Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, a annoncé devant un parterre d’hommes d’affaires et de chefs d’entreprises que « l’agenda du gouvernement n’a pas changé, il n’est pas non plus irréaliste ». Durant les premiers cent jours de son exercice, le gouvernement concentre son activité sur le terrain pour débloquer un certain nombre de problèmes récurrents. Les grandes réformes commenceront après, car elles exigent une réflexion approfondie, une large concertation et un consensus
Lors d’un débat organisé le 14 avril dernier par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie sur « quelle stratégie de relance de l’investissement et d’amélioration de l’environnement des affaires », le ministre a affirmé qu’il voulait faire de son département «le ministère de la Défense des investisseurs».
Yassine Brahim a fait, à l’occasion, un plaidoyer de 20 minutes à l’effet de rassurer les investisseurs sur l’avenir économique du pays. A-t-il réussi ce pari, au regard des revendications et préoccupations exprimées par ces derniers ? Pas très sûr. Face aux inquiétudes exprimées par les chefs d’entreprises sur la perception de plus en plus négative du site tunisien des affaires, aux nombreuses carences en termes de performance de l’action administrative, de l’existence de goulots d’étranglement et du flou qui entoure encore l’environnement d’investissement, une idée forte a émergé. La plupart des intervenants dans ce débat, ont soutenu la toute urgence d’assouplir et de simplifier les procédures administratives et de libérer l’initiative afin d’impulser une dynamique vertueuse de développement. Qu’il s’agisse de services portuaires, bancaires, douaniers ou autres, ils ont été unanimes pour affirmer que l’Administration est devenue une source de blocage insoutenable à l’investissement. Tout le monde a été également unanime pour dire qu’il est temps d’agir afin de mettre un terme à cette inertie que rien ne peut justifier.
M. Salem Chaibi, constate que les Tunisiens ont perdu confiance en leurs institutions, déplorant au passage le laxisme de l’Administration et la faiblesse de ses performances. Il a soutenu que l’un des préalables que le nouveau gouvernement devrait satisfaire consiste à entreprendre une réforme approfondie de l’Administration tunisienne. «La valeur travail se pose avec insistance » répondra Yassine Brahim. L’Administration est l’un des grands chantiers du gouvernement. « Il va falloir se rendre compte de la situation dans laquelle évolue l’Administration. A cause de pressions multiples, l’Administration a vu ses effectifs gonfler au cours des 4 dernières années. À titre d’exemple, reconnait Yacine Brahim, au sein du ministère que je dirige, et qui censé être un Think Tank du gouvernement, il y a autant d’ouvriers que de cadres. Résultat, « nous avons des fonctionnaires qui sont payés sans pour autant travailler». En dépit de ce constat, « il n’est pas permis, dit-il, de douter de la qualité des hauts cadres de l’Administration tunisienne qui, malgré un niveau de rémunération encore bas, assument de grandes charges. Tout en estimant que le pays ne peut pas fonctionner sans compétences, il a réaffirmé l’impératif de revoir le système de rémunération dans la fonction publique afin de tirer le pays vers le haut et renforcer les capacités de l’Administration ».
Mathieu Langeron, Directeur général de Total Tunisie a annoncé la disposition de son entreprise à investir100 millions de dinars sur les trois années à venir, ce qui pourrait créer 400 emplois à travers la création de stations-service. Le couac réside, selon lui dans « l’extrême lenteur des procédures administratives. Pour avoir un permis de construire, il faut attendre 12 mois ? » A ce rythme, s’interroge M. Langeron, « serait-il possible de réaliser ces investissements dans les délais ? ».
Yacine Brahim a admis l’existence de freins à l‘investissement. Pour relancer l’investissement d’une façon concrète et durable, il va falloir, surtout, s’attaquer à d’autres goulots, dont notamment les problèmes fonciers qui sont actuellement responsables du retard de 70% des projets publics.
A ce propos, indique-t-il, le nombre d’experts fonciers qui ne dépasse pas 28 dans tout le pays sera triplé, ce qui va permettre d’avoir un tribunal foncier dans chaque gouvernorat et assurer une plus grande célérité dans l’instruction des dossiers.
L’autre problème récurrent évoqué aussi bien par le Directeur général de Total que par d’autres chefs d’entreprises, a trait au blocage du rapatriement des dividendes des sociétés. « La Banque centrale de Tunisie ne fait que rendre cette opération de plus en plus tortueuse, exigeant la fourniture de documents qui remontent parfois jusqu’à la date de création de l’entreprise, soit 1948. Tout en se pliant à l’exigence, rien n’y est fait, et nos dividendes restent bloqués. Il est temps de réagir »
Un code simple, des procédures claires
Pour Yassine Brahim, la grande réforme qui sera entreprise concernera l’acte d’investissement. Aujourd’hui, il existe une politique volontariste pour impulser le secteur privé. « Nous allons profiter du Forum de juin qui sera organisé par la FIPA pour faire un état des lieux avec les investisseurs. Un portail sera lancé pour enregistrer tous les problèmes et suggestions émis par les investisseurs. Une cellule sera créée pour suivre les préoccupations des investisseurs et sera en contact permanent avec toutes les chambres mixtes» a-t-il expliqué.
Néanmoins, pour donner de la visibilité aux chefs d’entreprises, Yassine Brahim annonce que « le projet du nouveau Code d’investissement sera prêt d’ici juin prochain. Il reviendra, précise-t-il, à l’Assemblée des Représentants du Peuple de lui conférer effectivité en l’adoptant dans les meilleurs délais. Dans tous les cas de figure, le ministère a peaufiné une copie déjà existante et on aura au final un texte dont les lignes directrices sont la clarté, la simplicité des procédures et des délais, la libération progressive de certaines activités encore monopolisées par l’Etat et la consécration des droits de l’investisseur ».
Il en sera de même pour la note d’orientation du plan 2016-2020 qui sera prête d’ici juin prochain.
Ce que redoute le plus Yassine Brahim, c’est de voir l’ARP ne pas suivre le rythme et laisser de nombreuses réformes actuellement dans le pipe souffrir dans ses tiroirs.
Au regard de l’importance des textes qui lui seront soumis par le gouvernement, conclut le ministre, « il ne sera pas vraisemblablement facile pour les députés de prendre des vacances de 2 mois et demi comme le préconise la Constitution, en tout cas pas avant l’adoption de ces projets de loi. Nous allons mettre de la pression pour que ces réformes soient adoptés dans les délais »
Convention de partenariat entre la CTFCI et « Initiative Médenine »
La Chambre tuniso-française de commerce et d’Industrie (CTFCI) a signé une convention de partenariat avec l’association « Initiative Médenine », en vertu de laquelle la Chambre accorde à l’association un don de 30 mille dinars, dont 20 mille destinés à son fonds de prêt. Cette convention a pour ambition de renforcer l’action de « Initiative Médenine » en matière de création d’entreprises et d’assurer un meilleur accompagnement aux porteurs d’idées de projets dans ce gouvernorat. « Initiative Médenine » est une association non gouvernementale, composée de professionnels du territoire du gouvernorat. Cette plate-forme œuvre pour l’accompagnement et le financement des porteurs de projets en création ou en extension avec l’octroi de prêt d’honneur à taux zéro. « Initiative Médenine », bâtie sur le modèle « Initiative France », constitue l’un des volets de la coopération décentralisée liant le département de l’Hérault (France) et le gouvernorat de Médenine.
En vertu de cette convention, la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) devient membre du comité technique et du comité d’agrément d’ « Initiative Médenine ». La Chambre participe également aux réunions du bureau et du conseil général de l’association.