La BCT vient de publier son rapport relatif à la situation économique et financière du pays au cours de l’année 2011. Il s’agit d’un triste bilan pour les indicateurs économiques et la croissance.
Cependant, la BCT confirme les signaux de reprise de l’activité dans certains secteurs économiques depuis le début de l’année 2012 et attire l’attention sur les deux défis majeurs qui doivent être relevés par notre pays : trouver les solutions pour renouer avec une croissance forte et soutenue d’une part, maîtriser l’endettement extérieur tout en maintenant le niveau des réserves en devises à un minimum équivalent à quatre mois d’importations, d’autre part.
Nous avons choisi de faire une synthèse portant sur les aspects les plus intéressants.
Les indicateurs majeurs de 2011
La croissance économique a été négative en 2011, soit -1,8% en termes réels. Cette récession a été en réalité réduite grâce à une bonne performance du secteur agricole. Les perturbations qui ont affecté les activités économiques se sont répercutées sur les équilibres macro-économiques globaux.
L’aggravation du déficit du Budget de l’Etat et de celui de la balance des paiements : 3,7% et 7,4% du PIB.
Les réserves en devises de la balance des paiements ne représentent plus que 113 jours d’importations soit une baisse de 19%. Pour permettre aux banques en mal de ressources, vu la baisse des dépôts, la croissance des créances douteuses et la progression des besoins des entreprises économiques, la BCT a pris diverses mesures pour leur fournir les liquidités nécessaires au financement de l’économie. Cette politique volontariste a permis de sauvegarder la continuité des activités et des services de paiement.
Durant les quatre premiers mois de l’année 2012, les signaux de reprise de l’activité économique se sont multipliés dans plusieurs secteurs : croissance des échanges commerciaux extérieurs, amélioration sensible des recettes en devises et des transferts des Tunisiens établis à l’étranger. Il y a cependant des pressions exercées sur le taux de croissance et des tensions inflationnistes notamment pour les produits alimentaires.
Depuis le mois de mars 2012, un ralentissement a été constaté au niveau des exportations des industries manufacturières. Le déficit des paiements courants a augmenté et les réserves en devises ont baissé. Tout cela fait que la réalisation de l’objectif de croissance du PIB de 3,5% pour l’année 2012, restera dépendant de la reprise des activités des secteurs les plus été touchés en 2011 par les perturbations sociales : phosphates, industries chimiques, tourisme, énergie, ainsi que par l’évolution négative de la conjoncture dans les pays de l’Union européenne.
Industrie : comportement sectoriel différencié
L’étude de la croissance secteur par secteur en 2011 fait ressortir les contre-performances des industries non manufacturières comme les phosphates et les hydrocarbures, les industries chimiques, ainsi que les services marchands comme le tourisme et le transport. L’agriculture a connu une progression de la valeur ajoutée de 9,2%.
L’industrie a connu une décroissance de 7,2% à cause de la régression globale des industries non manufacturières à raison de 15%. Dans le détail : les mines pour 71% (phosphates) et les hydrocarbures pour 21% suite aux perturbations sociales.
De leur côté, les industries manufacturières n’ont régressé que de 0,9%, alors que les industries chimiques ont régressé de 38% (Groupe chimique) et les matériaux de construction de 3%.
L’activité touristique a été frappée de plein fouet en 2011 avec un fléchissement de 23% à cause du climat d’instabilité qui a suivi le déclenchement de la Révolution. Depuis le début de l’année 2012, plusieurs secteurs d’activité connaissent une reprise de la croissance : cette relance de l’activité concerne la plupart des secteurs touchés par la récession de 2011. Les résultats enregistrés par les échanges extérieurs et le tourisme confirment cette tendance au redressement et les indicateurs d’activité sont positifs, même l’inflation constatée début 2012 connaît une accalmie depuis deux mois.
Il faut dire que la demande intérieure connaît une progression après les augmentations salariales survenues au milieu de l’année 2012.
Consolidation du secteur bancaire
Durant l’année 2011 le secteur bancaire a connu une progression des crédits de 13,8% alors que la croissance des dépôts a été contenue à 5,1%, ce qui a provoqué une baisse du taux de couverture des crédits par les dépôts de 16,3% par rapport à 2009 pour se situer à 92,2%.
L’effort de financement supplémentaire en 2011 a profité à concurrence de 34% aux particuliers, surtout pour financer la construction de logements et de 66% sous forme de crédits aux entreprises avec une focalisation particulière sur les grands projets. Il faut dire qu’au cours du premier trimestre 2012, les banques ont enregistré une croissance des dépôts de 788MD soit +2,1% pour atteindre 39215MD à fin mars 2012.
Il y a lieu de remarquer que le concours croissant des banques au financement de l’économie a été accompagné par un resserrement aigu de la liquidité qui est venu s’ajouter à l’augmentation des créances classées, insuffisamment couvertes par les provisions. Ces pressions risquent de s’aggraver si la recapitalisation des banques publiques n’était pas réalisée dans les délais les plus rapides, car il y a accumulation des crédits non performants. Au cours de cette période délicate et sensible de relance de l’activité économique, la BCT a dû, en plus de l’injection massive de liquidités dans le système bancaire, faire preuve de vigilance pour maîtriser les tensions sur le taux de change du Dinar par des ponctions importantes sur les réserves en devises.
En outre, la BCT a dû veiller également au renforcement de la bonne gouvernance ainsi qu’à la supervision du système bancaire.
Contraintes financières
Le financement intérieur était en baisse en 2011, ce qui a renforcé la nécessité de recours au financement extérieur. En effet, l’épargne nationale qui était déjà insuffisante durant ces dernières années a connu en 2011 une baisse de 24,8%. Les finances publiques connaissent des pressions considérables. C’est ainsi que le surplus des recettes de l’Etat a régressé de 20,5% en 2011. Le déficit du Budget de l’Etat, hors privatisations et dons, s’est élevé à 2427MDT soit 3,7% du PIB. L’exécution du programme d’appui à l’économie en 2011, avec la promotion de l’emploi et les projets de développement, a provoqué un solde primaire négatif dans les dépenses de 647MD alors qu’il était positif de 531MD en 2010. L’encours de la dette publique a augmenté, passant ainsi de 40,5% à 44,5% du PIB. Ce qui nous rapproche dangereusement de la barre fatidique des 50%.
Ridha Lahmar