Au terme d’une longue attente et d’interminables doutes, la date de l’élection présidentielle devant se dérouler en automne 2024 a été enfin révélée par décret présidentiel le 2 juillet courant et fixée au 6 octobre prochain, soit dans un délai de trois mois.
Dimanche prochain, 14 juillet, marquera le début de la période électorale sans que le président Kaïs Saïed ait donné le moindre indice de son intention de se porter candidat à sa propre succession ou pas. Ce nuage d’incertitude devrait, toutefois, être dissipé au plus tard dans la semaine du 29 juillet au 6 août 2024, période de dépôt des candidatures pour le scrutin attendu par les uns et redouté par les autres.
Les premiers, plus souverainistes, partisans d’une Tunisie nouvelle dirigée par un homme intègre et fort qui rompt tout lien avec la décennie noire gouvernée par les islamistes et leurs alliés et en efface les multiples écueils, voudraient voir Kaïs Saïed poursuivre son « travail » de lutte contre la corruption et contre tous les lobbys qui bloquent l’Administration et l’Etat et empêchent la Tunisie d’avancer. Attachés sans conteste à une gouvernance démocratique, ils ne s’embarrassent pas pour autant des tours de vis portés aux libertés individuelles quand ils s’imposent notamment pour moraliser la vie politique et « contrôler » les médias et les réseaux sociaux.
Les seconds, radicalement libéraux, adeptes d’un régime qui ressemble à une démocratie sans freins, « mieux vaut tout que rien », s’opposent à tout ce qu’a entrepris Kaïs Saïed depuis le coup de force du 25 juillet 2021 et certains en payent de leur liberté les frais de leurs positions. Dans cette catégorie, également, les cibles du 25 juillet 2021 qui ne se résolvent pas à leur défaite « forcée », à la dissolution de « leur » ARP et à leur éloignement de la vie politique, c’est-à-dire toute la classe politique et les syndicats qui n’ont pas su, pu ou voulu stopper la dérive économique et sociale de la Tunisie sous les ordres des islamistes et en font supporter, jusqu’à aujourd’hui, les conséquences aux Tunisiens. Pour ceux-là, dont les leaders sont pour la plupart sous les verrous, l’élection présidentielle est l’espoir ultime de mettre un terme démocratiquement au « règne » de Kaïs Saïed qui détient tous les pouvoirs et de l’empêcher de rester encore au pouvoir pendant cinq autres années.
Hormis le fait que ce scrutin présidentiel respecte les délais constitutionnels, la campagne électorale de trois semaines, à partir du 14 septembre 2024, s’annonce très tendue en l’absence de garanties en faveur d’une émulation forte et saine entre plusieurs candidats de divers bords. Ce ne sont pas les postulants qui manquent mais un bon nombre de profils sont pour le moment hors circuit, risquant de ne pas répondre aux conditions d’éligibilité, notamment ceux qui sont en attente (en prison) de leurs procès, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat, c’est le cas des dirigeants du Front du salut national, ou d’outrage à autrui, de diffusion de fausses informations et de mise en danger de la sécurité publique pour la présidente du PDL, Abir Moussi.
Les candidats les plus sérieux potentiellement dans la course se comptent sur les doigts d’une main, sans garantie d’être au top départ le jour J. Néji Jalloul, universitaire, président du parti de la Coalition nationale tunisienne, ancien ministre de l’Education. officiellement candidat à la Présidentielle du 6 octobre prochain depuis dimanche 7 juillet, ancien dirigeant de Nidaa Tounes, qui compte parmi les proches de Béji Caïd Essebsi, pourrait incarner l’introuvable (à ce jour) candidat consensuel que recherche la famille démocrate-progressiste pour concourir face à Kaïs Saïed, même à chances inégales. Tout en sachant qu’Abdellatif Mekki, Lotfi Mraïhi (en détention) et Safi Saïd, autres candidats opposants potentiels, ont été pris dans les filets de la justice et sont en liberté provisoire dans des affaires judiciaires en cours d’instruction.
Tous ces noms appartiennent à des personnalités politiques qui ont « brillé » par leur compromission, leur opportunisme ou leur incompétence au cours de la décennie noire. Quels scores sont-ils en mesure de réaliser en cas de participation à la course de la magistrature suprême ? Tous les scénarios restent possibles dans un contexte de peur et d’incertitudes quant au devenir des libertés en Tunisie, l’unique acquis de la révolution de la dignité que les Tunisiens ne sont pas près de sacrifier, quelle que soit leur position par rapport au processus du 25 juillet 2021.
Kaïs Saïed, selon les sondages, est incontestablement le favori de cette élection présidentielle malgré un mandat truffé de bouleversements, de contestations et de mesures répressives. Mais cette possible victoire n’est pas à l’abri de mauvaises surprises. Il y en aurait une à laquelle le futur-ancien locataire de Carthage ne souhaiterait sûrement pas devoir faire face, c’est un fort taux d’abstention ou de faire tout seul la course en l’absence totale de candidat opposant. Il n’est pas là, question de légalité mais de légitimité, sachant que Kaïs Saïed s’est attaché à ces deux principes, simultanément, pour asseoir son premier mandat.
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