Il faut dire que nous n’avons jamais eu de véritable stratégie d’aménagement du territoire, destinée à favoriser une répartition harmonieuse et équilibrée des activités économiques et des concentrations de populations à travers l’ensemble du pays.
Autrement dit, il n’y aurait pas eu de 17 décembre 2010 et encore moins de 14 janvier 2011, avec un sursaut démocratique et son cortège de revendications légitimes de droit à l’emploi, au développement et à la dignité pour la jeunesse dans les régions défavorisées de l’intérieur du pays.
Les responsables au pouvoir ont, depuis toujours, suivi les propositions des technocrates de l’Administration, à moins que ce soit le contraire, ce qui fait qu’on a créé une zone industrielle au milieu de nulle part, Utique par exemple.
On a implanté un complexe chimique à Gabès, alors que les mines de phosphates sont à Gafsa, un désert industriel et une poche de chômage, outre des transports coûteux, mais aussi des rejets de phosphogypse qui ont empoisonné le poisson du golfe durant quarante ans.
Dans le Grand Tunis, les zones industrielles sont au sud de la capitale : Dubosville, Ben Arous et Bir El Kassaâ, alors que l’habitat se concentre au Nord : El Menzah, El Manar, Ennasr, Ariana, la Marsa et à l’Ouest : le Bardo et la Manouba.
La Charguia I et La Charguia II ont été aménagées tardivement à titre de tentative de rééquilibrage, d’où des transhumances humaines quotidiennes coûteuses et polluantes du Nord au Sud et du Sud au Nord.
Comment, une fois que les erreurs ont été commises et que les défaillances ont été constatées, peut-on remédier à la situation ?
La restructuration du réseau ferroviaire et la construction de corridors routiers transversaux et de voies express, permettront-elles de restructurer le territoire ?
Le Centre et le Sud-Ouest sont dépourvus d’autoroutes et sont enclavés, ce qui constitue un obstacle au développement, car le réseau d’autoroutes a été conçu dans les années 80 et 90, inspiré par l’esprit et la lettre du Grand Maghreb arabe, donc celui de l’autoroute maghrébine, à savoir un tronçon en première étape pour rallier l’Algérie avec Tunis-Oued Zarga (vers Jendouba) et un autre premier tronçon vers la Libye, Tunis-Hammamet prolongé par la suite jusqu’à Sfax, en l’occurence.
Le grand perdant, oublié et négligé : le Sud-Ouest, avec pour pôle Gafsa, d’où le soulèvement du bassin minier durant l’hiver 2008 et le Centre et le Centre-Ouest avec Sidi Bouzid et Kasserine, berceaux du soulèvement de l’hiver 2010-2011 avec le suicide de Mohamed Bouazizi.
Avant de pouvoir impulser réellement le développement régional, nous devons aménager les infrastructures de base et structurer le territoire, ce qui s’identifie au rôle de l’Etat. Les pouvoirs publics doivent investir pour attirer les investisseurs privés qui devraient créer des emplois et de la valeur ajoutée à travers les projets économiques à implanter dans les régions intérieures.
La modernisation du rail pour un transport de masse, sécurisé, peu coûteux et non polluant , des marchandises et des routes express pour le transport rapide et pratique des personnes, sont indispensables pour stimuler le développement régional.
Or, le transport ferroviaire est très coûteux, il implique des investissements lourds, aussi bien pour les infrastructures que pour le matériel roulant.
Il a été donc négligé et occulté à tort. Depuis l’indépendance, il a vieilli et il est tombé en désuétude.
Depuis dix ans, nous sommes rattrapés par cette erreur stratégique et essayons de la réparer.
C’est ainsi que des projets d’investissement dans le ferroviaire ont été mis en route.
L’Etat envisage la construction d’une voie ferrée entre Gabès et Medenine, de 74 km, étude à lancer en 2018, la durée prévue étant de 14 mois.
La création d’une liaison ferroviaire entre Zarzis et Medenine est inscrite au plan 2016-2020, le coût estimé est de 240 MD.
La ligne ferroviaire Tunis-Kasserine a besoin d’être remise à niveau et modernisée pour être de nouveau opérationnelle et efficace.
Il y a lieu de reconnaître que les travaux de construction du réseau du RFR avec ses cinq lignes, avancent avec une lenteur désespérante. Les passagers du Grand Tunis qui souffrent le martyre, verront-ils l’achèvement des travaux avant la retraite ou bien alors, cela sera pour leurs enfants ?
En ce qui concerne les projets routiers ayant pour objectif de désenclaver les régions défavorisées, les études techniques, économiques et d’impact environnemental, sont financées par un don de la BEI et sont déjà achevées. Le premier tronçon Tunis-Jelma porte sur 186 km, son coût est estimé à 1,680 MD. Il sera financé par le FADES : 375 MD pour le tronçon Tunis-Sbikha, soit 87 km.
Pour la voie Sbikha-Jelma d’une longueur de 99 km, le financement est assuré par la BEI, le coût est de 481 MD.
Il reste quand même 200 kms à financer, Jelma-Kasserine et Jelma-Sidi Bouzid-Gafsa.
C’est un projet colossal, soit 380 km de voies express au total à construire, le délai prévu est de trois ans pour l’exécution des travaux, et 2500 emplois sont à créer à cet effet.
A mon avis, plus de cinq ans seront nécessaires.