Revenant sur la situation des eaux de surface en Tunisie, l’expert conseiller en ressources en eau et adaptation au changement climatique, Raoudha Gafrej, a sonné le tocsin.
Dans un post Facebook publié sur sa page ce dimanche 5 janvier 2025, l’experte a indiqué que : « Sur les 36 barrages en exploitation, 12 barrages disposent d’un volume nul (c’est-à-dire zéro million de m³) pour l’exploitation. Ici, le terme exploitation couvre l’usage domestique (eau potable domestique, industrie et tourisme), irrigation, pertes et fuites d’eau, et évaporation. Ces deux derniers volumes sont inévitables.
Sur les 12 barrages, qui représentent un tiers de l’ensemble des barrages, 4 sont situés dans le nord (Tine, Melah, Ghezala et Rmil), 4 dans le centre (El Houareb, Sficifa, Sidi Yaich et El Brek) et 4 au Cap Bon (Bizirk, Chiba, Lenna et Hma).
De ce fait, au 1er janvier 2025, le volume d’eau exploitable ne représente que 55 % (295 Mm³) du volume d’eau en stock, qui est de 540 Mm³. Et attention, seul un volume de 260 Mm³ pourra éventuellement contribuer à l’alimentation en eau potable. »
Pour Raoudha Gafrej, « le stock d’eau aux barrages au 1er septembre 2024 a été de 542 Mm³. Au 1er janvier 2025, les barrages ont reçu 234 Mm³ et le stock est de 540 Mm³, ce qui nous indique une exploitation moyenne d’environ 1,9 Mm³/jour. Si l’on observe les stocks d’eau aux barrages au 1er janvier depuis 2007 (1459 Mm³), on constate que le stock de 2025 est le plus faible (540 Mm³), plus bas même que ceux de 2017 et 2018, considérées comme des années sèches. »
Ainsi, l’experte considère que « les sécheresses pluviométriques successives ont engendré des sécheresses hydrologiques claires et nettes, et ce, depuis plus de 10 ans. Les déficits des apports sur la période du 1er septembre au 1er janvier ont atteint 79 % en 2023, 62 % en 2024 et 55,4 % en 2025. En plus, l’augmentation de la température a des conséquences : une évaporation plus importante, des besoins d’exploitation plus importants et un assèchement plus rapide des sols. En effet, l’écart de la température moyenne par rapport à la normale de l’été 2024 (juin, juillet et août) et de l’été 2023 a été de 1,5 degré supérieur à la normale. Celle de 2022 était de 2 degrés supérieure et celle de 2021 de 2,2 degrés supérieure. Le déficit pluviométrique de l’été 2024 a été de 50 %. Aussi, la température moyenne d’octobre 2024 a été de 2,1 degrés supérieure à la normale. »
C’est pourquoi, l’experte Raoudha Gafrej a conclu que « ceci nous conduit à reconsidérer la planification de l’eau de surface et ne plus compter dessus, par la mise en place d’une nouvelle politique agricole et un nouveau modèle de consommation, évitant toutes formes de perte et de gaspillage, surtout de l’alimentation. »
Gafrej a dans ce sens appelé à la nécessité « d’établir des conventions internationales pour les eaux souterraines et de surface partagées avec les pays voisins et d’une nouvelle politique de protection des eaux souterraines qui constituent le seul stock stratégique des eaux douces. »
M.A.B.S.