Réforme des banques publiques : Acte II

Les trois banques publiques, STB, BNA et BH constituent 40% du potentiel économique et financier de notre pays. C’est dire le rôle vital qu’elles assument dans le financement des activités économiques et des entreprises de notre pays.
Il s’agit donc de “poids lourds” du système bancaire tunisien qui, grâce à une situation saine et à des performances notoires, est susceptible de favoriser la relance de la croissance économique.
Or, tous les acteurs économiques s’accordent pour constater que les banques tunisiennes manquent de liquidités pour accorder des crédits aux entreprises économiques, ce qui fait que les crédits bancaires sont devenus rares, difficiles à obtenir et coûteux.
C’est ainsi que l’Etat a été contraint en 2015 de voler au secours des trois banques publiques qui étaient en grandes difficultés à l’époque : il avait alors injecté 900 millions de dinars d’argent frais pour les recapitaliser et avait fait adopter des plans de restructuration destinés à remettre à niveau leur compétitivité.
Il y a lieu de reconnaître aujourd’hui que la situation de ces trois banques s’est améliorée de façon sensible, même s’il reste encore beaucoup à faire en matière de qualité des prestations de services au niveau de la clientèle.
C’est ainsi que la STB a enregistré en 2017 un résultat net de 390 millions de dinars, supérieur de 80 MD à celui de 2016, soit une croissance de 26%.
De son côté, le PNB de la BNA en 2017 a atteint 446 MD contre 379 MD en 2016, soit une progression de 8,17%. Quant à la BH, son PNB relatif au premier trimestre 2018 est passé de 109 MD en 2017 à 124,9 MD.
D’ailleurs, le ministre des Finances a été obligé de reconnaître devant l’ARP que le processus de réformes des banques publiques commence à donner ses fruits : c’est ainsi que les dépôts de la clientèle ont progressé de 8,7%, le produit net bancaire a connu une croissance de 17,3%, le résultat net a enregistré une augmentation de 4,2% et le taux des créances classées a baissé de 20,8% à 16,7% selon le ministre.
Il reste cependant à assainir le portefeuille des banques publiques du “boulet qu’elles traînent” depuis plusieurs années, celui des créances classées tout en renforçant leurs ressources financières.
Il s’agit en fait du recours aux compromis et aux arrangements au sens légal du terme, pour favoriser le recouvrement de créances lourdes qui traînent depuis des années.
En effet, le montant global des créances classées dans les trois banques publiques s’élève à 5,7 milliards de dinars, ce qui constitue un montant colossal.
Ce serait une manne si cette somme était liquide et disponible pour être injectée dans l’économie et financer les projets de développement des PME et des entreprises économiques.
Et pour cause, le taux de créances classées dans les bilans des banques publiques est de 20,3% contre 9,7% pour les banques privées.
Pourquoi donc ?
Pour deux raisons fondamentales.
D’abord, parce que dans les banques privées, il y a une instruction des demandes de crédits plus rigoureuse, plus approfondie, plus objective, conforme aux normes prudentielles, et aussi une vigilance accrue en matière de suivi du recouvrement avec, si nécessaire, l’adoption de compromis et le recours à des transactions.
Il y a lieu de rappeler que les trois banques n’étaient pas en mesure jusqu’ici d’adopter des transactions avec leur clientèle lorsqu’elles engageaient des actions de recouvrement qui impliquent une certaine souplesse dans la négociation, car il s’agit de deniers publics. Alors qu’il faudrait plusieurs années, voire une décennie, pour aboutir à un résultat positif en cas de poursuites judiciaires.
Encore faut-il que le client ait donné en garantie hypothécaire un bien foncier de valeur susceptible de couvrir le montant de la créance.
C’est pourquoi l’ARP a adopté le 22 mai 2018 un amendement de la loi n°31-2015 du 21 août 2015 relative à la consolidation des assises financières des trois banques publiques grâce à plusieurs nouvelles dispositions.
D’abord, la création d’une commission de suivi de l’avancement des réformes administratives et structurelles et d’enquête dans les banques publiques, composée de sept députés de l’ARP, trois représentants du ministère des Finances, deux de la Cour des comptes et deux de la BCT.
Les conseils d’administration des banques doivent mettre au point une politique de recouvrement des créances accrochées avec une définition précise des structures de la banque, habilitées à décider des accords transactionnels et des modalités d’exécution de ces accords ainsi que la politique de gouvernance à adopter avec les clients, notamment en ce qui concerne l’abandon partiel ou total des intérêts conventionnels ou contractuels ainsi que ceux des pénalités de retard.
Les banques sont tenues de mettre à exécution cette politique de recouvrement et d’informer ladite commission des résultats tous les semestres. Il est entendu que les crédits accordés sans garantie et ceux objet de poursuites judiciaires pour soupçon de corruption sont exclus de ce processus transactionnel.
En s’appuyant sur la nouvelle loi, il y a lieu d’espérer que les banques publiques mettent en place rapidement des stratégies efficaces pour assurer le recouvrement de leurs créances accrochées pour soulager leur trésorerie et améliorer leurs liquidités. Une grande mobilisation s’impose dans ce but.
Il convient de remarquer cependant que le pouvoir législatif, en l’occurrence l’ARP, ne fait que resserrer chaque fois un peu plus son étreinte sur les prérogatives du pouvoir  exécutif au point de s’immiscer dans les moindres détails de la gestion des banques. Les députés, qui sont souvent absents lorsqu’il s’agit de voter des lois, auront-ils le temps d’examiner les détails d’une transaction avec un client d’une banque défaillant lorsqu’il s’agit de rembourser ses dettes ?
Il reste encore beaucoup à faire.

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