Réfugiés syriens, otages d’un conflit diplomatique

Ambassadeurs convoqués, déclarations assassines et menaces à peine camouflées, cette semaine a de nouveau été le théâtre d’une bataille à la fois médiatique et diplomatique entre l’Algérie et le Maroc. Au cœur de la controverse se trouvent des réfugiés syriens, à majorité femmes et enfants qui auraient été acheminés par les autorités algériennes vers le territoire marocain. L’Algérie dément, les versions divergent et les rivalités entre les deux frères ennemis refont surface.

 

Entre le 26 et le 28 janvier 2014, 77 ressortissants syriens auraient été expulsés par l’Algérie vers le Maroc. La réaction du Maroc a été rapide et sans concession. La ministre déléguée aux Affaires étrangères et de la coopération, Mbarka Bouaïda « a élevé des protestations officielles auprès des autorités algériennes contre ces opérations de refoulement, contraires aux règles de bon voisinage »  en convoquant « l ‘ambassadeur d’Algérie à Rabat pour lui faire part de la forte désapprobation du Royaume du Maroc»  dans cette affaire. Pour preuve, les Marocains évoquent les passeports syriens tamponnés à l’aéroport Houari Boumediene, confirmant l’entrée des réfugiés syriens sur le territoire algérien. Le lendemain, le gouvernement algérien réplique et affirme avoir bloqué le passage de réfugiés « refoulés » par le Royaume. Convocation de l’ambassadeur marocain à Alger et déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belan, qui rejette « ces allégations dénuées de tout fondement » et affirme que « L’Algérie n’a certainement pas besoin de donneurs de leçons lorsqu’il s’agit de manifester concrètement sa sollicitude et son attention soutenue à l’égard des ressortissants syriens qui se trouvent temporairement sur son territoire en tant qu’invités du peuple algérien qui les a accueillis spontanément avec sa générosité et son hospitalité coutumières ».

En effet, la question centrale n’est pas d’évaluer dans quel pays des réfugiés en état de vulnérabilité manifeste se porteraient le mieux. Les relations Algérie-Maroc sont faites depuis longtemps d’hostilités successives. Début novembre, un individu avait arraché le drapeau algérien à l’intérieur de l’enceinte du consulat à Casablanca entraînant la colère d’Alger. Ce que n’a pas manqué de rappeler le ministère des Affaires étrangères dans son communiqué en « déplorant profondément cette tentative supplémentaire et gratuite de crispation d’une relation qui a déjà, connu un sérieux dommage le 1er novembre dernier, lors de l’agression contre l’enceinte consulaire algérienne à Casablanca ».

En toile de fond, l’éternelle question du Sahara occidental. Aussi, Alger doute de la volonté de son voisin d’endiguer le trafic de drogue en provenance du Maroc sur son territoire. De son côté, Rabat continue de condamner la fermeture des frontières terrestres communes depuis 1994 et le rappelle  au détour d’une déclaration : « Les autorités marocaines ont relevé la multiplication ces derniers temps des opérations de refoulement de réfugiés syriens (comme les subsahariens par le passé) par les autorités algériennes vers le territoire marocain à travers les frontières Est du Royaume ».

La nouvelle politique marocaine d’accueil des migrants est mise en avant. Début janvier 2013, une opération, de grande envergure, de régularisation des sans-papiers subsahariens a été lancée. Le Maroc s’assume désormais comme une terre d’accueil.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés comptabilise près d’un millier de demandes d’asile déposées par des ressortissants syriens. Ces derniers transitent inévitablement par le territoire algérien. La guerre qui fait rage en Syrie provoque la fuite de nombreux syriens. Des millions d’entre eux trouvent refuge dans les camps de fortune financés par les aides internationales. Certains d’entre eux choisissent de poursuivre leur exil vers le Maghreb où ils espèrent retrouver un semblant de stabilité et de sécurité. Mais faute d’une politique commune de ces territoires d’asile, les réfugiés ne peuvent que s’en remettre à l’hospitalité offerte par des familles algériennes et marocaines. Ce qui est loin d’être une solution pérenne.

Marieau Palacio

 

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