Référendum anti-immigrés en Suisse : un vote en guise d’avertissement

L'Union démocratique du centre (UDC) a de nouveau réussi à cliver le pays en imposant cette fois ci un référendum au titre racoleur : «Référendum sur l'immigration de masse ». En question, la libre circulation des personnes entre l'Europe et la Suisse, et la restauration de quotas d'entrée. Approuvé à 50,3%, ce référendum semble être un symptôme du retour en force de la défense du modèle suisse, avec sa part xénophobe mais aussi son protectionnisme économique. Hors des frontières helvétiques, les extrêmes droites applaudissent, et Bruxelles s'inquiète.

 

 

Lors de sa campagne, l'Union démocratique du centre a usé du discours xénophobe qu'on lui connait « Nos infrastructures sont débordées : routes bouchées, transports publics surchargés, classes d'école composées en majorité d'enfants étrangers (…) Il est donc indispensable que la Suisse résilie et renégocie les accords de libre circulation des personnes. ». Voilà ce que l'on peut lire dans le chapitre Etrangers de son programme, sans préciser de quels étrangers il s'agit. Déjà, en 2005, le cheval de bataille de l'UDC avait été l'interdiction des minarets, une loi ouvertement islamophobe sous couvert de protection de l'identité nationale. Il faut le préciser, la majorité des étrangers arrivant en Suisse sont les frontaliers . Karl Grünberg,  journaliste et membre de SOS Racisme esquisse une explication. « Il y a une réelle volonté des institutions suisses de nourrir la xénophobie. On a inventé au début du vingtième siècle la notion de surpopulation. On a construit à ce moment-là un cadre institutionnel qui a créé dans la conscience collective l’idée de danger de l’étranger. On a donc convaincu la population suisse qu’une discrimination et qu’un contrôle de l’entrée des étrangers étaient nécessaires pour préserver l’identité nationale et l’équilibre du pays. ».

 

Ainsi, les partis nationalistes d'Europe ont largement salué ce vote, en y voyant tantôt une avant-garde tantôt une leçon. Le Front national français estime que "cette victoire suisse renforcera les Français dans leur volonté d'arrêter l'immigration de masse et de reprendre la maîtrise de leurs frontières face à l'Union européenne".

Quant au PVV (parti d'extrême droite aux Pays-Bas), son leader prévient : «Ce que les Suisses peuvent faire, on peut aussi le faire ».

Cependant en Suisse le discours ne passe pas pour tous. Pour beaucoup, c'est un retour en arrière. Pour rappel, c'est en 2005, par votation populaire à 54,6% que la Suisse intègre l'espace Schengen, et entrera en vigueur en 2008.

Mais la Suisse à maintenu son contrôle sur les marchandises avec l'Union européenne. En découleront un certain nombre d'accords économiques qui rendront interdépendants la Suisse et ses partenaires.

Or, certains de ces accords sont soumis à la clause dite de la guillotine qui stipule qu'en cas de remise en cause du principe de libre circulation des personnes, l'accord devrait être renégocié. Bruxelles a donc tout de suite réagit en décidant de geler les négociations pour la participation de la Suisse aux programmes de recherche «Horizon 2020» et d'échange académique «Erasmus». D'autres conséquences sont à craindre notamment sur le dossier énergétique qui lie étroitement Allemagne et Suisse, mais aussi l'accès de celle ci au marché européen de l'électricité. Aussi les domaines du transport, de l'agriculture, et  des marchés publics devraient eux aussi passer au crible des négociations.

La votation populaire sur la fin de la libre circulation des personnes a surpris beaucoup d'observateurs de part et d'autre de la frontière helvète. Alors, spécificité suisse ou nouvelle tendance? Dans une Europe où la crise réveille les nationalismes, ce vote est peut être à considérer comme un avertissement.

 

M.P.

 

 

Related posts

Le pape François décède à l’âge de 88 ans

La Banque centrale égyptienne baisse ses taux directeurs pour la première fois depuis 2020

Paris met en garde Alger après le renvoi de 12 agents français en Algérie