Réchauffement climatique : l’humanité peut-elle s’adapter aux événements extrêmes ?

Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique. Mais l’Homme a-t-il les capacités pour y faire face ?
Les mois se suivent et se ressemblent. Sécheresse, inondations, vague de chaleur, incendies… Aux quatre coins de la planète, les événements climatiques extrêmes se multiplient. Dernier épisode marquant en date : la tempête Ida qui a provoqué la mort de 47 personnes à New York après une montée rapide des eaux. En déplacement en Louisiane, le président américain Joe Biden a pointé du doigt le réchauffement climatique, et appelé à une adaptation des infrastructures. Dimanche, le maire de la ville endeuillée, Bill de Blasio, a pour sa part affirmé que les habitants devaient désormais s’habituer à se préparer « au pire ». Un changement de paradigme provoqué par l’accélération du dérèglement climatique et de ses conséquences, qu’on pourrait résumer ainsi : « S’adapter ou mourir ».
Car les catastrophes naturelles vont – c’est désormais une certitude – se multiplier. La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, selon le rapport du Giec. La situation n’est pas nouvelle : selon un rapport de l’ONU dévoilée le 31 août, plus de 11 000 catastrophes d’origine météorologique, climatique ou hydrique ont été recensées ces cinquante dernières années. Soit une par jour en moyenne. Ces événements, qui sont toutefois en forte hausse, ont causé deux millions de morts, en très grande majorité dans des pays en développement, et 3640 milliards de dollars de dégâts. Concrètement, quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le Giec, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.
« Nous ne sommes pas préparés à faire face aux événements climatiques extrêmes, note François Gemenne, auteur principal pour le Giec et chercheur à l’université de Liège (Belgique). L’Occident a toujours considéré que les événements climatiques frappaient les autres, dans des pays pauvres et lointains. Mais ce n’est plus du tout le cas ». Pour le scientifique, nos infrastructures ne sont plus adaptées. « Regardez ce qu’il s’est passé à New York ! », pointe-t-il. Les sous-sols new-yorkais, aménagés en logements accessibles par quelques marches depuis le trottoir au pied des immeubles, se sont transformés en terribles pièges pour une dizaine de résidents morts noyés chez eux, sous les pluies torrentielles de la tempête Ida. Les célèbres « basements » de Manhattan, Brooklyn ou Queens sont parfois très rudimentaires, partagés en co-location – illégale ou non – entre des travailleurs ou étudiants à faibles revenus.
Là encore, la misère est une fois encore punie de mort.
Malgré les avertissements des scientifiques du monde entier depuis des décennies, rien n’a été fait – ou presque – pour prendre en compte le changement climatique dans les mégalopoles développées. « Pour commencer, il faudrait mettre en place une véritable politique nationale de l’habitat : quelles sont notamment les zones habitables ou constructibles. Car les choses risquent de changer très rapidement », souffle François Gemenne. La montée des eaux menace de plus en plus de régions, y compris en France dans le bassin Méditerranéen, ou sur la côte Atlantique, et des catastrophes sont prévisibles. « Ensuite, il y a un enjeu dans les villes de végétalisation pour contrer les effets des canicules, de lutte contre l’artificialisation des sols, ou encore de mettre en place dès à présent des plans d’évacuation de zones à risque ». Le chercheur note toutefois avec enthousiasme que l’humanité, et plus particulièrement l’Occident, a « pris conscience de sa vulnérabilité. « C’est un premier pas important. C’est comme pour le Covid-19, on ne pensait pas que ça sortirait de Chine et on ne s’était pas préparés à l’arrivée d’une pandémie », poursuit-il.
Pourtant, chez certains, une petite musique pointe, un refrain rassurant peut-être destiné à évacuer nos peurs : l’Homme s’est toujours adapté aux crises qu’il a rencontrées. Le réchauffement climatique n’échappera pas à la règle. L’humanité est plus forte que cela. Le concept d’adaptation renvoie à la capacité des sociétés et des individus à faire face à une perturbation et à se relever après un choc. « L’Homme a les capacités de s’adapter, c’est certain, mais on ne s’en sortira pas par magie, assure François Gemenne. L’Homme a toujours réussi à s’adapter, c’est vrai, mais ce processus s’est fait sur des siècles, des millénaires. Là, on a une fenêtre n’est que de quelques décennies ». D’autant que l’enjeu n’est plus d’annuler le réchauffement du climat, mais de le maintenir à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, ce qui provoque déjà des changements. « Si on ne réduit pas nos émissions drastiquement, le climat va changer trop vite pour qu’on s’y adapte », ajoute le chercheur.
Le problème est que le climat change plus vite qu’attendu en battant record sur record, chacun accompagné de pertes humaines, environnementales et financières partout dans le monde. Avec un réchauffement de 2°C, les vagues de chaleur extrême se produiraient 5,6 fois en dix ans et seraient en moyenne 1,9°C plus chaude. Avec un réchauffement global de 4°C, ces vagues de chaleur se produiraient 9,6 fois sur dix ans, soit quasiment une fois par an. Difficile d’imaginer le Canada, pour prendre un exemple, essuyer tous les ans une vague de chaleur plus intense que celle que le pays a connue fin juin.
Et comme un exemple vaut mieux que mille mots, prenons l’exemple de la hausse du niveau de la mer. Environ 700 millions de personnes vivent aujourd’hui dans des zones côtières de faible altitude. Ce nombre pourrait atteindre un milliard d’ici 2050. Des pays insulaires comme les Maldives, les Seychelles, Kiribati et d’autres pourraient être complètement anéanties par la montée des eaux et les tempêtes. Même une élévation de seulement un mètre, probablement inévitable aujourd’hui, déplacera des millions de personnes en Floride et le long de la côte du Golfe.
*Prévenir vaut mieux que guérir
Au-delà des catastrophes naturelles, l’humanité devra aussi s’adapter à un déclin massif de la biodiversité, qui a déjà largement commencé. Selon la nouvelle « liste rouge » des espèces menacées de l’UICN publiée samedi, près de 30% des espèces étudiées sont menacées – dont le dragon de Komodo et de nombreux requins. Or, les animaux dans leur ensemble sont le socle de notre alimentation, de notre eau pure et de notre énergie. De même, s’il peut paraître restrictif d’envisager la nature à l’aune des seuls services qu’elle rend à l’humanité, des forêts en bonne santé sont primordiales pour notre survie. Or, le réchauffement global entraîne à la fois une disparition des espèces animales, mais aussi une transformation des forêts, de plus en plus sujettes aux incendies et rongées par la déforestation. Selon une étude publiée le 1er septembre par l’association Botanic Gardens Conservation International (BGCI), un tiers des arbres seraient ainsi menacées de disparition. Pourtant, les massifs forestiers jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, en absorbant du carbone – de même que les océans -, mais également en limitant l’érosion des sols, ce qui pourrait être une aide précieuse en cas de multiplication des tempêtes et inondations.
En d’autres termes, l’adaptation est un enjeu nécessaire pour lutter contre les conséquences du changement climatique, mais elle ne doit en aucun cas faire oublier les causes de cette crise. La réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, tout comme l’arrêt de la destruction des puits de carbone (comme les forêts tropicales). Dans un entretien à Ouest France en juillet, Nicolas Hulot a appelé à un « effort de guerre » et à utiliser « tous les moyens économiques, scientifiques dont nous disposons, non pas pour revenir en arrière car le coup est parti et il est déjà trop tard, mais pour essayer d’en limiter les effets et de nous préparer à l’adaptation face aux conséquences du réchauffement climatique ». L’avenir nous dira si l’humanité se relèvera, une nouvelle fois, d’une crise planétaire, et à quel prix.
(L’Express)

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