ben Hammouda, ancien ministre des Finances. Témoin et initiateur  de l’ouverture de la Tunisie sur le marché financier international, M Hakim Hammouda  a suivi de très près, la dernière sortie de la Tunisie sur le marché financier international où elle a récolté 1 milliard de dinars.

D’une manière générale, le soutien dont a profité la Tunisie, au cours des quatre dernières années, reste en deçà des espérances et des capacités de ses partenaires. Quel rôle des  partenaires internationaux pour soutenir la Tunisie dans sa transition économique ? Que devra faire la Tunisie pour rassurer ses partenaires sur son avenir économique ? Une palette d’experts ont essayé de répondre  à ces questions.

Jean Louis Guigou, délégué général  de l’IEPEMED ( Institut des études prospectives du monde méditerranéen) et fervent défenseur de l’appui de la Révolution tunisienne propose une voie nouvelle,  selon lui porteuse de bons espoirs. Selon lui, de nombreuses voies ont été exploitées sans succès. M.Guigou n’a jamais cru à ces tentatives précédentes telles que le G20 ou le G8.  Il  revient sur les expériences d’autres pays. Il a tout d’abord parlé de la visite, il y a quelques jours, du Président américain Obama, au Panama pour assister, avec 35 Chefs d’Etat américains, au septième sommet des Amériques. Outre le face à face historique avec le Président cubain, Obama a dit qu’ils sont tous américains proches et le développement au Nord entrainera le développement au Sud et vice versa.  Obama était en train de promouvoir le développement vertical. Pour dynamiser cette verticalité,  Obama a créé la Banque interaméricaine de développement et mis en place un Think Tank à travers la commission économique d’Amériques latines  réunissant 700 experts  . M. Guigou rappelle également l’ascension spectaculaire de la Chine,  ce pays vient de créer  la Banque asiatique pour l’investissement et l’infrastructure et  propulse l’institut de centre de recherche de l’Asean avec une cinquantaine de millions d’euros par an de budget.  Dans la nouvelle carte du business, les grands groupes vous diront que le découpage actuel du monde est l’Asie, l’Asie-Afrique et l’Europe-Moyen Orient-Afrique.

Europe- Afrique-Maghreb, quel partenariat ?

M. Guigou s’interroge si  l’Europe n’est en retard pour annoncer son alliance avec l’Afrique. Il faut que l’Europe change de méthode et arrête ce rapport de force avec ses partenaires. Il n’est plus question d’imposer des critères sans qu’il y ait un besoin de l’autre côté.  L’Europe a commencé à comprendre cela à travers l’ouverture d’un débat sur sa politique de voisinage. Comment tirer profit de son voisinage à travers un esprit de partenariat ? Ce n’est que de cette manière que la Tunisie et les autres pays de la région peuvent tirer profit  de cette alliance. M. Gabriel Busquets, ancien ministre espagnol a exprimé tout l’intérêt qu’il porte au  processus  de la Tunisie postrévolution. Grâce à ce parcours la Tunisie bénéficie d’un capital sympathie mondial. Pour que ce capital sympathie se transforme en actions,  il faut que la Tunisie ait un projet sur lequel ses partenaires peuvent l’accompagner. M. Busquets privilégie  les partenariats bilatéraux qui peuvent impulser la coopération entre la Tunisie et l’Europe. L’Espagne qui est actuellement premier partenaire stratégique du Maroc et de l’Algérie pourrait également jouer le même rôle avec  la Tunisie, si celle-ci diversifie ses marchés. Quant à l’Europe,  cette révision de la politique de voisinage lui permettra d’avoir une politique plus stratégique et prévisible. Il faut que l’Europe implique le principe de différenciation dans le traitement de ses partenaires. Dans le cadre du processus de dialogue au sein de l’Union européenne, le ministre espagnol a signalé que 30 ministres des Affaires étrangères européens se sont réunis afin de voir les moyens de renforcer la politique européenne avec le Sud.  La dernière réunion remonte à 2008. M. Busquets pense que l’UE doit adopter une réflexion sur une Europe plus intégrée, plus flexible.

La leçon allemande

Une première dans le Forum de Réalités, la présence d’une personnalité allemande, Mme Isabelle Werenfels. Un regard allemand plus critique et plus objectif de ce qu’on entend aujourd’hui sur ce qui se passe en Europe. Mme Werenfels pense qu’il y a un décalage entre l’admiration pour la Tunisie et les actions concrètes  de soutien. « Les fonds venant de l’UE sont vraiment modestes, alors que l’Ukraine a réussi à amasser neuf fois  plus de subvention que la Tunisie » a-t-elle regretté. Entre l’avant révolution et l’après révolution le montant de financement n’a pas beaucoup changé au regard  des réformes considérables mis  en place par la Tunisie. Pour l’Allemagne, le comportement était différent. En effet, le financement de l’Allemagne est passé de 100 millions d’euros avant la Révolution à 800 millions après la Révolution. L’Allemagne a même converti une partie de ses dettes en investissements. Qu’est ce qui fait que l’Europe n’apporte pas assez de soutien à la Tunisie ?

Selon Mme Werenfels, l’Europe n’est pas, comme on le croyait, un ensemble de pays homogènes dont les visons sont communes. Au contraire, chaque pays de l’Europe a ses propres intérêts et ne regarde pas l’alliance avec l’Afrique avec le même regard que d’autres. « L’Europe a d’autres priorités. Les Européens n’ont pas une volonté commune d’aller plus loin dans le partenariat avec les sud de la méditerranée »

Par ailleurs, Mme Werenfels pense que la Tunisie ne fait pas assez de communication  pour attirer l’attention. Les Allemands, par exemple,  ne savent pas qu’il existe des millions de Libyens résidents en Tunisie qui profitent de la Caisse de compensation du pays. Les Allemands croient également que la Tunisie a achevé sa transition, alors qu’elle est en phase de consolidation, qui est  plus difficile.  Foued Lakhoua, président de la Chambre tuniso-française  de commerce et d’industrie a parlé des priorités économiques de la Tunisie à savoir les reformes fiscales, la mise en place d’un nouveau Code de l’investissement …

Selon lui rien ne se passe. Les perturbations sociales continuent à handicaper le climat des affaires en Tunisie. M. Lakhoua  regrette le fait que très  peu de pays sont disposés à accompagner  la Tunisie notamment sur le plan économique. « Si la Tunisie échoue sa transition, toutes les démocraties naissantes échoueront » a-t-il déclaré. Faut-il revoir ce qui ne va pas avant de demander  le soutien des autres ? Tahar Sioud, ancien ambassadeur, pense que la sécurité doit être reconsidérée avant tout autre chose. Présent au Forum de Réalités également le représentant de la Chine M. Cui Xiaotao qui a parlé de la success story de son pays. Il a parlé du potentiel économique de la Tunisie, une plate-forme pour les marchés africains et européens. Aujourd’hui, les échanges Sud-Sud ne représentent qu’1% du total des échanges économiques. Comment peut-on impulser ce partenariat ? Ce n’est pas la faute des Européens si le Maghreb ne fonctionne pas et que  les frontières entre les pays du Maghreb ne sont pas ouvertes. Les  pays du  Maghreb appellent à généraliser le libre échange de personnes alors que leurs frontières sont fermées, c’est une absurdité. Hakim Ben Hamouda constate que les Etats ne se donnent plus d’argent, il n’y a que les investissements privés qui sont capables de financer les économies.

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