Quelles réformes pour l’Administration ?

Par Ridha Lahmar

 

Après avoir été admirée et qualifiée de tous les superlatifs au point d’être placée sur un piédestal, et ce, des années durant, l’Administration tunisienne est aujourd’hui accablée de tous les défauts. Les qualificatifs cités par le uns et les autres ne manquent pas : pléthorique, inefficace, absentéiste, peu productive, parfois même partiellement suspectée de corruption, à tort ou à raison.

Selon différentes sources, l’évaluation du travail quotidien effectif dans la fonction publique tunisienne varie de 3 minutes à 4 heures en passant par une heure seulement.

Une autre source estime que l’Administration ne remplit que 48% des tâches qui lui sont confiées. Ce qui est un taux optimiste.

Mehdi Jomâa, chef du gouvernement provisoire, s’exprimant lors de l’inauguration de la 29e session des journées de l’entreprise, affirmait que les salaires de la fonction publique ont augmenté de 45% en quatre ans, que l’Administration tunisienne est lourde, peu efficace et incapable de réaliser les projets de développement. Elle a besoin d’être dégraissée. Le chef du gouvernement a qualifié le système d’information de l’Administration comme étant peu digne d’une petite entreprise.

Il a invité, d’ailleurs, les fonctionnaires et tous les Tunisiens à se remettre au travail. À propos de l’administration régionale : lorsque le directeur régional d’un département ministériel rencontre un obstacle, au lieu de se référer au gouverneur pour prendre une décision, il fait un rapport à son ministre, ce qui retarde de plusieurs mois la solution du problème. C’est pourquoi il y a urgence à décentraliser l’Administration.

De son côté le ministre des Affaires sociales estime que les sureffectifs dans l’Administration sont de l’ordre de 30%. Or si certains départements souffrent de sureffectifs, d’autres ont au contraire des problèmes de pénurie.

Il y a donc urgence pour procéder à une redistribution des effectifs de fonctionnaires entre différents départements de l’Administration.

Il faut dire que depuis le 14 janvier 2011 le manque d’autorité de l’État est pour beaucoup dans cette nouvelle conjoncture dans laquelle se trouve l’Administration.

Il y a également la succession de quatre gouvernements distincts en quatre ans. Cette instabilité a engendré un manque de continuité de l’État qui jette le trouble dans l’esprit et le comportement des fonctionnaires.

Les cadres supérieurs de l’Administration ont été en quelque sorte «paralysés» par crainte de plusieurs risques dont le fameux «dégage» qui stigmatise la révolte des «petites mains» et des employés subalternes.

Pourquoi en est-on arrivé à ce point ? Quelles conséquences et quel impact sur le processus de développement ?

Il y a également le manque de motivation des fonctionnaires et l’absence de mobilisation des «troupes» par les politiques ou ministres.

Il n’y a pas d’incitation au rendement ni de prime pour l’innovation ou la persévérance.

L’Administration a perdu ses «ressorts», dont la traditionnelle promotion tant convoitée, «être nommé directeur général d’administration centrale» avec son corollaire de primes et d’avantages en nature ou encore le pouvoir de décider de façon presque absolue dans tel ou tel secteur, éventuellement grâce à une procuration du ministre pour la signature. Une sorte de «chasse gardée . Quelle réformes faut-il promouvoir pour redorer le blason de l’Administration, lui redonner son efficacité, lui insuffler confiance et motivation ?

Certes, il y a la décentralisation du pouvoir et de la décision au niveau régional et local, la proximité engendre efficacité et économie de temps en plus de la connaissance minutieuse des problèmes, donc des solutions.

Les prérogatives et les compétences des gouverneurs et des directeurs régionaux des différents départements ministériels doivent être revues pour leur accorder des responsabilités réelles.

Il est essentiel de motiver les fonctionnaires par un système d’intéressement moral et matériel pour ce qui est de la mesure de la productivité en fonction des résultats obtenus et selon des normes objectives.

En fait, l’Administration a besoin d’une véritable restructuration et d’une mise à niveau intégrale avec intégration de la notion de service public, implantation d’un système d’information performant, mise au point d’une formation ;

La promotion devrait être faite sur concours et non par ancienneté, car il y a souvent confusion entre ancienneté d’une part et compétence et expérience d’autre part.

 

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