La flambée des prix des logements est à l’origine d’une grave crise avec des répercussions complexes qui frappent aussi bien les candidats à la propriété d’un logement décent que les promoteurs immobiliers. Les entreprises de bâtiment autant que les banques ne sont pas non plus épargnées par l’impact de cette crise, qui a tendance à s’aggraver faute de solution négociée entre tous les partenaires et à cause de la négligence manifestée par les pouvoirs publics.
La crise des promoteurs immobiliers a tendance à s’approfondir car certains promoteurs s’acharnent à mettre en chantier de nouveaux projets de logements de standing, malgré la mévente et l’existence d’un stock impressionnant de logements achevés et invendus.
Il n’y a pas de statistiques précises mais il semble qu’il y ait 10.000 logements de standing achevés et invendus, ce qui est beaucoup.
L’évolution des prix des logements sur le marché est anormale et inquiétante, elle est contraire à la logique du marché et au concept des bulles immobilières qui gonflent au point d’éclater avec baisse relative des prix, le temps de réguler le marché avant de stabiliser la situation et de repartir à la hausse.
Dans notre pays, il n’y a jamais de pause ni de stabilisation des prix. La hausse est continuelle bien que les transactions soient en perte de vitesse.
En effet, selon l’INS, le prix des maisons a grimpé de 11%, celui des appartements de 13,5% et des terrains à bâtir de 8,2% au cours du deuxième trimestre 2019 par rapport à 2018, tandis que le volume des transactions immobilières a baissé de 7,9% par rapport au premier trimestre et de 10,3% en glissement annuel. Cette donne générale concrétise le marasme qui sévit dans le secteur immobilier sans pour autant que cela provoque une baisse des prix à titre de réajustement du marché.
Le secteur demeure par excellence celui de la valeur refuge, comme l’or.
Pourquoi le prix de l’immobilier a-t-il connu une hausse vertigineuse ces dernières années ?
Il y a une spéculation effrénée sur le prix des terrains constructibles dans les zones huppées comme Ennasr, les Berges du Lac, les Jardin de Carthage, la Soukra, Gammarth, ce qui fait grimper le prix des logements pour atteindre des sommets inaccessibles même pour les cadres supérieurs.
L’Etat n’est jamais intervenu pour mettre un terme à cette spéculation en constituant des zones réservées à l’aménagement différé avec des prix plafond.
Alors que la charge foncière pèse très lourd sur le prix global du logement : souvent 30% et même beaucoup plus, alors qu’elle ne devrait pas dépasser 5 à 10%.
Il y a également une inflation galopante qui frappe tous les matériaux de construction depuis le ciment, le fer à béton, les briques, les revêtement murs et sol, la main-d’œuvre, sans oublier les matériaux importés comme le cuivre, les chaudières et les climatiseurs, tout ce qui est sanitaire, robinetterie et équipements de salle de bains et de la cuisine suite à l’effondrement de la parité du dinar.
Il faut dire que l’inflation a été précipitée depuis le 14 janvier 2011 et que l’instauration d’une TVA à 12% par l’Etat a plombé un secteur qui survivait difficilement.
L’erreur commise par plusieurs dizaines de promoteurs immobiliers a consisté à multiplier la réalisation de programmes immobiliers dits de standing mis en vente à des prix exorbitants en toute négligence du pouvoir d’achat des acheteurs éventuels, érodé par l’inflation et des conditions de leur accès aux crédits bancaires.
Sans faire d’études de marché motivées uniquement par l’appât du gain, ni prendre en considération les moyens financiers des candidats.
Il y a sur le marché une forte demande en matière de logements sociaux, et une demande modérée de logements économiques, mais une saturation pour le standing.
Il y a un endettement bancaire très prononcé des promoteurs immobiliers, qui connaît une inflation galopante avec la flambée des taux d’intérêt, ce qui menace de peser lourd sur la solvabilité et les liquidités des banques, soit 5.220 milliards déjà en septembre 2018.
Certes, les banques disposent d’hypothèques sur les promoteurs immobiliers endettés mais en cas de mise en vente des logements, il ne faut pas imaginer que les acheteurs éventuels seront nombreux pour payer au comptant.
Le programme “premier logement” est un échec pour diverses raisons : il y a d’abord la multiplicité des formalités pour la constitution des dossiers et ensuite, la lourdeur des échéances de remboursement suite au cumul de deux crédits, la dotation étatique de 20% pour l’autofinancement et le crédit bancaire de 80% même pour deux conjoints cadres supérieurs correctement rémunérés. C’est dire que le coût élevé du logement est un obstacle majeur.
Quelles solutions peut-on préconiser pour sortir de cette impasse qui comporte des contraintes pour plusieurs partenaires sociaux et acteurs économiques ?
D’abord, une baisse générale des prix pouvant aller de 10 à 20%. Ensuite, une TVA de 5% seulement aussi bien sur les matériaux de construction que sur la promotion immobilière. Enfin, l’étalement sur 30 ans du remboursement des crédits.
L’autofinancement devrait être aboli et les crédits-logements sont appelés à bénéficier d’une bonification du taux d’intérêt de 2%. Une interdiction devrait frapper le financement bancaire de tous les nouveaux projets de construction de logements de standing pendant cinq ans en attendant la fin de la crise.