Au delà du symbole de notre identité et de la souveraineté de notre pays, et du miroir fidèle qui reflète la santé de notre économie, le dinar recèle une valeur marchande qui représente notre dignité, notre pouvoir d’achat et notre niveau de vie. Après une lente baisse de la parité du dinar vis-à-vis de l’euro et du dollar accélérée depuis 2011, la dépréciation s’intensifie et provoque des répercussions lourdes de conséquences.
Comment se décide le taux de change du dinar ?
Ce taux de change est fixé chaque semaine par référence à un panier de devises, constitué essentiellement par l’euro et le dollar, en fonction de la pression exercée par l’offre et la demande en devises par les acteurs économiques.
Or, depuis le début 2017, le dinar a perdu 10% de sa valeur par rapport à l’euro et la déclaration de la ministre des Finances a précipité la chute. Nous aurons avant la fin 2017 1 euro à 3 dinars ce qui serait, à Dieu ne plaise, catastrophique.
Les causes qui justifient l’effondrement de la parité de change du dinar sont connues, elles sont structurelles et conjoncturelles. Il y a d’abord l’ampleur et la croissance du déficit du commerce extérieur, qui a connu au cours du premier trimestre 2017 une accélération sans précédent et sans justification crédible.
Ensuite, il y a le déficit béant et constant des différents budgets de l’Etat depuis 2011 suivi de près par l’endettement public extérieur qui a dépassé 64% du PIB, une source d’inquiétude d’autant plus que les emprunts extérieurs sont surtout destinés à financer les salaires de la fonction publique et non l’investissement et que la croissance économique n’est pas encore au rendez-vous pour faciliter les remboursements des échéances de la dette qui deviennent un lourd fardeau pour le budget de l’Etat.
Certains secteurs économiques comme le tourisme et les phosphates, qui sont des pourvoyeurs majeurs en devises pour la balance des paiements demeurent en crise malgré des frémissements de reprise générateurs d’espoir pour un avenir lointain.
Les exportations tunisiennes marquent le pas, soit à cause de la crise économique qui sévit encore dans les pays de l’Union européenne, soit encore à cause des difficultés que rencontrent nos entreprises économiques confrontées aux restrictions des crédits bancaires et à l’augmentation des revendications salariales et des charges sociales, ce qui réduit la compétitivité de nos produits face à la concurrence extérieure.
Les conséquences et les retombées de cette chute vertigineuse du dinar sont multiples et graves.
A court terme, il y aura une inflation généralisée, car les matières premières et les produits semi-élaborés qui sont importés vont coûter beaucoup plus cher en dinar d’où, un impact certain sur le prix de revient de tous les produits manufacturés.
Ainsi, le coût de la vie va connaître une flambée, ce qui réduit le pouvoir d’achat des classes moyennes qui se rapprochent de plus en plus du seuil de la pauvreté.
Le déficit du budget de l’Etat va se creuser encore plus, compte tenu de la compensation des produits de base et de l’énergie. A moyen terme, notre endettement public extérieur, exprimé pour les 2/3 en dollar et 1/3 en euro, va être réévalué en ce sens que nous devons consacrer plus de dinars pour honorer nos échéances de remboursement.
L’impact sera lourd sur les prochains budgets de l’Etat pour ce qui est du service de la dette extérieure.
La chute du dinar va conforter dans sa stagnation un investissement déjà en panne.
Il faut reconnaître cependant qu’un dinar faible est susceptible de donner un coup de pouce à nos exportations et à notre tourisme.
A quelles solutions pouvons-nous avoir recours pour ralentir et contenir, un tant soit peu, cette “descente aux enfers” ? D’abord, restaurer la valeur travail chez tous les Tunisiens, dans toutes les régions du pays et tous les secteurs d’activité.
Restaurer la souveraineté de l’Etat, appliquer la loi en matière de liberté d’accès aux lieux de travail et protéger la libre circulation des personnes et des moyens de transport.
Imposer des restrictions et des contrôles sévères sur les importations de biens de consommation mais aussi de lourdes taxes sur tout ce qui n’est pas produit de base.
Organiser une campagne de sensibilisation pour modérer la consommation du Tunisien qui sombre dans l’hyper consommation quitte à se surendetter.
Mettre en place un système de lutte efficace contre la contrebande et la corruption aux frontières.
Mettre en application un plan d’austérité choisi et assumé par nous-mêmes, plutôt qu’imposé par les institutions internationales pour réduire le train de vie luxueux de l’Administration, des politiques, des institutions de l’Etat et des entreprises. Le maître-mot devrait être celui d’épargner pour investir et non consommer pour se donner l’illusion d’exister.
Finalement il nous appartient à tous : Etat, entreprises et ménages, de sauver le soldat dinar au risque de sombrer avec lui.