Un virage à 180 degrés, voilà ce qu’ont réussi à faire les démocraties occidentales, celles qui n’arrêtent pas de donner des leçons en droits de l’homme, en libertés et en démocratie, à tout bout de champ, rien que pour acculer les autres à se soumettre à leurs desiderata. Cela a été pire depuis plus d’un an.
Et pour cause. Dirigeants politiques et médias, font tout ce qu’il ne faut pas faire pour idéaliser « Israël », l’entité sioniste ultra militarisée et ultra soutenue par les plus grandes puissances économiques et militaires, et accabler les Palestiniens de Gaza, l’enclave sous blocus terrestre, aérien et maritime depuis plus de 17 ans. Plus de deux millions d’âmes vivent dans ce territoire exigu de 360 km2 et d’une largeur de 6 à 12 km tout au plus.
L’armée sioniste aura beau lâcher des milliers de bombes, parmi les plus lourdes livrées par leur parrain américain, sur la tête de civils, femmes, enfants, vieillards, handicapés, malades, blessés démunis, sur les écoles désormais détruites, sur les hôpitaux transformés en cimetières, sur les bâtiments rasés, sur les déplacés à la recherche de la rare nourriture et du minimum de survie dont l’eau, cela reste inaudible pour les puissants de ce monde qui ne voient rien et n’entendent rien d’autre que le droit d’Israël de « se défendre », comprendre par là, le droit de tuer aveuglément, d’exterminer, d’exproprier. Le gouvernement extrémiste de droite de Netanyahu se sait tellement soutenu, protégé, porté à bras-le-corps par les Etats-Unis et leurs alliés, qu’il en est venu jusqu’à renier l’existence historique de la Palestine et des Palestiniens. L’idéologie fanatique talmudique, qui est la leur, va jusqu’à attribuer « ce Mensonge » à Dieu, le Tout-Puissant, pour convaincre les non-musulmans de la justesse et de la légitimité de leurs crimes contre l’humanité et leurs crimes de guerre contre les Palestiniens qui, eux, par contre, n’ont aucun soutien même pas du côté des Arabes qui semblent ne pas devoir décevoir les Américains. En dépit de toutes les initiatives diplomatiques à l’échelle des Nations unies pour aboutir à un cessez-le-feu à Gaza ou au moins, pour faire parvenir aux civils des aides alimentaires, la communauté internationale est demeurée impuissante face à la barbarie israélienne et à la complicité américaine. Certes, les Etats-Unis sont complices — ils ne s’en cachent même pas — dans le génocide qui est en train d’être perpétré à Gaza, complices en usant de leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies chaque fois qu’il s’agit de prendre la décision de mettre un terme aux souffrances des Palestiniens et aux massacres de leurs enfants. L’administration Biden est restée sourde aux appels des millions de manifestants qui ont sillonné les rues de tous les Etats US appelant à un cessez-le-feu et à mettre fin au génocide palestinien. Elle aurait pu stopper Netanyahu si elle l’avait voulu, elle en avait et a les moyens, mais elle ne l’a pas fait. Pire, elle s’oppose même à la Cour pénale internationale, la décrétant non compétente pour statuer sur la guerre israélienne à Gaza, et ne reconnaît pas sa décision d’émettre des mandats d’arrêt internationaux contre le premier ministre israélien Netanyahu et son ex-ministre de la défense, Gallant.
L’administration Biden met ainsi le holà à ses alliés pour ne pas soutenir la CPI, voire pour la décrédibiliser ainsi que son procureur général Karim Khan qui se trouve soudainement objet d’une plainte pour harcèlement sexuel. Classique. C’est tellement facile.
Le monde a bien changé et la parole libre est devenue outrancière. Les réseaux sociaux s’en font l’écho.
Au moment où un peuple se fait exterminer, des politiques, des journalistes, des chroniqueurs, des activistes du monde dit libre prônent le non-respect du droit international (décision de la CPI) au bénéfice de la loi du plus fort, autorisé à tout faire sans tabous pour servir ses intérêts. A quoi devrons-nous nous attendre dans les jours et les mois qui viennent, d’autant que le risque de déclenchement d’une troisième guerre mondiale n’a jamais été aussi grand depuis la fin de la seconde en 1945? Le monde a bien changé mais n’a pas perdu toute sa tête. Des voix « discordantes », attachées aux valeurs universelles, à la justice, aux droits inaliénables des peuples sans distinction de couleur, de religion, de race ou de niveau de richesse, résistent à toutes les tentatives visant à les étouffer. Parmi elles, une voix juive qui déconstruit courageusement l’image “idyllique” accolée à Israël. C’est celle de l’ancien président de Médecins du Monde, Rony Brauman. Assumant l’expression de « ratonnade » pour qualifier la guerre de l’entité sioniste contre Gaza sur un plateau d’une chaîne publique française, le médecin s’interroge si les soldats qui ont participé à cette « ratonnade » vont devoir rendre des comptes dans leurs pays respectifs après que la CPI a émis deux mandats d’arrêt internationaux contre deux dirigeants israéliens, Netanyahu et Gallant, et qu’elle a l’autorité d’émettre d’autres mandats contre d’autres personnes sans les annoncer pour, notamment, protéger les témoins.
Les pays signataires du Statut de Rome sont tenus de respecter l’application de ces mandats d’arrêt de la CPI et, par voie de conséquence, devraient faire autant avec leurs soldats s’ils ont commis des crimes de guerre et/ou participé au génocide en cours. Les Etats-Unis, qui n’ont pas signé le Statut de Rome et ne reconnaissent, donc, pas la CPI – on peut très bien comprendre pourquoi, rappelons-nous ce qui s’est passé avec les Indiens d’Amérique – ne reconnaissent pas non plus le génocide en cours à Gaza et que la CPI a juridiquement reconnu. A l’argument fallacieux selon lequel Israël se défend contre une attaque « terroriste injustifiée » le 7 octobre 2023, Rony Brauman se fait un devoir de rappeler les conditions de torture, voire d’apartheid que vivent les Palestiniens sous la colonisation israélienne depuis 75 ans, comparant les territoires palestiniens occupés à l’Afrique du Sud sous occupation britannique. « J’ai donc des réserves pour le mot démocratie à propos d’Israël », dit-il, expliquant que sa réaction à l’attaque du 7 octobre a atteint des records de destruction à Gaza, des records d’enfants, de médecins et de journalistes tués, des records d’intensité de bombardements. « Ce ne serait que justice rendue que la CPI ouvre une enquête sur ce qui s’est passé à Gaza. Puisque rien ne semble disponible pour freiner la machine de guerre en tirs libres, seule la CPI a les moyens de rendre ces actions punissables, de leur conférer un certain coût politique, un certain coût moral et aujourd’hui, Israël est un Etat paria, notamment du fait de la mesure prise par la CPI ». Et d’ajouter : « La décision de la CPI est historique, non pas parce qu’Israël est une démocratie mais parce qu’elle concerne un pays du camp occidental qui, jusqu’à présent, a été totalement ménagé ».
Ces voix-là sont des exceptions par les temps qui courent dans les démocraties occidentales, là où la liberté d’expression était une religion.
Aujourd’hui, ces voix ne sont pas beaucoup entendues et quand elles crient pour se faire entendre, elles se font lyncher médiatiquement et se trouvent taxées d’antisémitisme.
Dans les pays du Sud, on ne nous avait pas appris que la démocratie était pure hypocrisie et qu’elle roulait à deux vitesses.
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