Nombreuses sont les pommes de discorde qui viennent approfondir le fossé entre Moncef Marzouki, chef de l’Etat et Hamadi Jebali, chef du gouvernement. La dernière mésentente en date est celle relative à l’extradition de Baghdadi Mahmoudi, ex-Premier ministre libyen arrêté depuis septembre 2011.
Bien que le Président de la République Moncef Marzouki ait exprimé «son opposition de principe» à cette extradition, son Premier ministre, Hamadi Jebali ne semble pas être prêt pour prendre en considération cette prise de position puisqu’il a confirmé que «la Tunisie extradera Mahmoudi même sans l’aval de Marzouki.
Tout a commencé avec la guerre des déclarations orchestrée par les conseillers du Président contre le gouvernement appelant même l’équipe de Jebali à démissionner. Cette attaque suscite encore la grande polémique quant à la nature de la relation entre les deux institutions. Mieux encore, le mutisme complice du Président vis-à-vis des déclarations virulentes de ses conseillers a donné un signal clairement négatif quant à la concorde entre les premiers responsables du pays. Il est vrai que la période transitoire par laquelle passe le pays est à l’origine de cette ambiguïté au niveau du partage du pouvoir. Ceci étant, chaque institution, notamment la présidence de la République, celle du gouvernement et à un degré moindre la Constituante prétend avoir le droit de gérer le pays à sa guise et de traiter les dossiers selon ses intérêts bien qu’il y ait eu déjà un compromis annoncé sur la “petite constitution” qui définit clairement les prérogatives de chaque partie.
L’affaire Baghdadi Mahmoudi demeure, à notre sens, un autre faux problème. Etant donné que la décision a été déjà prise par la Cour d’appel qui a émis les 8 et 25 novembre 2011, deux ordres d’extradition ainsi que l’accord de principe pour extrader l’homme fort du régime déchu de Kadhafi qui a été conclu depuis le mois de mai dernier entre les pouvoirs en place en Tunisie et en Libye, il semble que l’affaire a été réglée définitivement. Cela dit, en dépit de cette polémique judicio-politique provoquée par une affaire qui a pris une telle ampleur faisant de Mahmoudi —impliqué jusqu’au cou dans les massacres commis par le régime de Kadhafi— un héros, il s’agit d’un nouvel épisode du feuilleton de fausses polémiques provoquées par le pouvoir afin de faire détourner l’attention du peuple tunisien des vrais problèmes qui secouent le pays, à savoir le chômage, la sécurité, la recrudescence de la violence, la justice etc.
Cette tentative de diversion est de nature à accentuer les clivages au sein de la coalition tripartite au pouvoir et risque même de faire imploser la Troïka. C’est pourquoi d’ailleurs, il faut dissiper toute équivoque et trouver un terrain d’entente afin de ne pas faire de cette question une source supplémentaire pour rompre un équilibre déjà instable.
Une autre affaire nous semble aussi très révélatrice de ce désordre au sein du sommet du pouvoir, celle relative à la question d’un éventuel changement à la tête de la Banque centrale.
Une autre prouesse du Président Marzouki est celle de critiquer aujourd’hui le rendement du Gouverneur de la Banque centrale en affirmant, lors d’une émission diffusée sur la chaine Hannibal TV, qu’il lui revient de droit de le destituer de ses fonctions. La déclaration en question semble avoir provoqué l’ire de M. Mustapha Kamel Nabli qui considère que «toute déclaration concernant ma destitution est prématurée et c’est à l’ANC de trancher l’affaire». Le lauréat du «meilleur gouverneur africain de Banque centrale» refuse d’être éjecté de cette manière humiliante.
Il est clair aujourd’hui que le courant passe mal entre les alliés au pouvoir. Cet amalgame au niveau des prérogatives de chaque institution est très alarmant d’autant plus que les responsables de ces institutions se comportent comme n’étant pas provisoires et se permettent de s’attribuer des pouvoirs permanents.
Par Mohamed Ali Ben Sghaïer