Renforcer le partenariat Tunisie-Chine : une opportunité stratégique à saisir

Par Souhir Lahiani, PhD

Pourquoi ne pas renforcer le partenariat entre la Tunisie et la Chine, surtout dans un contexte où l’Union européenne fait face à une crise économique ? La Tunisie pourrait tirer davantage parti de son partenariat avec la Chine, qui se positionne comme une alternative solide pour soutenir le développement tunisien. La Chine, leader mondial scientifique et technologique, a déjà montré son engagement en Afrique et pourrait offrir à la Tunisie des opportunités précieuses.
Depuis la célébration du 60e anniversaire de leurs relations diplomatiques, la Tunisie et la Chine ont renforcé leur coopération, notamment à travers l’initiative chinoise des « nouvelles routes de la soie », lancée en 2013 sous le nom de Belt and Road Initiative (BRI). Ce projet vise à améliorer les infrastructures de communication et à promouvoir la coopération à l’échelle transcontinentale. La position géographique stratégique de la Tunisie, située au carrefour de l’Europe et de l’Afrique, en fait un partenaire privilégié pour la Chine, comme en témoigne le protocole d’accord signé en 2018.

Une opportunité économique
La Chine est déjà un acteur clé du développement infrastructurel en Tunisie. Des entreprises chinoises, telles que Sichuan Road and Bridge Group, ont remporté des contrats importants, comme celui de la construction du pont de Bizerte. Pékin a également investi dans des secteurs stratégiques, notamment la construction d’hôpitaux et la réhabilitation de complexes sportifs comme le Palais des Sports d’el Menzah. En avril, des experts chinois se sont rendus en Tunisie pour étudier la faisabilité de la reconstruction du Stade olympique d’el Menzah, confirmant ainsi l’intérêt de la Chine pour le développement du pays.

Une puissance scientifique et technologique
La Chine s’impose de plus en plus comme une superpuissance dans les domaines scientifique et technologique. Dans l’édition 2024 de l’indice mondial de l’intelligence artificielle, publié par Tortoise Media, la Chine se classe en deuxième position, juste derrière les États-Unis. Cet indice évalue l’adoption de l’IA dans 83 pays à travers 122 indicateurs, organisés autour de trois axes principaux : l’exécution, l’innovation et l’investissement. Ce classement souligne l’importance croissante de la Chine dans le développement et l’intégration de l’IA à l’échelle mondiale.
Une étude récente de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), un organisme des Nations Unies, confirme cette tendance. La Chine domine le domaine des brevets liés à l’intelligence artificielle générative, marquant son intention de jouer un rôle majeur dans cette technologie clé. Entre 2014 et 2023, les ingénieurs chinois ont déposé plus de 38 000 brevets dans ce secteur, soit près de six fois plus que les États-Unis, qui se classent en deuxième position avec environ 6 300 brevets. Ce chiffre impressionnant illustre l’investissement massif de la Chine dans les IA génératives et son ambition de renforcer son leadership technologique.
Les entreprises chinoises se sont lancées dans une course à l’innovation, notamment après le lancement de ChatGPT par OpenAI en 2022, qui a marqué un tournant dans le domaine de l’intelligence artificielle. En 2022, la Chine comptait 130 modèles de langage de grande taille (LLM), représentant 40 % du total mondial, juste derrière les 50 % des États-Unis. Cette course à l’innovation s’accompagne d’une stratégie claire : utiliser l’IA pour stimuler l’économie chinoise tout en se positionnant comme un acteur incontournable à l’échelle internationale.
La domination de la Chine ne se limite pas à l’IA. En 2024, elle s’étend également au marché des smartphones, où les cinq premières places du classement des meilleurs vendeurs en Chine sont désormais occupées par des entreprises locales. Cette situation marque une première dans l’histoire du marché chinois des smartphones, et reflète la montée en puissance des géants technologiques chinois. Parallèlement, des entreprises comme Apple connaissent un recul. En effet, selon un rapport d’avril de Counterpoint Research, les ventes d’iPhone ont chuté de 19,1 % en Chine au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023.
Ainsi, la Chine ne se contente plus d’être un suiveur dans le domaine des technologies émergentes, mais s’affirme comme un leader mondial. Ses investissements massifs dans l’IA, couplés à la montée en puissance de ses entreprises locales dans des secteurs stratégiques comme les smartphones, témoignent de sa volonté de remodeler l’ordre économique et technologique mondial.
Un rapport publié par l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), un think tank stratégique australien, en mars 2023, indique que le pays est sur le point de devenir « la première superpuissance scientifique et technologique du monde ».
Loïc Tassé, politologue spécialiste de la Chine, confirme cette montée en puissance : « La Chine est en train de devenir la plus grande puissance militaire, économique et culturelle de ce siècle. En toute probabilité, elle deviendra le nouveau centre du monde dans quelques années. » Il souligne également que l’Occident, longtemps avantagé par sa supériorité scientifique, économique et politique, risque de perdre cet avantage face aux progrès spectaculaires de la Chine. Selon lui, le modèle chinois pourrait faire croire que la prospérité et le développement scientifique dépendent de l’adoption d’un système inspiré par ce pays.
Dans certains domaines clés, comme les matériaux nanostructurés, les supercondensateurs et les batteries électriques, la Chine domine déjà le paysage mondial. Les dix meilleures institutions dans ces secteurs sont exclusivement chinoises, avec l’Académie des sciences de Chine, qui possède 116 instituts, occupant une place de premier plan. Elle se classe dans le top cinq des institutions dans 27 des 44 domaines scientifiques évalués.
Sur le plan technologique, la Chine ambitionne de développer des réseaux de télécommunication inviolables et, à terme, un Internet quantique. Comme l’explique Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri), une ligne de communication quantique est déjà en service entre Pékin et Shanghai.
Deux documents phares illustrent les ambitions chinoises : le plan « Made in China 2025 », publié en 2015, et le 14e plan technologique et scientifique. La Chine vise à être la nation la plus performante parmi les pays en développement d’ici 2020, puis à s’imposer parmi les nations industrialisées d’ici 2030, avant de devenir, en 2049, pour le centenaire de la République populaire, la première puissance technologique et scientifique mondiale.
L’ouverture de la Tunisie vers la Chine représente une opportunité de développement. Ce partenariat stratégique pourrait permettre à la Tunisie de bénéficier des avancées technologiques et des infrastructures chinoises pour moderniser son économie. Une ouverture plus large vers la Chine pourrait marquer un tournant décisif dans le positionnement international de la Tunisie, tout en répondant à ses besoins économiques et sociaux actuels.

Références :
* Challenges.fr
* Tassé, L. (2014). Un monde dominé par la Chine. Relations, (770), 18–20.
* Sciencespo.fr
* bfmtv.com
* Informatiquenews.fr

 

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