Rendez-vous avec le destin

Un congrès historique nous dit-on. Nous l’espérons. Pour Ennahdha, pour la Tunisie, pour l’ensemble du Monde musulman. Nous gardons espoir… bien qu’à l’échelle du Monde arabe l’adjectif « historique » a perdu sens et essence, à force d’être galvaudé et utilisé en toutes circonstances sans discernement.

Nous souhaitons sincèrement, en tant que Tunisiens, que le congrès qui entame ses travaux aujourd’hui s’impose à nous comme au reste du monde comme un tournant dans l’histoire de l’islam politique arabe, à partir de la Tunisie. En ce sens, cet évènement se présente comme un rendez-vous renouvelé que le pays tout entier reprend avec l’histoire. Il revient aux congressistes de ne pas le manquer.

Ne pas le manquer c’est ouvrir la voie pour que les musulmans se réconcilient avec eux-mêmes, avec les autres cultures, les autres religions, avec la liberté, la modernité, la rationalité et les droits de l’homme.

L’expérience turque à ouvert la voie. Ennahdha qui s’en réclame ne peut aucunement se dérober face à ce moment de vérité. L’avenir est entre ses mains, saura-elle en faire bon usage ? Confrontée à l’exercice du pouvoir et faisant face à ses épreuves, marquera-t-elle une rupture avec le double langage et le mélange des genres entre religion et politique ou choisira-t-elle l’orthodoxie islamiste pour resserrer ses rangs dans la perspective des échéances électorales à venir ?

L’enjeu est de taille qui consiste à choisir entre l’inscription dans la lignée des grands réformateurs ou dans celle de la politique politicienne que l’Histoire loge au mieux dans le rayon des impasses.

Ne pas manquer ce rendez-vous c’est admettre que le radicalisme religieux loin d’être une manifestation de la gloire de l’Islam, de sa renaissance, est au contraire une expression de son avilissement. Que l’obstacle majeur à l’accès des Arabes à la modernité est bien l’islamisme politique qui empêche toute réforme religieuse.

Cette réforme ne s’est jamais posée avec autant d’acuité. Elle nous commande de rompre avec l’idéologie du Djihad. Cette vision simpliste du monde qui  le divise entre le bloc des Justes qui sont les musulmans et les Egarés que représentent le reste des peuples.  Cette vision proposée à des sociétés désemparées est incompatible avec les règles du vivre ensemble dans le village planétaire. Elle contredit également l’esprit de la déclaration universelle des droits de l’homme, inventée pour protéger l’égalité des êtres et de leurs croyances et garantir la liberté de conscience.

Rompre avec les idéologies de combat ; renouer avec la tradition humaniste de l’Islam ; privilégier dans l’héritage musulman tout ce qui permet aux sociétés qui s’en réclament de s’émanciper ; rapatrier nos références religieuses et s’inscrire dans la tradition éclairée de l’Islam tunisien ; œuvrer à la séparation entre religion et politique ; adhérer sans tergiverser aux principes de liberté de conscience et d’égalité des citoyens au regard de la loi ; en finir avec le phantasme de restauration du Califat et contribuer à l’établissement d’un Etat de droit, tels me paraissent des enjeux incontournables qui ne peuvent être passés sous silence par le congrès d’Ennahdha s’il ambitionne sérieusement d’accéder à l’historicité.

Par Hassan Arfaoui

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