Recomposition du paysage politique : Sables mouvants ?

Plus de 100 partis et listes indépendantes s’étaient présentés aux législatives du 23 octobre 2011. Le camp démocrate était fragmenté et il en a été fragilisé. Conséquence : Troïka, trois ans ferme.

Pour certains démocrates, la leçon semble bien tirée et des fronts en sont nés. On est, certes, loin aujourd’hui des 100 partis, mais le camp démocrate reste fragmenté avec néanmoins l’espoir d’alliances post législatives inter démocrates…

Les sondages montrent aussi le positionnement en tête de liste de Nidaa Tounes, mouvement progressiste avec 45,1% des intentions de vote en juin dernier et, derrière lui, vient Ennahdha rassemblant 21.7% des intentions de vote pour le même mois. Les partis venant après appartiennent à la gauche et au centre. Mais les deux alliés d’Ennahdha, Ettakatol et le CPR, sont en quatrième et en sixième positions, avec entre autres Al Joumhouri, dont les alliances avec les autres partis démocrates ont été vouées à l’échec. Difficile avec ces sondages de savoir si la balance penchera du côté du camp démocrate remportant les échéances et constituant une solide alliance ou alors du côté de l’ancienne Troïka de nouveau au pouvoir, ou encore d’Ennahdha, en tête avec d’autres alliés pêchés dans le camp démocratique. 

L’Union pour la Tunisie, née au lendemain de l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier et jugée par certains comme «mort-née», semble quant à elle se rassembler de nouveau à la veille des échéances. Ses membres se réunissent et cherchent un terrain d’entente depuis fin juillet. Ils étudient la possibilité de constituer un front électoral en plus du front politique jusqu’ici constitué. Les partis restant au sein de l’Union délaissée par Al Joumhouri, sont Nidaa Tounes, Al Massar, le Parti socialiste et le Parti du travail patriotique démocratique. Listes séparées ou communes ? Les dirigeants assurent laisser la porte ouverte aux arrangements selon les circonscriptions.

Des partis et des choix

Anciens destouriens, hommes d’affaires, militants de gauche… les têtes de listes de Nidaa Tounes se diversifient. À Sousse par exemple, il s’agit de Taieb Baccouche, à Nabeul I c’est une femme en tête de liste, Salma Elloumi et Khemaïes Kessila, militant de gauche à la tête de la liste de Nabeul II. À Mahdia, Mohamed Ennaceur, ancien ministre et homme expérimenté dans les affaires sociales (…)  Nidaa Tounes optimise ses chances de victoire avec des nuances différentes susceptibles de toucher le maximum d’électeurs. Seulement, aussi avantageux soit-il, le positionnement de Nidaa Tounes en tête des intentions de vote, la diversification de ses choix, la dissidence au sein du mouvement et les démissions de ses militants optant pour des listes indépendantes risquent de fragiliser le mouvement. Or il semblerait que les écarts soient serrés entre Nidaa Tounes et Ennahdha, une probable Troïka ou alliance à naître au lendemain des résultats.

Le Front populaire présente quant à lui des listes communes, rassemblant les partis de la gauche et de l’extrême gauche. Classé troisième dans les intentions de vote avec 7,3%, il évite ainsi l’éparpillement des voix des adhérents et sympathisants du courant de la gauche. Mais les chances qu’il fasse partie d’une prochaine Troïka incluant Nidaa Tounes ou Ennahdha sont quasi impossibles étant donné les différences fondamentales avec l’un comme avec l’autre. Il serait alors plus judicieux de l’imaginer occuper une place au sein de l’opposition quel que soit le camp montant au cas où il ne remporterait pas les législatives.

Par contre, des pourparlers sont menés par Nidaa Tounes avec Afek et le parti Al Moubadara. Ce dernier peut en effet être un choix d’allié probable à cause de ses racines destouriennes communes avec Nidaa Tounes. Tous les deux ont aussi un discours nationaliste pouvant les rassembler. Le rapprochement entre Afek et Nidaa aboutirait peut-être à des listes communes ; une nouvelle Troïka rassemblant Nidaa, Afek et Moubadara pourrait naître après les élections. Mais il est aussi fort probable que les alliances établies au sein de l’Union pour la Tunisie avec Al Massar, le Parti socialiste et le Parti du travail patriotique démocratique soient aussi prises en compte au lendemain des résultats.

Al Joumhouri fait aujourd’hui cavalier seul. En cas d’échec, choisira-t-il l’opposition, ou alors rejoindra-t-il l’un de deux camps, à savoir les islamistes ou les démocrates ?

Hajer Ajroudi

 

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