
Par Moncef Kamoun*
Le dimanche 13 octobre Les Tunisiens ont confié un mandat présidentiel clair à Kaïs Saïed, en l’élisant avec 72,71% des suffrages exprimés et un taux de participation de 55% soit 2,77 millions de voix, contre 1 million pour son adversaire.
Je ne connais pas du tout l’homme, je me rappelle à peine dans une émission de caméra cachée à la télévision, il y a au moins 6 ans, monsieur Kaïs Saïed en pleine entrevue alors que le studio de télévision est secoué par un faux séisme, projetant l’animateur contre un mur et faisant balancer la pièce entière dans un climat de panique générale, Kaïs Saïed m’a impressionné par son calme il est resté imperturbable, le visage impassible, regardant droit devant lui vaguement ennuyé par l’incident, c’était incroyable il prenait même la peine de regarder sa montre…
Qui est Kaïs Saïed?
Fils d’un fonctionnaire de la municipalité et d’une mère au foyer, Professeur de droit constitutionnel, 61 ans, diplômé en Droit international de la Faculté de Droit et des sciences politiques de Tunis et de l’Académie internationale du Droit constitutionnel et de l’institut international de Droit humain à San Remo en Italie, il était professeur à la Faculté de Droit et des sciences économiques et politiques de Sousse puis à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, il a été aussi Secrétaire général et vice-président de l’association tunisienne du Droit constitutionnel pendant 5 ans. Avant ses nouvelles fonctions il était assistant et chargé de cours à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, coté passé politique il n’en a pas. Jamais élu, jamais candidat, et c’est certainement la raison de son succès.
Frédéric Bobin, responsable du service étranger du journal Le Monde le décrit comme un constitutionnaliste, qui professe un conservatisme socio-religieux.
Antoine Basbous, dirige l’Observatoire des pays arabes, explique ce paradoxe tunisien: « Kais Saied veut imposer le pouvoir du peuple et que le peuple fasse son programme« .
Un élu inconnu, sans programme et sans campagne électorale
Le quartier général de Kaïs Saïed est un appartement modeste, les fenêtres donnent sur la station de tramway de la rue Ibn-Khaldoun, sans aucun décor, des tables en plastique, des murs nus, seul caprice graphique l’affiche où figure une Tunisie coiffée de la balance de Thémis, le grand symbole de l’équité.
Tout le monde attendait le discours d’investiture pour connaitre un peu plus notre nouveau Président, cet homme mystère.
Le discours se voulait rassurant malgré une ambiance assez tendue en raison de la mission presque impossible qui consiste à la formation d’un gouvernement dans les prochains jours et qui sera présidé par Ennahdha et ce vu la composition politique du nouveau Parlement.
Le président a insisté dans son discours sur la lutte contre le terrorisme et la corruption « Nul ne peut être hors-la-loi » selon ses mots, il a également parlé du respect de la Constitution et qu’il est surtout conscient de ses responsabilités.
Sa vision du monde, dans laquelle un conservatisme moral et religieux teinté de souverainisme cohabite avec un projet de démocratie directe renversant la pyramide de l’Etat.
J’ai peur Monsieur le Président
Oui j’ai peur, une peur sans nom et sans fond mais avec fondements, J’ai peur de l’avenir qui semble ne pas rentrer vraiment dans vos soucis immédiats. J’ai peur que mon pays sombre dans l’anarchie et le chaos. J’ai peur que la Tunisie devienne imprenable.
Nous somme déjà un peuple corrompu, aujourd’hui les Tunisiens sont devenus des loups les uns pour les autres depuis que l’État leur a promis la richesse gratuite.
Je ne vais pas vous apprendre, le principe de votre mission, vous êtes garant de la Constitution, chef des armées et patron des affaires étrangères mais votre devoir obligatoire est de procurer la sécurité nationale en tant que président du conseil de sécurité nationale et de redonner confiance à ce peuple malmené par des faux politiques et de sauvegarder leur unité et leur indépendance, faire de sorte de ne pas être le père des trois millions de tunisiens qui vous ont élus mais un vrai père de la nation.
La récréation est finie, notre pays est au bord de la faillite
Nul ne se demandait si le Tunisie en arriverait là, la question était plutôt de savoir quand cela allait se produire.
Aujourd’hui tous les indicateurs sont au rouge et la situation politique et sociale est catastrophique.
Vous n’êtes pas sans savoir monsieur le Président que lorsque vous êtes arrivé au pouvoir les indicateurs économiques et financiers du pays ont atteint des niveaux sans précédent ils se sont gravement détériorés en raison de la gestion irresponsable, aggravée par les tâtonnements d’une politique sans âme qui est essentiellement faite de saupoudrages, de par à coups et de rafistolages, en somme, un pilotage à vue, résultat :
- Une dette extérieure de 90% du PIB qui détruit l’économie tout entière et touche même la souveraineté de la Tunisie
- Une inflation qui atteint des niveaux sans précédent et menace l’ensemble des équilibres économiques et financiers du pays
- Une grave détérioration de la valeur du dinar signe de détérioration de l’ensemble des indicateurs économiques et le processus d’appauvrissement de notre pays et de désespoir et de peur de tous mes compatriotes.
- L’école étatique a perdu ce qui lui reste encore à sauver, notre école publique gratuite et généralisée était le fleuron des services publics aujourd’hui on n’a pas plus confiance en nos institutions pour leur confier l’éducation de nos enfants. Le niveau des élèves comme des enseignants est devenu médiocre.
- La santé publique a était toujours considérée comme une sorte de baromètre qui permet de mesurer le degré de développement des pays à travers le monde et nous étions reconnus par le développement de ce secteur et réputés par le haut niveau des compétences médicales, de nos jours la qualité aussi bien des infrastructures que du matériel sont dans un état chaotique.
Monsieur le Président, soyez à l’écoute, soyez courageux
Monsieur le président, je suis inquiet pour mon pays, pour mon avenir et
celui de mes enfants.
Aujourd’hui tout est à reconstruire.
Nous sommes tous révoltés pour notre sort, le pauvre pour le pain, le chômeur pour le travail, le travailleur pour la liberté d’expression, la dignité étant un dominateur commun.
C’est la perception générale des Tunisiens vu les grandes incertitudes qui entourent les perspectives de croissance, l’inflation, la hausse des impositions, le coût de la faillite imminente de l’État, s’il n’existe pas de contrôle accéléré d’un programme de sauvetage réaliste dans lequel le facteur interne est intégré à son homologue externe, dans le respect des traités et les accords conclus entre pays frères et amis.
La constitution a fait de vous le garant de la bonne marche du pays.
Alors soyez à l’écoute et courageux pour tout reconstruire
Vous avez à votre côté la force contraignante de la loi pour contrer tous ceux qui voulaient du mal au pays.
*M.K Architecte