Reconfiguration du paysage politique !

Peut-on parler d’amorce d’une  reconfiguration du paysage politique en Tunisie ?

Aujourd’hui, de nombreux signes l’attestent et des déclarations publiques de dirigeants de partis politiques, qui ne cachaient pas leurs sérieuses animosités, le confirment. Le grand rapprochement entre Nidaa Tounes, sorti amoindri et éprouvé d’une crise interne qui lui a fait perdre sa majorité à l’ARP, et le mouvement Ennahdha, devenu de facto première force politique représentée au parlement, donne l’impression qu’entre ces deux formations politiques tout  baigne dans l’huile.

Les deux semblent prendre conscience des vertus du pragmatisme en matière d’action politique. En plus clair,  les deux partis les plus influents dans le pays, ont enterré, peut-être pour une bonne période,  leur hache de guerre, s’abstenant à étaler au grand jour leurs divergences ou leurs dissensions, préférant se renforcer mutuellement et tirer avantage de toutes les convergences positives qui peuvent naitre entre eux. D’ailleurs, une parfaite harmonie caractérise aussi bien les relations liant  le Président Beji Caid Essebsi et   Rached Ghannouchi, que  les actions entreprises par Nidaa Tounes et Ennahdha.  Avec l’approche des Municipales, il n’est pas exclu de voir l’actuelle cohabitation entre deux partis politiques que, virtuellement, rien n’unit se transformer en alliance stratégique. Les évolutions récentes montrent que ce rapprochement, qui a surpris plus d’un observateur,   est devenu un fait réel.

Preuve en a été donnée ces derniers temps, par le grand appui donné par le mouvement Ennahdha à l’initiative lancée il y a un an par le  Président Béji Caid Essebsi pour la  réconciliation économique,  qui a pourtant  rencontré un rejet catégorique  de la plupart des petits partis politiques, de certaines organisations nationales et des représentants de la société civile.

En reprenant cette initiative à son compte, Ennahdha plaide pour une réconciliation globale, qu’il estime en cohérence avec le processus de  justice transitionnelle, en symbiose avec  le projet initial  du président de la République tout en défendant  les objectifs qui consistent à  clore définitivement ce dossier afin de permettre au pays de faire face aux  graves  défis qu’il est en train de confronter, dont en premier lieu le péril terroriste. Ennahdha entend,  surtout,  mobiliser ses structures, son bloc parlementaires et  les organisations de la société civile  pour donner à cette initiative toutes les chances d’aboutir,  sans provoquer de tollé, ni une réaction de rejet comme ce fut le cas,  il y a un an,  lors du lancement officiel de l’initiative présidentielle.  En volant à la rescousse de l’initiative présidentielle avortée, quel gain politique cherche à obtenir Ennahdha ? Il est encore très tôt pour démêler l’écheveau de ce jeu,  mais il est peu probable  que le parti islamiste ait agi  d’une manière désintéressée et sans calculs 

Alors que le pays est confronté à des difficultés économiques et financières qui sont en train de l’obliger à s’endetter chaque jour un peu plus, le gouvernement ne semble prendre la mesure de la gravité de la situation. Ce qui est paradoxale, c’est de constater qu’il est pris dans une spirale infernale en dépensant sans compter dans la création de postes parfois superflus dans l’administration, la multiplication des rangs des conseillers avec privilèges de ministres, l’engagement de chantiers qui n’ont parfois aucune urgence et,  pour en conclure,  en recourant aux services  onéreux de bureaux de conseil  internationaux pour des missions qui ont été tout le temps accomplies par les compétences de l’administration tunisienne.

L’information relative à l’ancien Directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, qui vient de remporter l’appel d’offres lancé pour la mise en œuvre et la promotion du plan de développement 2016-2020 dans le cadre d’un consortium comprenant la banque d’affaires Arjil, le bureau d’ingénierie Comète et le groupe Jeune Afrique pour le volet communication,  est restée quelque peu anodine, ne soulevant pas de commentaires, ni d’analyses.

Ce qui est étonnant dans tout cela, de constater  le recours de la Tunisie, qui  est parmi  les rares pays où l’administration a acquis une grande expérience en matière de planification avec la mise en œuvre, sans discontinuité,  de pas moins de douze plans, à une expertise étrangère pour des missions qui ont été tout le temps bien accomplies en interne.

En témoigne la qualité des stratégies élaborées depuis l’indépendance du pays,  souvent saluées et reconnues par les organisations internationales et les bailleurs de fonds internationaux pour leur pertinence et leur cohérence.

A l’évidence, une stratégie de développement n’a pas besoin de promotion spécifique pour susciter l’intérêt ou convaincre les bailleurs de fonds de financer les projets qu’elle contient. Certains plans, par les orientations qu’ils contiennent, les réformes qu’ils proposent et les programmes qu’ils projettent, avaient reçu plus d’appui financier qu’ils n’en demandaient. Jamais dans ce genre d’exercice, le pays n’a été dans le besoin de recourir aux services de banques d’affaires ou  de consentir des sacrifices financiers pour réunir des bailleurs des fonds ou convaincre des organismes internationaux à apporter leur concours aux programmes et projets contenus dans ces documents.

Même si le contexte a changé, de fond en comble depuis le 14 janvier 2011, faut-il pour autant se laisser entrainer dans la facilité et discréditer ceux qui se sont investis des années durant pour concevoir des plans, suivre leur exécution, évaluer leur pertinence, apporter les correctifs nécessaires quand la situation l’exige et mobiliser la communauté internationale pour aider à sa réalisation ?

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