Quelles politiques économique et sociale pour la Tunisie : les partis politiques s’en mêlent

Après une brève évaluation de la situation économique du pays, Hakim Ben Hammouda, le nouveau ministre des Finances du gouvernement Jomâa, rappelle que la situation est difficile. Le déficit budgétaire a atteint 8,9%, soit 13 milliards de dinars. Avant que le gouvernement Jomâa ne se prononce sur les mesures à prendre, les partis politiques  proposent des sorties de crise. Focus

 

Mehdi Jomâa attendrait peut-être la fin de ses visites d’État, qui se termineront par le voyage en France et aux USA, pour dresser le bilan de la situation économique et décider des mesures à prendre pour redresser l’économie nationale et finaliser la loi de Finances complémentaire 2014. En attendant, Al Massar, Nidaa Tounes et le Front populaire s’inquiètent de la situation économique et sociale du pays et veulent aider le gouvernement Jomâa à prendre les bonnes décisions.

 

Le Front populaire, une loi de Finances complémentaire un peu imaginaire

Dans sa version du budget de l’État, le Front populaire propose une économie sans mesures d’austérité, sans endettement extérieur et par conséquent, selon lui, sans ingérence de pays tiers. Un emprunt national est la solution (emprunt obligataire national de 2.500 MD)
et l’État est le principal moteur de l’emploi et de l’investissement. D’ailleurs, celui-ci aura pour obligation d’embaucher 61.000 chômeurs et d’instaurer une allocation de chômage de 200 dinars à d’autres  (170.000 chômeurs). Le Front populaire oublie-t-il que, depuis des décennies, le secteur privé est devenu le créateur d’emplois et de richesses ? Quant aux dettes actuelles, le Front populaire propose de les geler jusqu’à ce qu’un bilan soit établi. Rappelons que depuis la Révolution il a appelé à qualifier en dette odieuse tout crédit contracté par l’ancien régime. Le Front populaire a omis de mentionner les répercussions d’une telle décision sur la souveraineté du pays auprès des bailleurs de fonds. Qualifié de non solvable, la Tunisie ne pourra plus avoir accès à des crédits, si ce n’est à taux d’intérêt très élevé. Les dettes des agriculteurs, aussi, seront annulées selon la loi de Finances complémentaire du FP. Les dettes des 100 agriculteurs d’une valeur de 400 millions de dinars ont été déployées à des fins autres que l’agriculture. Certains agriculteurs ont profité de ces dettes pour marier leurs enfants, acheter des voitures ou construire une maison. Pour subvenir aux dépenses de l’État, le Font populaire appelle à revoir la fiscalité. Il propose de créer une taxe supplémentaire de 5% pour les entreprises opérant dans les télécommunications, la distribution, les finances et les énergies. Contre l’évasion fiscale, le FP veut réétudier la loi sur le secret bancaire notamment en ce qui concerne le régime forfaitaire. Il existe des personnes qui gagnent plus d’argent qu’elles n’en déclarent. En même temps, le Front populaire propose d’annuler la recapitalisation des banques publiques d’une valeur de 500 millions de dinars, (prévue dans la loi de Finances de la Troïka), sachant que cette mesure a été aussi contestée par les députés de l’ANC.  Par rapport à la Caisse de compensation, le FP propose de la préserver en attendant une solution  adéquate. L’austérité de l’État se concrétisera, selon le FP, à travers l’écoulement d’une partie des véhicules administratifs, pour collecter près de 500 millions de dinars de recettes.

 

Al Massar, construire un nouveau vivre ensemble

Quelle sortie à la spirale récessive ? Hédi Srayeb, expert économique du parti Al Massar considère que l’articulation entre le court et le long terme est indispensable pour sortir de la crise. Selon Al Massar, la mise en place de la loi de Finances complémentaire 2014 ne sera pas un problème, vu que les bailleurs de fonds continueront à soutenir la Tunisie. Le problème réside plutôt dans le modèle économique du pays qui s’est essoufflé. Secteur informel de un million de personnes échappant aux impôts, sous emplois massifs avec deux tiers des emplois existants précaires, une classe moyenne qui disparaît à cause de l’inflation… Adoptant une politique d’emprunt pour stimuler la consommation, la Troïka a encore aggravé la situation. La vision d’Al Massar est dans la reconstruction des finances publiques. Il rejoint le Front populaire sur sa position au sujet de la dette nationale. Celui-ci propose de renégocier la dette par rééchelonnement ou d’en annuler une partie. Oui à l’emprunt national, notamment auprès des Tunisiens à l’étranger qui représentent une source considérable de financement. Al Massar critique  la politique monétaire et financière sans avenir et dénonce les taux d’intérêt infligés aux jeunes entrepreneurs créateurs d’emploi et de richesse. La catégorie de petits projets est soumise à un taux d’intérêt  de 8 à 12%, sachant qu’il existe  10.000 candidats à cette catégorie. Al Massar propose un modèle économique et social solidaire qui veut donner la priorité à la santé et à l’éducation privée pour éviter la marchandisation sociale et réduire les fractures sociales et régionales. Al Massar suggère au gouvernement de suivre les tendances économiques mondiales, de reconsidérer le secteur de l’agriculture et de restaurer la capacité d’investissement. Le parti  appelle les partenaires sociaux à assumer leurs responsabilités afin de réaliser la paix sociale.

 

Nidaa Tounes, un dialogue national pour décider de l’avenir du pays

Mahmoud Ben Romdhane pense qu’après 58 ans d’indépendance la souveraineté économique et financière de la Tunisie est actuellement menacée Et il accuse la Troïka. Celle-ci a laissé au gouvernement Jomâa une facture de 2,6 milliards de dinars, a dénoncé Mahmoud Ben Romdhane, expert économique de Nidaa Tounes. Le problème ne sera pas le financement pour cette année 2014, mais celui de 2015 ou même de 2016. Pour Nidaa Tounes, le problème est structurel.

Il existe des secteurs sinistrés qui nécessitent une relance immédiate, à savoir le tourisme et les phosphates. Ben Romdhane appelle à la restructuration de l’administration nationale qui est plongée dans un sommeil profond depuis la Révolution. Il déplore par ailleurs que l’actuel gouvernement n’ait pas encore procédé à l’élaboration de la loi de Finances complémentaire 2014 alors que l’on est déjà à la fin du mois de mars. Le représentant économique de Nidaa Tounes critique la visite du chef du gouvernement Mehdi Jomâa «effectuée aux pays du Golfe pour rechercher des financements sans obtenir des garanties officielles des pays concernés». Pour sortir de la crise actuelle, Nidaa Tounes propose la restructuration de la dette extérieure en négociant avec nos partenaires bailleurs de fonds  (principaux bailleurs) et d’arriver éventuellement à un rééchelonnement ou une annulation des dettes odieuses. Quant à la Caisse de compensation, principal maillon faible de notre économie, Ben Romdhane propose des mesures progressives et des concessions de la part des Tunisiens. Nidaa Tounes appelle à un dialogue national dont l’objectif est de reporter les revendications sociales, bien que légitimes, et de relancer l’économie du pays. 

Najeh Jaouadi

 

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