Le taux de croissance global de notre pays reste mou et lent, alors que nous disposons de fortes potentialités de développement dans des secteurs d’activité à forte densité de main-d’œuvre, comme le textile-habillement ou à haute valeur ajoutée comme les industries pharmaceutiques.
Cependant, il y a des obstacles à écarter et des conditions à ménager pour atteindre les objectifs assignés. d’où la conception par le conseil des analyses économiques de pactes de compétitivité entre l’Etat et certaines professions.
En effet, depuis sept ans, le secteur textile-habillement a enregistré une régression des exportations de 30% : cela s’est soldé par la perte de 40.000 emplois et la fermeture de 400 entreprises.
En juin 2017, le gouvernement a adopté 22 mesures dans le cadre d’un plan de relance, où en contrepartie de plusieurs mesures incitatives, les professionnels du secteur s’engagent à investir de façon massive et ciblée pour créer de la valeur ajoutée et de l’emploi, à innover, avec la promotion de l’export et la conquête de nouveaux marchés.
Il faut dire qu’en 2018, le secteur a repris quelque peu son souffle avec création de 16.000 emplois et croissance des exportations de 2,8% en Europe par rapport à 2017, même si en dinars tunisiens, c’est seulement 18% de plus.
Il y a lieu de remarquer que l’historique de l’évolution du secteur est marqué par des soubresauts multiples dont nous donnons un bref aperçu.
C’est la loi 72 relative aux sociétés offshores qui a favorisé l’expansion du secteur avec l’implantation des grandes enseignes du prêt-à-porter européen pour la sous-traitance en matière de confection. Des centaines de chefs d’entreprises tunisiens ont créé des ateliers de confections dans plusieurs villes du Cap Bon et du Sahel, recrutant des centaines de couturières pour vendre à l’export du “coût-minute”, bon marché.
Le secteur du textile a connu des difficultés sérieuses avec fermetures d’usines et mises au chômage de milliers de salariés lorsqu’il a fallu mettre fin à l’accord multi-fibres en l’an 2000 au niveau mondial. L’adoption d’un programme de mise à niveau des entreprises du secteur s’est imposée : il a fallu adopter la co-traitance avec les enseignes européennes, concevoir des collections complètes, innover sur le plan modélisme-stylisme et monter en gamme en matière de création avec adoption de nouvelles technologies de coupe.
Les objectifs assignés au plan de relance du secteur du textile-habillement 2019-2023 sont très ambitieux : il s’agit de hisser le secteur au niveau de leader des exportations avec 4 milliards d’euros de recettes par an, et création de 50.000 emplois pour atteindre au total 200.000 salariés.
La valeur ajoutée du secteur devrait au terme de 2023 atteindre la performance de 40% alors qu’elle n’est que de 10%.
Pour éclairer encore plus l’orientation à prendre, le ministère de l’Industrie et des PME a décidé de lancer une étude stratégique relative au diagnostic actuel du secteur, son positionnement international et les solutions relatives à sa restructuration et son développement pour un coût de 1 million de dinars. Objectif : promotion d’une technologie et d’une forte valeur ajoutée à l’export.
En quoi consisterait le pacte de compétitivité du secteur en cours de préparation entre le CAE et la Fédération patronale du textile-habillement ? Il se compose de 6 volets.
D’abord, la mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance du partenariat public-privé avec création d’un conseil stratégique, création d’un fonds dédié au développement du secteur. Ensuite, le lancement de dix projets stratégiques d’intégration du secteur avec identification de dix partenaires de premier plan.
Il s’agit de concevoir et de développer une offre territoriale adaptée aux projets d’infrastructure et de formation avec des incitations spécifiques aux porteurs de projets.
Il est nécessaire également de mettre au point un plan de promotion par filière (prêt-à-porter, bonneterie, textile technique…) Il s’agit de faire briller l’image du secteur pour attirer la clientèle.
Mais aussi, mettre au point une formation co-construite entre l’Administration de la formation professionnelle et la profession pour chaque filière.
Il y a lieu de reconnaître que le taux d’encadrement dans le secteur est très faible, soit 4%, alors que des milliers d’offres d’emploi ne trouvent pas preneur dans un pays où le taux de chômage dépasse 15%.
Le pacte consiste aussi à mettre à la disposition des promoteurs de projets, une offre de lots de terrains bien équipés, avec des infrastructures logistiques performantes, conformes aux standards internationaux : zones industrielles “nouvelle génération”, stations d’épuration, plates-formes portuaires et logistiques bien équipées, laboratoires d’essais et showrooms.
Enfin, des incitations spécifiques doivent être décidées : tarifs préférentiels pour l’électricité, rationalisation des importations, taux bonifié d’intérêt sur crédits bancaires. Il y aurait actuellement 700 déclarations d’intention d’investissement dans le secteur, dont 65% sont des créations, le reste porte sur des extensions.
Quelles sont les conditions de réussite de ce projet ? Tout dépend de la rapidité de la mise en œuvre de tout ce dispositif, l’effet d’annonce doit être suivi par des actes concrets de la part des pouvoirs publics, or l’Administration tunisienne est connue pour ses lenteurs, son inertie et ses complexités.
Le facteur confiance prime chez les investisseurs, encore faut-il qu’il y ait une stabilité politique et une paix sociale.
Le laxisme vis-à-vis des importations légales et illégales doit cesser, car c’est un facteur majeur qui dissuade les investisseurs. Il faut des signaux forts de la part de l’Etat pour convaincre les promoteurs. Où sont-ils ?