Relance économique : les trois clés de succès du gouvernement

Le gouvernement de Mehdi Jomâa bénéficie d’un effet d’annonce et d’un préjugé favorable à l’intérieur du pays et d’une embellie de l’image du pays à l’étranger suite à l’adoption de la Constitution et au départ de la Troïka.

Or, sa marge de manœuvre pour sortir le pays de la crise socio-économique aiguë dans laquelle il se trouve est très étroite. Le temps lui est compté et les ressources financières font défaut. Saura-t-il faire preuve d’habileté et de savoir-faire pour mettre à profit les trois gisements de valeur dont il dispose qui permettront rapidement d’enregistrer des succès remarquables en matière de croissance économique, de balance des paiements, d’amélioration de l’emploi et des conditions de vie de la population.

De quoi s’agit-il ? Quels sont les facteurs de succès ? Comment remettre les Tunisiens au travail ?

 

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e gouvernement de Mehdi Jomâa ne dispose que de dix mois pour faire ses preuves d’efficacité et redresser la situation économique du pays. Le nouveau gouvernement ne peut faire face à tous les problèmes à la fois et aux difficultés de tous les secteurs de l’économie : il faut éviter de se disperser et plutôt se concentrer sur les secteurs vitaux, ceux qui ont un impact majeur sur les exportations, la balance des paiements, l’emploi, la valeur ajoutée induite dans le corps économique, ont un effet d’entraînement déterminant sur les autres secteurs de l’économie, et impulser ainsi le processus de croissance.

En effet, mettre en place des réformes des structures économiques,… nécessite de gros efforts pour obtenir un consensus auprès des partenaires sociaux sur certains choix, sur le modèle de croissance économique et de développement social avec une vision relative au modèle de société à promouvoir dans le pays.

Cela relève d’une stratégie à moyen et long termes et par conséquent d’un gouvernement stable dans la durée issu d’élections législatives et pouvant escompter l’obtention des fruits de sa politique au bout de plusieurs années de labeur.

Il nous semble que trois secteurs devraient avoir la priorité pour impulser la reprise économique dans le pays. Il s’agit de la relance du secteur des phosphates, de la reprise de l’activité touristique et enfin la lutte contre l’inflation.

 

Mettre fin à la crise du Bassin minier de Gafsa

Il s’agit de remettre au travail toute une région paralysée depuis trois ans par les sit-in de quelques dizaines de sans-emplois en proie à des luttes d’influence tribales, souvent manipulés par les intérêts matériels de certains opérateurs économiques et des visées politiques inavouables. Il est certain également que la région de Gafsa a été privée d’investissements et d’équipements de base depuis toujours et souffre d’un taux de chômage élevé

L’extraction des phosphates est une industrie industrialisante en ce sens que stopper l’extraction du phosphate condamne à l’inaction toute une filière qui commence avec les laveries, se poursuit avec les usines de transformation en produits chimiques à Sfax, La Skhira et Gabès. Sans oublier les industriels des détergents de Sfax et Tunis.

Al Kimia et le Groupe chimique se mettent en chômage technique s’il n’y pas d’approvisionnement régulier en matières premières. Tout un édifice avec des centres de production, des moyens de transport et d’exportation est en train de s’effondrer à cause de l’arrêt des carrières. Deux fleurons de l’industrie tunisienne sont en train de couler à cause de l’acharnement de quelques uns à se faire recruter par la CPG, au delà des besoins et qualifications requises.

 

Un empire pourrait être sauvé de la faillite, de justesse

La Compagnie des phosphates de Gafsa qui a absorbé sa filiale le Groupe chimique (ex-Industries chimiques maghrébines de Gabès) a réalisé en 2010 un bénéfice net de 3 milliards de dinars qui lui a permis de survivre jusqu’à maintenant, malgré les recrutements massifs et l’effondrement de la production et des ventes.

La situation de la CPG en ce début 2014 est déplorable : laverie de Redeyef à l’arrêt, usine d’acide phosphorique Mdhilla II en construction avancée (90%), chantier à l’arrêt suite sit-in, plusieurs carrières d’extraction sont paralysées, le transport se fait au compte-gouttes vers les usines de transformation chimique. Si l’on fait un bilan cumulé des trois ans comme cela a été fait lors d’une récente réunion au Palais du gouvernement présidée par M. Nidhal Ouerfelli, ministre chargé des dossiers économiques laisse apparaître une baisse de la production de 59%, ce qui est catastrophique. Les ventes ont baissé de 45%, ce qui met l’entreprise dans une situation non seulement de déficit et de non rentabilité mais aussi de faillite potentielle.

En effet, le nombre de jours d’arrêt de la production selon les différents sites varie entre 42 jours et 309 jours.

Pour le Groupe chimique, la cessation d’activité varie entre 42 et 300 jours selon les usines, la moyenne globale étant de 72 jours.

Il faut dire que les effectifs de personnel de la CPG sont passés de 4900 en 2010 à 7400 en 2013, ce qui constitue une politique d’emplois disproportionnée pour une entreprise dont la production a régressé de façon alarmante ce qui a provoqué un alourdissement abusif de ses charges salariales et sociales.

Il est clair que le bilan de la compagnie s’en ressent de façon catastrophique.

Il en est de même pour le Groupe chimique dont les effectifs sont passés de 4430 en 2010 à 7425 en 2013 alors que l’activité a connu un fléchissement sensible. Il est clair que la santé financière de l’entreprise a pris un coup dur et que le défi actuel consisté à remonter la pente en remettant toutes les structures au travail.

Il convient de rappeler que la suppression de la sous-traitance a contraint aussi bien la CPG que le GCT à recruter massivement les salariés des sociétés de sous-traitance outre la création de filiales prenant en charge la protection de l’environnement. Une action vigilante de respect de la loi menée de front avec des négociations pourrait donner des résultats positifs.

 

Maîtrise de l’inflation : lutte contre les spéculateurs et la contrebande

La baromètre de l’efficacité de l’action gouvernementale sera l’indice de l’inflation. Pas celui officiel fondé sur les produits de base homologués mais celui réel et concret, celui qui est ressenti par la ménagère qui fait son marché et le celui du père de famille qui n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Fruits, légumes et viandes rouges continuent de flamber à cause de quelques dizaines de spéculateurs, d’intermédiaires, de grossistes et de commerçants cupides qui manipulent les prix et dosent l’offre en conséquence sur les marchés au grand dam des consommateurs victimes impuissantes mises devant le fait accompli. Les pouvoirs publics doivent avoir la volonté de “changer les choses” en mobilisant l’arsenal réglementaire disponible mais aussi en épuisant les recours négociés filière par filière, profession par profession.

D’abord, renforcer le dispositif de contrôle grâce à des brigades Douanes-Garde nationale-agents du contrôle économique pour réduire la contrebande non seulement, aux frontières, mais aussi sur les routes et en ville sur les marchés.

Pousser ensuite les producteurs à emprunter les circuits de distribution officiels de façon à faire grimper le taux de recours des fruits et légumes sur les marchés de gros à 70% de la production alors qu’elle n’est actuellement que de 40%.

L’augmentation de l’offre sur les marchés de gros par rapport à la demande amènera “fatalement” au réajustement des prix. La baisse du coût de la vie serait un argument efficace pour réaliser un pacte social.

 

Tourisme : Promouvoir une nouvelle image pour la destination

Depuis trois ans le tourisme tunisien souffre de l’instabilité socio-politique et de la menace terroriste. C’est pourquoi nous devons tirer le meilleur profit de l’embellie récente qui découle de l’adoption de la Constitution et de l’investiture d’un gouvernement dit de compétences neutres, une nouvelle image de notre pays doit être promue sur les marchés émetteurs. Il faudrait mettre au point une nouvelle stratégie de communication, la mobilisation des structures de commercialisation de nos partenaires, une concertation étroite au niveau des actions à mener entre administration et professionnels peuvent nous permettre de récupérer les 700.000 touristes français perdus depuis trois ans, de ramener les milliers de visiteurs italiens perdus, de renforcer encore plus la position du tourisme tunisien sur les autres marchés, comme l’Allemagne, la Grande Bretagne et la Belgique. On peut améliorer de 30% les performances du secteur, du jour au lendemain, sur tous les plans sans investissements supplémentaires.

Des problèmes structurels du tourisme méritent des réformes à moyen terme comme l’endettement bancaire abusif des hôtels, la mise à niveau des hôtels ainsi que la diversification des produits touristiques avec introduction du tourisme culturel et développement du tourisme de santé avec la mise à niveau des centres de thalassothérapie.

Au court terme le tourisme tunisien peut recruter 20 à 30.000 salariés, accroître le nombre de visiteurs de 1 à 2 millions de visiteurs par an, améliorer sensiblement les recettes en devise. 

 

Le baptême du feu : relance du tourisme saharien

La nouvelle ministre du Tourisme qui a la chance de prendre ses fonctions en pleine haute saison du tourisme saharien alors que le plan de sauvetage de ce produit est fin prêt, il ne este plus qu’à passer à l’action.

On attend de voir les promesses de Mme Karboul se concrétiser sur le terrain : n’a-t-elle pas promis de participer personnellement au nettoyage de l’oasis de Tozeur ?

Le plan de relance du produit touristique saharien comporte la reprise du transport aérien, l’animation évènementielle et culturelle de la région ainsi qu’une campagne de communication et de commercialisation active sur les marchés émetteurs de touristes européens ? Une campagne de nettoyage s’impose d’urgence. Cela est urgent pour le sauvetage à court terme.

Il faut dire que la situation est catastrophique à Tozeur, Kebili et dans les oasis de montagne : le tourisme a perdu 60% de ses visiteurs dans la région en trois ans.

En effet 20 hôtels en plus de Dar Charïet ont fermé leurs portes : 1000 emplois ont été perdus, le manque à gagner durant les trois ans est estimé à 75 M de dinars.

A moyen terme, il y a lieu de mettre en chantier plusieurs opérations dont la mise à niveau des hôtels de la région, l’endettement bancaire des hôtels dont la structure financière était déséquilibrée depuis le début (hôtels financés selon le schéma de financement des nouveaux promoteurs) ainsi que l’édification d’un centre international de congrès.

Ridha Lahmar  

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