Redynamiser les pôles industriels

Un des objectifs de la Révolution consiste à promouvoir le développement régional ; or le développement des régions ne peut être efficace et durable s’il est conçu à partir d’un saupoudrage de projets et d’activités implantés ici ou là, à la faveur des initiatives des uns et des autres. Il a besoin d’être articulé autour de pôles de développement, implantés dans les régions, selon une stratégie bien définie et un modèle de développement. C’est l’État qui doit donner des signaux forts vis-à-vis du secteur privé.

 

Dans les années 60, trois pôles industriels ont été implantés dans les régions : Béja, Kasserine et Menzel Bourguiba et ont créé une dynamique économique grâce à leur rayonnement.

Avec le temps, ces industries ont vieilli et connaissent des difficultés multiples.

Il faudrait les restructurer et les relancer pour leur insuffler un développement régional réel et durable.

 

Les difficultés du pôle industriel de Kasserine

Le complexe industriel de Kasserine est basé sur la transformation et la valorisation d’une fibre naturelle, l’alfa, qui pousse spontanément sur les hautes steppes pour obtenir de la pâte de cellulose et fabriquer du papier de luxe. Le souci des autorités consiste à préserver les nappes d’alfa lors de l’arrachage qui se fait sur 600.000 hectares durant chaque campagne annuelle. Les zones d’arrachage s’étendent sur quatre gouvernorats : Kasserine, Gafsa, Kairouan et Sidi Bouzid.

Elle permet de faire vivre 10.000 familles de collecteurs qui vendent l’alfa à la SNCPA à raison de 0,120 D le kilo.

Les usines de la Société nationale de cellulose et de pâte à papier constituent la principale activité industrielle qui dynamise la vie économique de la région.

La SNCPA a démarré ses activités en 1963 et réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 60 MD. Il faut dire que l’emploi atteint 850 salariés. Les deux usines occupent un espace de 18 hectares et l’essentiel de la production est exporté.

En un demi-siècle, les équipements ont vieilli et ont besoin d’être modernisés et rénovés, car la concurrence ne manque pas sur le marché mondial et de lourdes charges financières pèsent sur les bilans de l’entreprise.

En outre, la pollution générée par les deux usines a pris des proportions inquiétantes pour la population et l’environnement de la ville à cause des rejets des usines qui utilisent l’acide chlorhydrique et la soude pour le blanchiment de l’alfa.

 

Restructuration d’El Fouladh

Dans son souci de relancer la société tunisienne de sidérurgie El Fouladh sur des bases solides et durables à long terme, le ministère de l’Industrie a retenu la solution de l’ouverture du capital d’El Fouladh à un partenaire stratégique étranger.

L’objectif est multiple : accroître et diversifier la production, résoudre les difficultés financières structurelles et consolider la situation de l’emploi.

Ce qui est certain, c’est que l’entreprise va garder son statut d’entreprise publique : la majorité du capital restera entre les mains de l’État. Une banque d’affaires a été chargée de faire aboutir l’opération.

Il faut dire que la société El Fouladh souffre de charges sociales lourdes, estimées à 37,5 MD pour l’année 2012, car elle emploie 1456 personnes.

C’est pourquoi, dans le souci de réduire ses charges de personnel, elle a présenté à la commission d’assainissement et de restructuration des entreprises publiques une demande de mise à la retraite anticipée portant sur plusieurs dizaines d’ouvriers.

La société El Fouladh souffre du vieillissement des équipements et du potentiel de production de ses usines ainsi que de la baisse de la capacité de production. En effet, El Fouladh, qui accaparait il y a 15 ans la totalité du marché, doit faire face à une rude concurrence puisqu’il y a trois entreprises privées sur le marché, en plus des importations de fer à béton algérien en contrebande. Or celui-ci ne répond pas aux normes tunisiennes en la matière. El Fouladh ne contrôle plus que 35% du marché. En outre, El Fouladh souffre de grosses difficultés financières : son bilan pour l’année 2012 accuse un déficit de 193 MD. C’est pourquoi l’État tunisien s’est porté à son secours, en raison de son poids social dans la ville de Menzel Bourguiba et l’injection des salaires de ses 1.500 salariés chaque mois, qui provoque un impact très sensible dans les circuits économiques de la région.

Il y a également le poids stratégique de la production : fourniture du fer à béton pour les bâtiments publics et privés, la construction des ponts, les pylones de la STEG et les piliers des constructions métalliques  galvanisés à chaud.

En effet, l’État a pris à sa charge le remboursement des crédits bancaires contractés par El Fouladh lors de l’importation du fer à béton, pour une valeur de 60 MD : cette décision fait partie d’une clause de la loi de Finances 2013 votée par l’ANC.

Rappelons qu’El Fouldah a été créée en 1962 et reconnue comme l’un des pôles industriels régionaux destinés à insuffler le développement régional au même titre que la sucrerie de Béja et l’usine de pâte de cellulose de Kasserine.

La production a démarré en 1965 et a  pendant longtemps été la seule industrie sidérurgique en Tunisie et continue à alimenter le marché tunisien. Mais elle a besoin de rénover son outil de production.

Ridha Lahmar

 

L’énigme de la sucrerie de Béjà

À la fin des années 60 a été édifié un complexe industriel sucrier à Béjà, basé sur un vaste programme de culture de la betterave sucrière par les agricultures de la région.

Les essais se sont révélés concluants au niveau des techniques de culture, des rendements et des prix de cession à l’usine. Le projet a bien fonctionné pendant plusieurs années et l’objectif de dynamiser une région exclusivement agricole était atteint, fondé sur l’intégration agro-industrielle. Il y a eu création de plusieurs centaines d’emplois, mais aussi réduction sensible des importations de sucre pour faire face aux besoins de consommation de la population. Par la suite, la production de la betterave a progressivement régressé et l’activité industrielle s’est détériorée. Il y a une vingtaine d’année, un autre complexe industriel a été construit à Bou Salem, selon une technologie et des compagnies italiennes, mais il n’a pas survécu plus de dix ans.

Les difficultés vécues par les deux projets seraient à rapprocher avec la sucrerie en cours de construction sur les quais du port de Bizerte par les beaux-parents du pouvoir déchu. Il semble qu’aujourd’hui  il y ait une volonté de relancer l’activité industrielle de la sucrerie de Béjà, qui fonctionne aujourd’hui au ralenti, à jumeler avec une reprise de la culture de la betterave sucrière. Il est évident que cela implique un investissement conséquent au niveau du potentiel de production industrielle avec des retombées massives sur l’emploi dans la région.

 

Assainissement et recapitalisation d’El Fouladh

Selon des sources bien informées, la société El Fouladh a besoin d’une forte injection d’argent frais, soit 250 MD.

Alors que l’ensemble des dettes bancaires accumulées par l’entreprise depuis près de 15 ans dépassent les 250 MD, principal et intérêts compris. Le cumul des déficits totalise 193 MD et le problème de l’assainissement est posé depuis 2008. La sidérurgie est une industrie très lourde qui exige une forte capitalisation. Le pourcentage du capital à souscrire par un investisseur étranger n’a pas été encore défini. Sa nationalité, turque ou qatarie, n’a pas encore été décidée puisque les soumissions et les appels d’offres n’ont pas encore été faits et le cahier des charges n’est pas achevé.

 

 

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