Des commerçants, tel un buraliste au centre commercial Phénicia, maintiennent leur boutique fermée toute la matinée tant ils ont veillé. Le souci de soi l’emporte sur celui d’autrui et outrepasse la fonction sociale de l’activité commerciale. Situons Ramadan dans le concert des nations. Comparées, les religions révélées dévoilent à quel point elles manquent d’originalité…
Lors du jeûne, elles recommandent la patience à la barbe des circonstances. Au chapitre 6 du Nouveau Testament, figure cette formulation : « Sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes… ». Le carême catholique et le Ramadan islamique prescrivent le jeûne, la prière et l’aumône. Quelques jours les séparent. L’un débute le cinq mars et l’autre commence le premier. De légères différences les distinguent. Ramadan dure trente jours et le carême quarante. Ils recommandent la modération, la piété, la pénitence et l’abstinence. Hélas, les égarés cèdent aux irrésistibles sirènes de la bombance. Goinfrerie et gloutonnerie crient sans préavis. D’après Maha Bargaoui et au vu d’une enquête menée par l’UNFT, une Tunisienne sur trois est en surpoids et le taux d’obésité masculine atteint 40%. Or, le poids donne à voir le marqueur avéré de la santé. Il pointe vers maintes activités.
« Comment remporter la guerre avec autant d’obèses dans l’armée ? », pleurnichait Bush, le sinistre président de l’invasion. Par la natation, à l’âge avancé, Bourguiba éduquait le peuple à s’émanciper. L’homme de l’ample transformation luttait sur tous les fronts.
Auparavant, prédominait la corpulence, modèle alors valorisé à l’échelle universelle. Baudelaire fustigeait la maigreur : « Des visages ravagés par les chancres du cœur / Et comme qui dirait des beautés de langueur ».
Le poète maudit mentionne le contraste introduit entre la faiblesse actuelle et la robustesse de jadis : « Cybèle alors fertile en produits généreux / Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux / Mais louvre au cœur gonflé de tendresses communes / Abreuvait l’univers de ses tétines brunes ».
L’excès remarqué parmi les mannequins en matière de maigreur mortifère séduit les crétins et désespère les médecins.
Aujourd’hui, l’observation de l’espace public vérifie l’attestation de Maha Bargaoui. A l’orée de Ramadan, époque à excessive consommation, les citoyens, échaudés par les pénuries à répétition, montent à l’assaut des marchandises vouées à la surconsommation. Pareille boulimie défie l’envol des prix. Semblable situation exhibe un contraste saisissant. D’une part, les ventres exorbitants gargouillent pour signifier combien nous consommons plus que de raison et, de l’autre, les ravages du gaspillage orientent la société vers les prémices de l’état sauvage.
L’implosion de la dérégulation au mois de Ramadan surexcite les bandes affiliées aux circuits de la contrebande.
Néanmoins, par-delà leur différenciation, un point commun unit le Ramadan de l’abstinence et celui de la bombance tant ils baignent dans une même ambiance. Salsbury écrit : « En fait, prier est l’équivalent de ce qu’est le travail ». Les rogations aux pluies le signifient.
Elles déploient une activité médiatisée par la référence au ciel étoilé. Pour le croyant, sa prière opère autant que l’effort d’un bûcheron épuisé par la canicule de l’été.
Dans son poème titré « Prière pour faire pleuvoir », Aragon écrit : « Il fait une chaleur à creuver depuis, depuis / Je n’ose pas dire depuis combien de temps / qui sont les dieux qui ouvrent les fenêtres / Et chassent la pestilence épouvantable de l’été ».
A l’orée de ce Ramadan, une population incarcérée, décimée, attire l’attention et la pensée. Les bombes américaines, livrées à la monstruosité israélienne, pleuvent sur la société palestinienne affamée au vu et au su du monde entier. Le Gazaoui, devenu étranger dans son pays saccagé par la haine, le racisme et la vengeance, ne reconnaît plus la terre de sa naissance. Avant l’occupation, il savait où trouver l’eau et les aliments. Maintenant, le sol, calciné, semble chercher à le chasser. Il ne reconnaît plus son territoire et celui-ci ne le reconnaît plus. Car à travers les pierres et la poussière de la terre hue le hibou nommé Netanyahu. A.P Elkin écrit : « Malheureusement, il peut arriver qu’un homme soit privé de cette sorte d’attache même avec sa propre partie ».
Ainsi opèrent les criminels de guerre et Netanyahu, l’affameur, congratule Trump, le milliardaire génocidaire. Dans ces conditions, planifiées par les deux plus sinistres satans, comment traverser Ramadan ?