Il y a incontestablement une petite embellie dans la sphère économique tunisienne et des lueurs d’espoir pour l’avenir. Le taux de croissance du PIB durant le premier trimestre 2017 est de 2,1% en glissement annuel, ce qui constitue un progrès par rapport aux résultats antérieurs, même s’il reste nettement insuffisant par rapport à nos ambitions de développement et de création d’emplois. Il y a lieu d’espérer que cette tendance se confirme au cours du deuxième trimestre
L’activité touristique en termes de fréquentation reprend des couleurs et les prévisions pour la haute saison sont prometteuses pour ce qui est des marchés émetteurs européens.
La production de phosphates dans le bassin minier de Gafsa est en train de reprendre un rythme normal, progressivement.
Cependant, le taux de l’inflation connaît une recrudescence inquiétante insuffisamment traduite dans les statistiques officielles qui indiquent seulement 5% alors que la flambée des prix bat son plein.
Avec la chute continue du dinar, le taux de l’inflation est appelé à s’accélérer dans les mois à venir d’où l’impact catastrophique sur le pouvoir d’achat des classes moyennes. En outre l’approfondissement du déficit du commerce extérieur est une source de grande inquiétude depuis 2016, aggravé par les dérives de cette balance constatées au cours de premier trimestre 2017.
L’approche du mois de Ramadan engendre le règne sans partage des spéculateurs et des fraudes en tout genre aux dépens des consommateurs démunis de tout recours.
Le gouvernement est “sommé de réagir” pour calmer les esprits surchauffés. C’est alors que la providence vient au secours du ministre aux deux portefeuilles.
En effet, après un premier trimestre catastrophique pour le déficit du commerce extérieur, le mois d’avril, par pur hasard, enregistre un redressement relatif de la situation : baisse de 19% du déficit par rapport à avril 2016 : les exportations augmentent de 10% et les importations baissent de 2%.
Du coup, le bilan des quatre premières mois de 2017 prend de nouvelles couleurs par rapport à celui du premier trimestre 2016 : les exportations enregistrent un taux de croissance de 8% par rapport à 2016, soit plus de 10,7 MD contre 7,4% durant le premier trimestre 2017 tandis que les importations ont baissé de 13,9% pour les quatre mois contre 20,3% pour le même premier trimestre.
En somme, les “performances du mois d’avril” relativisent, sinon transforment, les mauvais résultats du premier trimestre 2017, un record pour le cumul des quatre premiers mois de la même année.
Le ministre du Commerce et de l’Industrie, en habile stratège, a saisi cette opportunité en or qui lui est offerte pour organiser une conférence de presse : d’abord récupérer pour le compte du gouvernement l’effet d’annonce de ce redressement relatif et conjoncturel de la balance commerciale extérieure, comme s’il était le fruit d’une action volontariste et préméditée de son département.
Ensuite, annoncer un ensemble de mesurettes, préparées en catastrophe et annoncées précipitamment, sans délais précis de mise à exécution, sans prévisions chiffrées pour les objectifs escomptés, sans consultation ni accord des professionnels des secteurs concernés, des partenaires, des institutions et des entreprises publiques en charge de ces activités.
Selon le ministre du Commerce et de l’Industrie, le diagnostic réalisé par l’Administration, relatif à la structure des échanges commerciaux montre que 86% des importations de 2016 portent sur des produits de base et de première nécessité, tandis que 14% seulement portent sur des produits de consommation dont “il faudrait rationaliser l’usage”.
Alors pourquoi donc l’Administration, n’a-t-elle pas bougé le petit doigt pour le faire jusqu’ici alors que la situation dure depuis des années ? Il a fallu accuser le choc de l’effondrement du dinar d’un seul coup pour se réveiller !
Ça c’est pour les bonnes intentions qui risquent de rester pour le moment sur le papier car l’Administration va bientôt entrer dans une période de léthargie qui va durer quatre mois : le mois du Ramadan plus trois mois d’été : le règne sans partage des festivals et des vacances d’été.
Nous avons quand même synthétisé les propositions annoncées par le ministre que l’on peut regrouper en deux chapitres : “restrictions soft” sur les importations d’une part, promotion des exportations d’autre part.
Les restrictions des importations revêtiront selon le ministre plusieurs formes : directes, indirectes, techniques, financières, fiscales et juridiques.
C’est ainsi que certains produits importés subiront des droits de douane et des taxes diverses dans un double but : alimenter les caisses de l’Etat et réduire le volume des importations. Les importations des établissements publics seront soumis au droit de regard de la présidence du gouvernement, en vue de réduire les dépenses.
Les quotas d’importation de voitures par les concessionnaires au titre de 2017 pourraient être révisés à la baisse tandis que La BCT interviendrait auprès des banques pour ralentir les crédits à la consommation.
Il est prévu de réviser les accords commerciaux signés avec certains pays comme la Turquie en faisant appel aux clauses de sauvegarde, suite à des préjudices subis par l’économie nationale ou encore la pratique supposée du dumping.
Mais, cela va demander des mois de pourparlers, avant d’aboutir alors que le temps nous est compté : il faut des mesures instantanées pour être efficaces.
Pour la promotion des exportations, il s’agit en fait d’une politique générale à moyen terme, car rien ne permet d’affirmer qu’il y aura un effet immédiat sur le volume des exportations.
En effet, il s’agit de développement des secteurs industriels qui ont un recours intensif aux importations, de stratégie de conquête de 6 marchés africains avec visites officielles d’hommes d’affaires, d’ouverture de bureaux de représentation commerciale sur place, d’ouverture de nouvelles lignes aériennes et maritimes mais aussi d’adhésion à deux zones de libre-échange en Afrique subsaharienne : le COMESA (Afrique orientale et australe) et le CEDEAO (Afrique de l’ouest).
Dans son programme de redressement du déficit béant du commerce extérieur, le ministre a oublié de parler de lutte contre la contrebande, la spéculation, la corruption et la fraude aux frontières et sur les marchés intérieurs pour la bonne raison qu’il n’y a pas de volonté, ni de projet dans ce but.