L’International Crisis Group a élaboré un compte-rendu sur la situation sécuritaire en Tunisie et la politique publique adoptée par les forces de sécurités internes (FSI). Avec les attaques terroristes répétées, surtout celles de Bardo et de Sousse, le pays fait face à un vrai danger vu l’instabilité de la Libye et la porosité des frontières entre les deux pays.
L’organisation ‘International Crisis Group’ a présenté une synthèse de la situation et a proposé des recommandations aux FSI, à la Présidence de la République, au gouvernement et aux membres de l’Assemblée des représentants du peuple afin d’améliorer le fonctionnement de la roue sécuritaire en Tunisie. Selon l’ICG, l’institution sécuritaire est fragmentée et « affirme son autonomie vis-à-vis du pouvoir exécutif et législatif au lieu de se professionnaliser et de renforcer son efficacité et son intégrité. Ses membres, souvent démotivés, exercent leur métier dans une institution déstructurée et politisée dans le sillage du soulèvement de décembre-janvier 2010-2011 et dont les statuts remontent à la dictature. Pendant la période de transition qui l’a suivie, les partis politiques ont profité du pouvoir discrétionnaire des ministres de l’Intérieur successifs en termes de révocation, de nomination et de promotion du personnel ; les syndicats de police censés défendre l’institution n’ont, pour la plupart, fait qu’aggraver ses divisions. »
La classe politique et les acteurs du secteur de la sécurité intérieure doivent mettre la main dans la main pour établir une stratégie claire et éviter le chaos et le retour à la dictature.
Les recommandations proposées vise à « apporter une réponse équilibrée et proportionnelle à la montée du jihadisme et des violences sociales, et d’aider le pays à sortir de la fausse opposition entre ordre et liberté » :
A la présidence de la République et au gouvernement :
- Eviter la tentation de conférer des tâches de police judiciaire à l’armée nationale afin de corriger les dysfonctionnements des forces de sécurité intérieure (FSI) et d’améliorer la sécurité à court terme.
- Multiplier les réunions de la cellule de coordination sécuritaire et de suivi, et privilégier un discours anti-terroriste qui ne soit pas antireligieux.
- Poursuivre le projet de création du centre de regroupement des informations sécuritaires (fusion centre) et, au-delà de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, l’élargir à de nouveaux ministères (Education, Formation professionnelle, Affaires religieuses).
- Organiser une conférence nationale ouverte à tous sur la notion de sécurité dans un état de droit, le rôle et les missions de la police, les causes de la fracture Nord/Sud et du jihadisme, la crise de confiance de la population envers l’appareil sécuritaire, et les moyens démocratiques de traiter les problèmes actuels, avec comme objectif de briser les tabous et établir un constat objectif.
Aux principaux partis politiques :
- Eviter d’instrumentaliser la menace terroriste sur le plan politique en en renvoyant la responsabilité sur ses adversaires.
Afin d’améliorer la professionnalisation des FSI pour qu’elles répondent aux défis sécuritaires de la Tunisie de l’après Ben Ali
Au gouvernement et à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) :
- Mettre en place une série de consultations internes sur la manière dont les fonctionnaires de la sécurité conçoivent leur profession dans la Tunisie de l’après Ben Ali ; le bilan des échanges servant de base à un nouveau code de déontologie des FSI.
- Créer, en collaboration avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, un Haut comité de la réforme et de la gestion du corps sécuritaire, élu par les membres des FSI dans le but de renforcer la cohésion du corps, de faire respecter les principes de moralité et de compétence, et de garantir la qualité des services de sécurité. Ce comité :
a) participera à l’élaboration d’un nouveau code de déontologie des FSI en partenariat avec les commissions compétentes de l’ARP ;
b) mettra en œuvre, de concert avec la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l’Intérieur, un plan de gestion stratégique et systémique des ressources humaines (cellule psychologique pour le recrutement, référentiel d’emploi et de fonction, informatisation des variables de compétences) ;
c) participera à la révision des statuts juridiques qui fixent la mission, les modalités de recrutement, de formation, de promotion ainsi que les relations hiérarchiques des agents et des cadres des FSI, notamment la réduction des prérogatives de nomination et de mutation du ministre de l’Intérieur et de la loi n°82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure.
8. Accélérer la création du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale du ministère de l’Intérieur.
Aux ONG internationales, aux instances internationales et aux Etats partenaires de la Tunisie dans le domaine de la sécurité :
- Soutenir de manière prioritaire la réforme des statuts, la mise en place d’un plan de gestion des ressources humaines des FSI, l’amélioration de la formation initiale et continue, notamment le projet du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale.
- Coordonner les aides bilatérales et multilatérales.
Afin de mieux exercer le contrôle démocratique sur les FSI et d’encourager leur professionalisation.
Au gouvernement et aux membres de l’ARP, notamment ceux de la Commission de législation générale, de la Commission de l’organisation de l’administration des forces armées et de la Commission sécurité et défense :
- Participer à l’élaboration d’un nouveau code de déontologie des FSI, co-signer avec le Haut comité de réforme et de gestion du corps sécuritaire un agenda clair de réforme du secteur de la sécurité. L’ARP devrait mettre en œuvre cette réforme sous la forme d’une loi organique, comme prévu par la constitution.
- Valoriser le travail de contrôle parlementaire de la Commission de l’organisation de l’administration des forces armées et de la Commission sécurité et défense (formation des députés sur les questions sécuritaires, embauche d’attachés parlementaires entre autres).