Réchauffement climatique: Quand faudra-il s’adapter ?

Il y a quinze ans déjà, le ministre de l’Environnement de l’époque reconnaissait publiquement que le désert avançait vers le Nord du pays, de quoi stériliser 50.000 ha de terres cultivables.
Avec l’accélération du réchauffement climatique ces dernières années, c’est pratiquement le cas aujourd’hui pour 100.000 ha, alors que nos céréaliculteurs ensemencent moins de 1,5 million d’hectares par an.
Notre pays vit un stress hydrique, avec une consommation de 450 m3 par an et par habitant, alors que le seuil mondial se situe à 1000 m3. Que faisons-nous pour empêcher l’invasion du désert à cause du surpâturage, de l’arrachage de l’alfa avec ses racines, de l’absence « de rideaux verts » pour faire obstacle aux vente de sables ? Peu de chose, sinon rien.
Tout cela provoque une sécheresse croissante. Le manque de forêts et d’espaces verts va dans le même sens. C’est dire que nous devons agir selon une stratégie concertée et à long terme, pour lutter contre la soif et la chaleur qui nous guettent.
En effet, malgré les dernières pluies, nous vivons la troisième année de sécheresse consécutive. Du jamais vu en Tunisie de mémoire de paysan ! Le réchauffement climatique s’accélère beaucoup plus vite que ne l’ont prévu COP21 et COP 22.
Les réserves en eau de nos barrages connaissent un déficit de 40% par rapport à la moyenne des trois dernières années.
Il manque plus de 400 millions de m3 de stock d’eau par rapport à la moyenne de ces dernières années, en attendant les pluies d’automne.
Il faudrait prier pour qu’il pleuve encore avant les grandes chaleurs afin d’assurer les récoltes et l’eau de boisson.
Mais il y a aussi beaucoup à faire pour éviter la pénurie.
A court terme et pour “sauver les meubles”, quelles sont les dispositions prises par le ministère de l’Agriculture au niveau du budget cette année, pour améliorer les ressources en eau disponibles ?
60% du budget du ministère seront consacrés à l’eau en 2018, soit 1402 millions de dinars. Des travaux seront entamés pour construire trois nouveaux barrages : Oued Tessa, Khalled et Raggaï.
Tandis que les travaux seront poursuivis pour la construction des barrages suivants : Saïda, El kalaâ, Doumis et le Haut Mellègue.
Des travaux sont en cours pour le transfert des eaux de l’Oued Maleh, Kamkoun et Tine, ainsi que la connection de Sidi Saâd et El Raggaï.
Outre la réalisation de six barrages collinaires pour alimenter le nappe.
La SONEDE bénéficiera de 28% du budget de l’eau du ministère, soit 493 MD. Deux stations d’adoucissement d’eau sont à réaliser à Sfax pour un coût de 900 MD et à Zarat/Gabès pour un investissement de 189 MD.
94 puits profonds seront creusés en 2018 pour un investissement estimé à 39 MD.
Cela est nettement insuffisant par rapport aux besoins réels du pays.
A moyen et long termes il y a beaucoup à faire au niveau de la SONEDE pour investir dans la réduction drastique des fuites, estimées à 30% dans le réseau de distribution d’eau potable en remplaçant les conduites qui ont dépassé 40 à 50 ans d’âge.
Au niveau du ministère de l’Agriculture, c’est dans les périmètres publics irrigués qu’il faut agir pour imposer les techniques d’économie d’eau : bannir les séguias en terre et l’irrigation par épandage et par planches. Seul  le goutte à goutte ou l’aspersion doivent persister.
Il y a là des sources de gaspillage d’eau considérables à éviter sous peine de sanctions sévères, car l’agriculture est le premier secteur de consommation d’eau : 70%.
Toujours pour le long terme, il y a encore plusieurs barrages à construire pour améliorer nos ressources hydrauliques, plutôt que de laisser des volumes d’eau considérables inonder habitations et cultures avant de se jeter à la mer entraînant avec elles nos sols les plus fertiles.
Alors que l’inquiétude “tenaille” les esprits vigilants quant à la disponibilité d’eau potable dans notre pays, l’été prochain, qui avance à grands pas, les pouvoirs publics restent de marbre.
Les agriculteurs qui exploitent des périmètres publics irrigués sont angoissés pour les cultures d’été : disposeront-ils d’eau en quantité suffisante pour arroser leurs agrumes et cultures maraîchères ?
Les paysans de Jendouba en savent quelque chose, eux qui n’ont pas cru les avertissements de coupure de 2017 faites pourtant en temps utile par les services régionaux du ministère de l’Agriculture.
Les citoyens, de leur côté, notamment les citadins, continent à arroser copieusement leur gazon, à remplir souvent les piscines privées, à laver leurs voitures à grande eau alors qu’il suffit de 30 à 40 litres pour le faire correctement, les gaspillages d’eau étant multiples et coûteux.
Pendant ce temps-là, les pouvoirs publics font preuve d’une passivité, d’un immobilisme, voire d’une négligence coupables, compte tenu des enjeux considérables, pour prendre des mesures de nature à rationaliser la consommation d’eau par tous : entreprises industrielles, chantiers de bâtiment, hôtels, collectivités locales et ménages. Qu’attendons-nous pour organiser une puissante campagne de sensibilisation quant à la rationalisation de la consommation d’eau dans tous les domaines de la vie quotidienne et dans tous les secteurs ? C’est le rôle du ministère de l’Agriculture et de la SONEDE, mais aussi la responsabilité de l’Etat, de l’Administration, de la société civile et des citoyens.
Serons-nous obligés, alors que le tourisme redémarre espérons-le du bon pied, d’interdire à nos visiteurs étrangers de prendre plusieurs douches par jour, ou encore de ne pas mettre à leur disposition des piscines propres à eau renouvelée souvent pour des raisons d’hygiène publique sous prétexte qu’il y a sécheresse ?
Nous devons donc prendre des mesures préventives pour éviter ce genre de situations embarrassantes et contre-productives.    

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