Réflexion économique en Tunisie : Les voies du renouveau

La crise économique que notre pays traverse est en partie le reflet d’une crise profonde de la pensée économique incapable de tracer les grandes lignes de l’action publique pour créer une nouvelle dynamique de développement économique. L’essoufflement de ce qu’on peut appeler l’école économique tunisienne exige la définition des voies du renouveau. Nous en retenons quatre.

Le premier élément concerne la nécessité de construire une raison économique autonome.
Si cette préoccupation était forte lors des premières années de l’indépendance, elle va connaître un recul au cours des dernières années et l’alignement sur les grandes tendances mondiales, ainsi que les choix et les recommandations des grandes institutions internationales vont prendre une plus grande importance. Le retour à la tradition originelle de la raison économique tunisienne avec son autonomie et sa créativité est L’une des voies de ce renouveau.

Le second élément concerne l’ouverture sur la réflexion globale.
En dépit de l’importance qu’il a accordée à l’autonomie de la réflexion économique, l’Etat national a également encouragé l’ouverture sur les grands courants et les évolutions de la réflexion globale en matière de stratégie de développement.
En dépit de l’importance accordée à la construction d’une pensée économique autonome, voire même d’une école économique tunisienne, les économistes tunisiens n’ont cessé de s’ouvrir sur la réflexion globale et les expériences des autres pays en développement. Ils ont trouvé dans cette ouverture une source d’enrichissement qui a guidé nos stratégies de développement et nos politiques publiques.
Mais, cette démarche va connaître un recul au cours des dernières années avec la montée et la domination des courants de pensée au niveau global aux dépens de la pensée locale. Il faut aujourd’hui rétablir l’équilibre entre l’autonomie et l’ouverture qui a contribué à la richesse de notre raison économique.

Le troisième élément concerne le rapport étroit entre la recherche et l’action.
Il faut mentionner à ce propos la relation étroite entre l’université et les centres de recherche d’un côté, et les institutions de l’Etat et l’administration de l’autre. Plusieurs universitaires se sont retrouvés à la tête des institutions économiques de l’Etat tunisien. L’administration a énormément bénéficié de cette ouverture qui a contribué à son efficacité et à sa compétence.
Mais, il faut mentionner au cours des dernières années, l’affaiblissement de cette relation et l’apparition d’une certaine
rupture entre les institutions de l’Etat et le milieu de la recherche universitaire.

L’une des voies du renouveau passe par la dynamisation de cette relation.

Le quatrième élément concerne l’audace et le courage.
La raison économique ne se limite pas à la recherche et aux idées mais intègre également la capacité de les traduire dans des politiques,  de les mettre en œuvre et de les exécuter. Si ce courage et cette audace existaient au cours de l’âge d’or de la raison économique dans notre pays, l’hésitation et la peur des résultats sont devenues les caractéristiques des dernières années. Ces hésitations sont au centre de l’échec et des retards dans la mise en œuvre des réformes économiques.
Notre pays traverse aujourd’hui une crise profonde. Le recul et l’affaissement de la raison économique et la pauvreté du débat sur ces questions ont contribué à cette crise et à notre incapacité à formuler les politiques nécessaires pour sauver notre économie. A ce niveau, les économistes, les experts et les institutions de l’Etat doivent retrouver la richesse de la raison économique des premières années de l’indépendance qui nous permettra d’échapper à ces crises et d’ouvrir une nouvelle expérience économique dans notre pays.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana