A l’invitation de Francisco Dalcol, directeur du Museu de Arte do Grande do Sol de Porto Alegro, et en partenariat avec l’Université brésilienne, la Chaire ICESCO « Art et nature, processus hybrides », dirigée par Professeur Sandra Rey, et le Musée d’Art Contemporain, une conférence a été donnée par le Professeur Mohamed Zinelabidine, ancien ministre tunisien des affaires culturelles, (2016-2020), actuellement Chef du secteur Culture, patrimoine et communication à l’ICESCO, le 15 juin 2023, portant sur les stratégies et représentations, communément admises comme étant « la nouvelle culturalisation du monde au XXIè.s ».
Il a précisé que d’aucuns verraient dans la culture un continuum, plutôt un ensemble d’éléments homogènes à protéger, à préserver. Par certains aspects, elle est, sans conteste, un patrimoine culturel à préserver, à valoriser et à enrichir. Davantage aujourd’hui, la culture se définit en « Rupture », selon lui, à la fois épistémique et pratique. Elle sous-entend, de surcroît, une acception nouvelle des politiques holistiques, le fait culturel étant devenu dorénavant fortement rebelle, remuant, rebondissant, impermanent, involutif, révolutif. Que serait la géopolitique sans la culture ? L’histoire sans le patrimoine ?La mémoire humaine sans toutes ces civilisations successives ? Le développement humain sans intelligence créative ? L’économie – à toutes ses échelles locale, régionale, nationale et mondiale – sans transformation numérique ? Le tourisme durable sans inclusion patrimoniale et artistique ? Les métiers d’art sans économie solidaire et sociale ? La culture sans éducation référée aux domaines de la formation artistique, technique, patrimoniale, digitale, médiatrice ? La culture, sans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ? La culture, sans la formation professionnelle et la transmission des savoirs et des compétences pratiques et techniques ? La culture sans management, industries, communication ? Le Développement sans le PIB culturel ? En somme, la culture sans politiques inclusives et holistiques afin de promouvoir la réalité culturelle sur le terrain de sa vérification propre et efficience ? D’où, avance-t-il, l’impérative rupture en culture qui a conduit l’ICESCO, en tant qu’Organisation Internationale pour l’Education, les Sciences et la Culture, à initier une grande réforme pour emprunter ces vecteurs stratégiques dont celui de « Icesco roads for the future» comprenant « Le Réseau International des Chaires pour la Pensée, le Patrimoine, les Lettres et les Arts», (Liban, Sénégal, Brésil, Maroc, Tunisie, France, Bahreïn, Allemagne…), « ICESCO Créative », (Plateforme numérique qui compte : Musée Virtuel d’Art Contemporain, Centre du Cinéma et d’Image Numérique, Plateforme des Jeunes, Plateforme pour les ICC, Fonds d’Investissement pour Jeunes-Entrepreneurs Culturels), « Le Think Tank international, La Culture pour Repenser le Monde », (qui réunit une centaine de penseurs, de chercheurs, d’artistes, de critiques de quarante pays), « Le Centre International des Politiques Holistiques pour la Promotion de la Réalité Culturelle» (Centre d’études et de recherches), entre autres structures et incubateurs.
Partant, Mohamed Zinelabidine rappelle les résonances distinctives, entre apparences et ses saillances, entre arts, créations et loisirs, culture sociale et mémoire anthropologique, droit à la culture et droit de la culture, droit à l’altérité et droit à la singularité. Une prévalence touffue de diversité pour certains, d’antinomie pour d’autres, à en perdre le fil des idées et des approches, si l’on y perpétue l’amalgame des genres et des significations. Rien de plus problématique que de tenter de redéfinir ses références nationales et supranationales, les paradigmes sociaux et les réalités affectives d’un groupe social, oscillant entre rationalité et intersubjectivité. Au travers d’une image conduite d’intrusion numérique, de médias interposés, de virtualité, d’instantanéité, tout se passe comme une loi absolue, où le non-dit rime avec la modélisation, l’homogénéisation.
La métamorphose est dans la réalité pressante du vécu, elle se laisse voir sans être suffisamment pensée. Il nous incombe d’en mesurer les manifestations et d’en retenir les enseignements. Une notion prospective nous invite, en même temps, à élargir les référents de la Culture pour en situer progressivement les attributions, sous l’angle des enjeux du développement global et inclusif. Par son caractère délibérément opérationnel, le développement culturel holistique privilégie les moyens à mettre en œuvre autant que les moyens d’action visant à modifier les comportements d’un groupe d’individus ou d’une société. Les politiques holistiques devant se souscrire au développement économique, comme mode de croissance homogène nécessaire à l’extension de la production et de la consommation, un effort devra être consenti pour revigorer les industries culturelles, l’économie numérique, l’économie sociale et solidaire, la définition de l’ensemble des indicateurs culturels et la précision du PIB culturel, à travers des études crédibles à mener. Et c’est à lui de rappeler, que ce concept induit un mode d’organisation et de gestion du secteur d’activité identique à celui que connaissent les autres secteurs de l’économie des biens et des services, ce qui est loin d’être acquis pour le moment, et tranche, de surcroît, avec une idée classique de la culture considérée comme morale, lettrée. Si l’une n’empêche pas l’autre, à priori, la culture peut régénérer l’employabilité comme secteur d’activités prospère, sa reconsidération comme forme d’activités lucratives peut être gérée selon offres et demandes.
Certains se demandent si ce principe de consommation de masse est de nature à altérer les fondements mêmes de l’identité culturelle reposant sur la reconnaissance d’un ensemble humain lui-même défini par sa propre organisation au territoire. Le marché des arts et de la culture, à travers le monde, a manifestement ébranlé les certitudes sociales faites de passé et de continuité, autour des valeurs communément admises comme immuables. Cette nouvelle transparence du système culturel, et son ouverture à des secteurs autres censés le porter, a remis en question nombreuses notions singulières des sociétés ayant été amenées à concéder leurs propres systèmes de représentation éthique et mentale. Une telle réalité qui n’est pas sans susciter un débat sur une herméneutique autour d’une géopolitique diplomatiquement culturelle, économiquement et socialement qui mérite qu’on s’y attarde pour en saisir toutes les formes de mutabilité et de transformations, objet de la collection des sept ouvrages de l’auteur Mohamed Zinelabidine sous le titre : « Trialogue Francis Fukuyama/ Mohamed Zinelabidine/ Samuel Huntington », 2020-2023.
(Conférence de Mohamed Zinelabidine au Brésil)