Je l’ai déposé au pas de sa porte dans la banlieue de Tunis, soulagé de me débarrasser de lui. J’avais faim et me demandais ce que je vais bien pouvoir béqueter qui ne fasse pas partie de la liste noire de mon diététicien. Il m’a alors sorti de mes méditations en m’invitant à partager avec lui, avant de repartir, une forêt noire (Pâtisserie à base de génoise, garnie de crème fouettée, de cerises à l’eau-de-vie et de copeaux de chocolat.) et un verre de thé noir. On appelle ce thé très sucré qu’on laisse cuire des heures sur petit feu, thé rouge ou goudron chez les ouvriers de chantier qui en raffolent ; il a créé des inimitiés entre la Tunisie et la Libye parce que, lors de son introduction en Tunisie, au début du vingtième siècle, il était considéré comme une drogue.
Je dois avouer que je n’ai pas résisté à son invitation et je le regardais, amusé, pousser des gémissements de plaisir en dégustant tous ces aliments illicites qu’il venait à peine de prohiber.
A ma curiosité de savoir pourquoi il s’autorisait les plaisirs qu’il déconseillait aux autres, Il m’a cité, en mangeant sa tarte dégoulinante en sucre et matières grasses, les recommandations des grands philosophes, comme La Rochefoucauld qui prétendait que : « c’est une ennuyeuse maladie que de conserver sa santé par un trop grand régime. » Faisant volte-face, il m’a même conseillé de ne pas lésiner sur les dangereuses gourmandises et de faire confiance à Sénèque pour qui se laisser aller, de temps à autre, est le meilleur moyen de « soigner notre morosité ! »
Je suis parti de chez lui le ventre et le cœur gros, en me disant qu’on ne peut plus faire confiance à personne.
L’autre jour, mes enfants avaient une irrésistible envie de gâteau et voulaient qu’on aille en chercher en pâtisserie. Me souvenant de mon nutritionniste kamikaze, je me suis dit, avec le philosophe Kant, qu’« en état de santé et dans la jeunesse, ce qui vaut le mieux pour la jouissance, sa durée et son importance, c’est de consulter uniquement son appétit. » Je lisais, au moment où mes enfants sont venus me réclamer leur sucre quotidien, L’âge d’homme du docteur Besançon qui m’asséna une autre devise séductrice : « Dieu merci, écrit-il, les règles de l’hygiène alimentaire sont comme les femmes laides. Personne ne les suit. »
Je me suis remis sur le palais la saveur irrésistible de la fameuse Forêt noire dont je garde un souvenir exquis depuis ma visite chez le nutritionniste.Une fois n’est pas coutume, me dis-je, au diable l’abstinence !
En consultant la recette et en regardant les superbes photos, je me suis dis que la tâche était trop ardue et j’ai déplacé l’envie des enfants sur des préparations plus simples.
Une salade de fruits en hommage à Bourvil dont on parle beaucoup ces temps-ci : Salade de fruits, joli, joli, joli…, et, pour l’accompagner, un sorbet au citron ; recettes qui ont aussi l’avantage de répondre, en partie, à la grande campagne des cinq fruits et légumes dont on nous berne depuis des années, à la télévision française.
Salade de fruits
Pour 6 personnes, prévoir 2 belles poires, un petit melon, 2 kiwis, 4 oranges non traitées, 2 pamplemousses, 1 ananas ou une petite boite d’ananas en tranches (sans le jus), les graines d’une grenade.
75 g de sucre semoule, 4 rubans de zeste d’un citron moyen non traité, une gousse de vanille, feuilles de menthe.
En saison, vous pouvez ajouter des figues, abricots, pêches ou fraises…
Je prélève quelques rubans sur les oranges et les mets dans une casserole avec les zestes de citrons, le sucre et ½ litre d’eau.
Je fends la gousse de vanille et la gratte avec un petit couteau.
Je porte à ébullition et je retire du feu. J’ajoute quelques feuilles de menthe et laisse infuser un bon ¼ d’heure ? Je filtre le sirop obtenu et je le réserve au réfrigérateur.
Je pèle oranges et pamplemousse, poires et kiwis et les détache en quartiers.
Je coupe mon melon en quartiers.
Je pèle l’ananas et je le coupe en deux verticalement.
Je coupe tous ces beaux fruits finement.
Je répartis les fruits dans des petites assiettes creuses ; je les parsème de graines de grenade ; je les nappe de mon sirop parfumé et bien refroidi et je ciselle et répartie des feuilles de menthe dans les assiettes. Je sers aussitôt.
Sorbet au citron
¼ de litre de jus de citron ; ¼ de litre de lait frais entier ; ¼ de litre d’eau ; 250 g de sucre semoule.
Je fais bouillir l’eau et le sucre dans une casserole ; je laisse le sirop obtenu refroidir ; je mélange bien avec le jus de citron puis j’ajoute le lait.
Je verse la préparation dans une sorbetière.
Je sers le sorbet aussitôt qu’il est pris, encore tendre, avec la salade de fruits, si je veux.
Ceux qui n’ont pas, comme moi, une sorbetière, peuvent utiliser des bacs à glaçons ; évidemment, le sorbet ne sera pas bien onctueux.
Lotfi Essid