Vers l’élargissement de la Troïka ?

Depuis la déclaration de Rached Ghannouchi, faite à l’AFP annonçant qu’il y aura un remaniement ministériel après le congrès d’Ennahdha, toute la scène politique est aux aguets et attend la liste des sortants et des nouveaux entrants au gouvernement, mais aussi les noms des nouveaux partis qui pourraient se joindre à la Troïka.

 

La démission de Mohamed Abbou avait déjà ouvert les portes aux interrogations sur celui qui allait le remplacer à la tête du ministère de la Réforme administrative. Mais voilà qu’Ennahdha voudrait apparemment passer un coup de balai dans la composition du gouvernement, en éliminant les ministres qui ont suscité la polémique ces derniers temps ou ceux qui ont été vivement critiqués pour leur incapacité à résoudre les dossiers chauds.

A la tête de la liste des sortants, se trouve l’actuel ministre de l’Industrie, Mohamed Lamine Chakhari, ayant attiré les foudres des Tunisiens à cause du comportement de son fils qui a agressé violement  une jeune fille de sa classe. Deuxième candidat à la sortie, le ministre de l’Education, Abdellatif Abid, dont la réputation a subi un coup dur à la suite de l’affaire des fuites du bac et de l’autorisation à deux candidats, qui sont des parents à lui,  de passer l’examen alors qu’ils n’en avaient pas le droit. Abdelwaheb Mâatar, ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi fait aussi partie du club des sortants puisqu’on lui reproche de ne pas avoir réalisé de résultats tangibles dans son domaine, en plus des tensions créées avec les syndicats et les chômeurs. Même reproche a été fait à Mamiya El Banna,  ministre de l’Environnement, qui est accusée de ne pas avoir su gérer les dossiers relatifs à la question environnementale. Trois autres ministres risquent aussi de quitter le gouvernement : Moncef Ben Salem,  ministre de l’Enseignement supérieur, en raison des problèmes qui ont eu lieu à la Faculté de la Mannouba, Ridha Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, à cause du déclassement de la Tunisie sur les marchés mondiaux et son incapacité à ramener de nouveaux investissements dans le pays et Béchir Zaâfouri ministre du Commerce et de l’Artisanat dont le rendement est jugé non satisfaisant.

Mais le changement qui suscite réellement la polémique, c’est celui de l’actuel ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdesselem Bouchlaka. Si Hamadi Jebali, l’actuel chef du Gouvernement, s’est montré insatisfait de son rendement, Rached Ghannouchi, lui, défend bec et ongles le bilan de son gendre qu’il estime être «bien à sa place». Et vu l’influence de chef du parti d’Ennahdha, il est très probable que Bouchlaka soit maintenu à son poste.

 

Et qu’en est- il des entrants ?

Des négociations ont déjà commencé pour choisir les candidats au remplacement des sortants et qu’ils viennent de l’intérieur de la Troïka ou pas, en élargissant l’alliance.

Selon Ajmi Ourimi, fraichement élu au conseil d’Echoura, des tractations ont actuellement lieu avec des partis comme le Parti Al Joumhouri et Néjib Chebbi et Yassine Brahim ont été approchés, mais ils n’ont pas donné leur accord pour intégrer le gouvernement. Mais Ourimi a aussi évoqué des négociations avec le Mouvement Wafa (le mouvement dissident du CPR). Abderraouf Ayadi, président de ce mouvement, nous a assuré qu’il y a des contacts à titre «officieux» et que son mouvement «n’accepterait l’offre que si le gouvernement actuel consent à respecter les conditions et les visions politiques du mouvement, notamment en ce qui concerne la justice transitionnelle».

Quant aux partis à tendance islamiste tels le Parti l’alliance nationale pour la paix et la prospérité (ANPP) et le Parti de la réforme et du développement, ils n’ont pas été approchés jusque-là, selon leurs Secrétaires généraux respectifs, Skander Rekik et Mohamed Goumani. Ce dernier assure qu’un dialogue avec Ennahdha et d’autres partis a déjà débuté depuis plusieurs semaines sur la situation politique du pays, l’organisation des élections et la protection de la Révolution, mais que la question du remaniement ne s’est pas posée. Il ajoute que si le parti recevait une offre allant dans ce sens, il l’étudierait. «Il ne s’agit pas pour nous d’être un parti de façade», souligne-t-il.

De son côté, Skander Rekik, Secrétaire général de l’ANPP, a estimé «que le remaniement ministériel vient un peu en retard, car il ne reste que six mois de travail au gouvernement avant les élections. Il vaut donc mieux le laisser comme il est.»

 

«Une tentative de briser l’isolement»

Si des partis se sont montrés plus au moins ouverts à l’idée d’un élargissement de la Troïka, tout en posant leurs conditions, d’autres ont été catégoriques dans leur refus de participer au gouvernement. C’est le cas du  Mouvement des patriotes démocrates dont le coordinateur général, Chokri Belaid, a déclaré à Shems F.M. que son parti «ne peut pas se retrouver dans une alliance avec Ennahdha, car ce parti n’aurait pas de programme national pour la réalisation des objectifs de la Révolution, en ajoutant que, le mouvement Ennahdha cherche à faire porter la responsabilité de son échec à d’autres, et à briser son isolement en appelant à une entente politique élargie».

Même refus catégorique de la part de Hizb Ettahrir dont le porte-parole, Ridha Belhaj, a affirmé : «Nous ne pouvons pas travailler avec Ennahdha, car ce parti a oublié les objectifs de la Révolution et il est en train de faire de la contre-révolution». (Voir notre interview intégrale).

Il est clair que le remaniement ne fait pas l’unanimité sur la scène politique. En revanche, tous les partis, y compris ceux de la Troïka, sont d’accord pour dire qu’il y ait des têtes au gouvernement qu’il faudrait vraiment changer…

Hanène Zbiss

 

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