Le 24 juin dernier et lors de son discours à l’occasion de la Fête nationale de l’Armée, le président de la République, Moncef Marzouki, a prononcé un discours où il a réhabilité pour la première fois, les militaires de Barraket Essahel, ayant été emprisonnés et torturés au débout des années 90. Une réhabilitation tant attendue, surtout après l’éclatement de l’affaire passée sous silence depuis plus de 20 ans.
Nous étions les premiers à en parler (voir Réalités du 17/2/2011). Les Tunisiens ont pu connaître pour la première fois ce drame ayant touché 244 officiers et sous-officiers de l’Armée, accusés à tort d’un faux complot contre l’Etat. Ben Ali a voulu vider cette institution républicaine, des meilleurs de ses éléments. Et il a réussi, puisque, bien que leur innocence ait été prouvée rapidement, ils ont été mis définitivement à l’écart de l’institution militaire, avec la complicité du commandement de l’époque.
En mai 2011, ces militaires ont déposé plainte pour torture et un procès a été ouvert, d’abord au niveau du Tribunal civil, ensuite au niveau du Tribunal militaire. 9 inculpés ont été retenus : Ben Ali, Abdallah Kallel (ancien ministre de l’Intérieur), Mohamed Ali El Ganzoui (ancien directeur général des services spéciaux au ministère de l’Intérieur) Abdallah Guesmi, Mohamed Naceur Alibi (agents au ministère de l’Intérieur), en plus de quatre autres, restées en fuite : Ezzeddine Jenayh (Directeur de la Sûreté de l’Etat) Zouhaier Redissi, Houcine Jellali et Béchir Saîdi. Le verdict est tombé le 7 avril 2010 : Deux ans de prison, pour Mohamed Ali Ganzoui, Abderrahmen Kassmi, Mohamed Ennacer Alibi et Abdallah Kallel. L’affaire est passée à la Cour de cassation. Durant toutes les étapes du procès qui a duré une année, les militaires ont essayé d’obtenir une réhabilitation morale et matérielle.
«Un geste historique»
Ce geste de la part du président de la République, qui est le commandant suprême des forces armées, a été interprété par les victimes de Barraket Essahel comme un «geste historique». «C’est un geste qui sera inscrit dans les annales de l’Armée tunisienne et même de toutes les armées du monde, comme modèle à suivre au futur, pour résoudre des cas semblables», indique le commandant Hédi Kolsi.
Même son de cloche chez l’ex-commandant, Habib Khedimallah : «Je ne croyais jamais que viendra le jour où ce mur en fer entre la réalité et la vérité, va fondre et qu’un lourd fardeau va être levé».
Reste que les militaires de Barraket Essahel auraient préféré que la réhabilitation se fasse en présence des victimes, vêtues en uniformes et avec les grades correspondants (après une reconstitution de carrière). Le colonel Mohamed Ahmed a en tête l’exemple du capitaine Dreyfus en France, «dont la réhabilitation s’est faite, en uniforme, lors d’un cérémonial militaire avec remise des insignes de grade. Les 244 victimes de Barraket Essahel, constituent 244 «Capitaines Dreyfus tunisiens». Ils n’en mériteraient pas moins en terme de traitement !».
Les anciens militaires de Barraket Essahel suggèrent aussi la promulgation d’une loi de réhabilitation par l’Assemblée nationale constituante, pour que le drame ne se répète plus dans l’avenir.
Espérons que le haut commandement militaire et la Présidence seront à l’écoute de leur requête et qu’ils sauraient réparer le grand préjudice qu’ils ont subi.
Cette réparation ne peut qu’honorer toute l’institution de l’Armée.
Hanène Zbiss