Quelles priorités pour la rentrée économique ?

La rentrée s’est accompagnée par un important remaniement ministériel qui a obtenu le vote de confiance il y a quelques jours devant l’Assemblée avec une majorité confortable. Dans son discours devant les députés et dans quelques déclarations à la presse, le Chef du gouvernement a indiqué qu’il s’agit d’un gouvernement de guerre, une déclaration qui souligne la gravité de la situation et particulièrement l’ampleur de la crise économique que notre pays traverse depuis quelques années.
Si la transition politique a connu d’importants progrès et si la situation sécuritaire a enregistré d’importants développements positifs,  avec nos forces de sécurité qui ont réussi à asséner des coups majeurs aux bandes terroristes, la situation économique reste préoccupante et constitue le plus grand défi à relever lors des prochaines semaines. Et très certainement, l’avenir de ce gouvernement dépendra de sa capacité à apporter les solutions aux maux et aux crises économiques que traverse notre pays.
Certes, cette période de transition économique nous a permis de mettre l’accent sur une série de défis, certains d’ordre conjoncturel, d’autres plus structurels. S’il est difficile de répondre à ces défis de manière simultanée, il est essentiel de définir les priorités de l’action publique pour les mois à venir afin de relancer la croissance et le développement, et d’échapper à cette crise sans précédent.
De mon point de vue, le gouvernement actuel doit s’attaquer à trois grandes priorités lors de cette rentrée. La première concerne la grave crise des finances publiques que nous traversons depuis la Révolution. Une crise qui trouve ses origines dans le gap qui ne cesse de grandir entre les recettes et les dépenses de l’Etat. Selon les premières estimations de la loi de Finances 2018, ce gap avoisinera les 11 milliards de dinars et il sera difficile de combler. Cette situation et la crise des finances publiques constitueront la redoutable équation que le gouvernement devra résoudre dans les prochains jours. Ainsi la loi de Finances 2018 sera le premier grand oral que le gouvernement devra affronter dans les prochaines semaines. Son projet de loi de Finances devra convaincre, en trouvant l’équilibre nécessaire entre la satisfaction de besoins économiques et sociaux de plus en plus pressants et les impératifs de réduction des déficits et de la maitrise des grands déséquilibres macroéconomiques.
La seconde priorité économique du gouvernement lors de cette rentrée devrait être la reprise vigoureuse de l’investissement. Les péripéties de la Révolution et les difficultés de la transition économique ont été à l’origine d’une grande incertitude et d’une anxiété sur l’avenir qui ont découragé les investisseurs. Depuis, les investisseurs tunisiens comme étrangers se sont murés, pour la plupart, dans un grand attentisme. Ce silence a pesé sur la croissance et explique en grande partie sa fragilité et ses déséquilibres. En effet, au cours de ces dernières années, ce sont la consommation et les importations nourries par les hausses salariales qui ont porté notre économie. Or, la faiblesse de la croissance et l’explosion des grands déséquilibres macroéconomiques ont montré les limites de ce modèle économique post-révolution. Or, il est nécessaire aujourd’hui de rééquilibrer ce modèle en mettant l’investissement au centre des dynamiques de croissance. Ce nouvel équilibre renforcera les bases de la croissance et nous permettra de sortir de sa fragilité et nous aidera à soulager les grands équilibres macroéconomiques. La relance vigoureuse et franche de l’investissement devra constituer la seconde priorité des pouvoirs publics lors de cette rentrée.
La troisième priorité concerne l’accélération des réformes économiques que les différents gouvernements ont cherché à mettre en place depuis la Révolution. Il s’agit d’un large programme qui cherche à opérer une refonte de nos institutions ainsi que le renforcement de leur efficacité. Ces réformes vont de la refonte de l’Administration, au système de financement de l’économie, au système de compensation, à la réforme fiscale, au système éducatif. Il s’agit de réformes majeures à propos desquelles, en dépit d’un large consensus, nous n’avons pas été en mesure de faire de grands progrès. Il est nécessaire d’établir dans les réformes qui ont été annoncées les priorités de manière à faciliter leurs mises en œuvre.
Cette rentrée est probablement celle de tous les dangers, compte-tenu de la gravité de la situation économique et de l’ampleur de la crise que traverse notre économie. Elle exige de la part des pouvoirs publics de la clarté dans la vision et le projet économique et de la détermination dans son exécution. Plus particulièrement, le gouvernement doit donner la priorité au redressement des finances publiques, à la relance des investissements et à une accélération de la cadence des réformes. De sa capacité à relever ses défis dépendra largement le retour de la croissance et du développement ainsi que l’appréciation de ses performances.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana