On sait moyennant quelles difficultés le Budget de l’État pour l’année 2014 pourrait être bouclé, car il manque encore 2,5 milliards de dinars et le déficit serait évalué à 6% par les experts proches du dossier.
Alors que dire pour le Budget 2015 qui vient à peine de commencer à être élaboré par les responsables du ministère des Finances ? La mission est proche de l’impossible si l’on considère que l’endettement public extérieur frise les 50% du PNB, seuil à ne pas dépasser si l’on veut respecter la bonne gouvernance des finances publiques.
Cependant, les perspectives ouvertes par la prochaine réforme fiscale qui devrait entrer en vigueur dès le début de l’année 2015 laissent planer un espoir de parvenir à boucler le budget.
En effet, certaines nouvelles mesures déjà adoptées lors du vote de la loi de Finances complémentaire pour l’exercice 2014 entreront en vigueur dès le 1er janvier 2015 et permettront de mobiliser des ressources fiscales colossales dans la mesure où elles entreront en vigueur et seront appliquées avec la rigueur qui convient. On parle de 12 milliards de dinars, soit de quoi financer près de 40% du Budget de l’État.
Encore faut-il faire preuve d’une volonté politique inébranlable, ce qui mériterait d’être confirmé, mais encore faut-il disposer d’une administration fiscale non seulement compétente et déterminée, mais disposant des effectifs nécessaires et des instruments logistiques modernes et efficaces pour exécuter une tâche lourde et responsable.
Il s’agit de la réforme du régime des forfaitaires qui comporte 390.000 bénéficiaires qui ne payaient jusqu’ici que des montants dérisoires alors que les 2/3 des bénéficiaires brassent des sommes folles qui échappent ainsi au devoir fiscal. Pour 2015, soixante-douze métiers parmi les plus lucratifs du régime forfaitaire devront payer l’impôt selon le régime réel.
La levée de l’interdiction sur le secret bancaire, dans les cas de redressement fiscal approfondi, va restreindre une évasion fiscale qui est aujourd’hui immense. La lutte contre la contrebande, qui concentre environ 40% de l’économie globale et favorise totalement l’évasion fiscale, permet dorénavant de confisquer les biens des contrebandiers, ce qui est dissuasif sans être cependant tout à fait efficace.
Les activités commerciales et de services actuellement non déclarées disposeront d’un délai de six mois pour déclarer leurs revenus et adhérer de bonne foi à leur devoir fiscal dans le cadre du droit réel.
Des seuils seront définis pour mettre sur le même pied d’égalité devant l’impôt les fonctionnaires exerçant la même profession que ceux qui exercent dans le secteur privé.
Les assises de la fiscalité, qui auront lieu le 5 et le 6 novembre, réuniront quatre cents responsables et experts en matière de fiscalité qui auront pour objectif de définir les orientations fiscales principales de la réforme envisagée par le ministère des Finances et de l’Économie.
L’objectif de lutte contre l’évasion fiscale doit être jumelé avec la préoccupation pressante d’équité entre salariés modestes ou cadres supérieurs d’une part, professions commerciales et libérales d’autre part.
Il est également fondamental d’alimenter le budget de l’État en ressources financières pour faire face aux besoins de fonctionnement de l’État, sans compter les investissements nécessaires pour promouvoir le développement du pays.
La restructuration et le renforcement de l’administration fiscale sont une urgence absolue, car on ne peut pas réformer le système fiscal sans revoir l’instrument chargé de le mettre en application.
Il est impératif de recruter et de former des milliers de contrôleurs et d’inspecteurs des impôts parmi les diplômés du supérieur et d’équiper les bureaux de contrôle d’ordinateurs de bases de données et de logiciels appropriés pour gérer les contributions.
Les déclarations d’impôts doivent être recoupées avec les signes extérieurs de richesse et le train de vie des contribuables par souci d’authenticité et de transparence.
La fiscalité locale ne doit pas être occultée, car elle régit notre cadre de vie quotidienne et devrait permettre aux mairies d’assurer correctement des fonctions vitales telles que l’hygiène et la propreté de la ville, l’entretien de la voirie, la bonne marche des marchés et des abattoirs, la maintenance et l’aménagement des espaces verts…
Ridha Lahmar