L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a publié récemment un bilan des impacts de la nouvelle loi sur les chèques, en vigueur depuis le 2 février 2025. Cette enquête dresse un portrait préoccupant de la réforme : nouveau chèque très peu utilisé, impact négatif sur la consommation, fragilisation des classes moyennes… Une transition difficile.
La nouvelle loi sur les chèques, entrée en vigueur le 2 février 2025, a soulevé de nombreuses critiques et questions. Mise sur pied dans le but de booster la fiabilité des transactions par chèques, elle était censée redonner confiance aux Tunisiens. Pour cela, elle se basait d’abord sur des mesures de sécurisation, telles que le plafonnement de la valeur des chéquiers à 30 000 dinars, l’obligation de barrer directement un chèque après sa délivrance, l’instauration d’une date d’expiration de six mois pour chaque chéquier, et la présence d’un QR code de vérification sur chaque chèque, afin de savoir directement la présence d’une provision ou non.
Mais elle faisait également le choix de la flexibilisation, en supprimant les sanctions pénales pour les chèques d’un montant inférieur à 5000 dinars envoyés sans provision. Aussi, l’introduction de l’application mobile « TuniChèque » devait servir d’étape fondamentale pour permettre une sécurisation moderne et simplifiée des paiements, en permettant aux utilisateurs de vérifier si la somme échangée est belle et bien présente sur le compte de l’émetteur.
L’échec du nouveau chèque
Trois mois après son application, l’heure est au bilan. Une étude menée par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), publié le 27 mai dernier, livre des chiffres préoccupants. Par le biais d’un sondage lancé un mois après la mise en vigueur de la loi, l’enquête a interrogé « 1100 utilisateurs réguliers de chèques, avec un échantillon représentatif en termes de genre, d’âge (principalement 30-50 ans) et de revenus (majoritairement entre 1000 et 3000 DT) », afin de donner un aperçu des premières tendances des comportements induits par la réforme.
Le premier enseignement est que, malgré l’ambition de la réforme de favoriser des moyens modernes, l’espèce reste utilisée dans 47% des transactions. Mais c’est surtout au sein des moyens scripturaux que se produit la principale transformation selon l’IACE : avant la mise en vigueur de la loi, le chèque se plaçait en deuxième position, derrière le virement bancaire, et devant le prélèvement automatique et la lettre de change. Désormais, le nouveau n’est utilisé que dans 7% des cas, et vient après la lettre de change et le virement bancaire, ainsi que la carte bancaire.
La majorité des sondés ont indiqué avoir rencontré des problèmes lors de leurs opérations avec le nouveau chèque : 47% des répondants indiquant que cela leur est arrivé parfois, et 26% à plusieurs reprises. Seulement 27% de l’échantillon ont affirmé n’avoir jamais rencontré de problèmes. Des chiffres qui peuvent s’expliquer par une période transition post mise en vigueur, mais qui pointe aussi la nécessité « d’accompagnement pédagogique, de simplification des procédures, voire d’incitations concrètes pour favoriser son adoption », selon les rédacteurs de l’étude
Un impact négatif sur la consommation
L’enquête a également tenté de déterminer si la réforme a empêché certains achats, où les chèques sont particulièrement utilisés. 29% des sondés ont répondu par l’affirmative. Dans la plupart des cas, ce sont des achats dépassant 1 500, dans la mesure où le chèque est prisé pour les paiements différés impliquant de grande somme.
« 88% des consommateurs aux revenus moyens (1000–3000 DT) ont renoncé à un achat, révélant leur forte dépendance au chèque comme moyen de paiement différé », indique l’IACE dans son rapport.
Et d’ajouter : « Cette évolution risque d’impacter directement des secteurs clés tels que l’électroménager, l’ameublement ou la santé, historiquement soutenus par la souplesse du paiement par chèque, un levier qui contribuait à maintenir la dynamique de la demande. »
Ainsi, d’après les chiffres produits par cette étude, la nouvelle réforme fragilise les classes moyennes, et peut impacter négativement des pans importants de l’économie nationale. Le manque de clarté, et la difficulté pour les utilisateurs de s’approprier les nouvelles dispositions , en est la principale cause. C’est pourquoi l’IACE insiste sur « l’importance d’accompagner toute réforme par des mesures d’inclusion numérique, des campagnes pédagogiques ciblées et des dispositifs transitoires adaptés, pour garantir une adoption équitable et éviter l’exclusion de publics fragiles. »
Pour en savoir plus, télécharger l’étude (Document PDF)