Réparties sur quatre jours dans les 28 pays de l’Union européenne, ces élections ont réuni près de 400 millions de personnes appelées aux urnes afin d’élire les 751 députés du Parlement européen. Commencées jeudi 22 mai au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, les élections se sont terminées dimanche 25 et les résultats ont été déclarés dimanche dernier au soir. Formidable aventure politique et humaine, le projet européen doit-il être repensé au vu de ces résultats ?
Le triste grand vainqueur de ces élections européennes est sans nul doute l’abstention avec seulement 43,9% de participation cette année. En effet, la désertion des urnes s’amplifie à chaque scrutin.
Ce manque d’intérêt fragilise la seule institution supposée incarner une forme de légitimité populaire qui représenterait la volonté de l’ensemble des pays européens. Par ricochet, c’est la totalité des institutions européennes qui en pâtit, à commencer par la Commission européenne qui est touchée de plein fouet puisque son président obtient sa légitimité d’un vote des eurodéputés lors du début de son mandat. Au total, la droite obtient 212 sièges au Parlement contre 273 auparavant et la gauche 185 sièges contre 196 précédemment. Concernant les eurosceptiques qui ont fait leur grande entrée au Parlement, ils sont au moins 140.
La montée des partis d’extrême droite
La France a vu le Front national obtenir 25% des voix contre 20% pour l’UMP et 14,8% pour le PS. Cela fait donc du FN le premier parti de France. En axant principalement sa campagne contre l’Europe avec des slogans très explicites comme «Non à Bruxelles, oui à la France lors de ces européennes», le FN a su séduire un électorat populaire qui répond favorablement à une Marine Le Pen eurosceptique, sachant jouer sur l’économie et la peur de l’étranger. Les Finlandais, quant à eux, ont joué la carte d’un populisme bien particulier et propre aux pays scandinaves. Ils refusent de payer les crises des autres pays européens, comme la Grèce par exemple, et réclament la sortie pure et simple de l’Union. En Grèce justement, le parti néonazi Aube dorée a obtenu 9,3% des voix. La victoire revient à la gauche radicale, elle aussi très euro-critique, du parti Syriza d’Alexis Tsipras avec 26,5% des voix devant le parti de droite au pouvoir Nouvelle-Démocratie, 23,1%.
Cette montée des extrêmes et en particulier de l’extrême droite met en exergue une certaine peur partagée par bon nombre d’Européens : la peur de l’autre. En effet, la plupart de ces partis ont axé leur campagne en pointant du doigt le risque que «toujours plus d’Europe» peut engendrer : des flux humains massifs et incessants vers les pays d’Europe les plus riches. En somme, c’est le fameux mythe du «plombier polonais» censé voler le travail des Français. C’est ce qu’a aussi vécu la Suisse, bien que non membre de l’Union, en votant récemment un référendum concernant la venue des Européens sur son territoire axé particulièrement sur la limitation de l’accès au marché du travail pour les membres de l’Union européenne. Les pays rentrés récemment, souvent d’Europe de l’Est et anciennement communistes, ont de gros retards en matière d’infrastructure, d’économie et souvent avec un fort taux de chômage, ce qui pousse les habitants à émigrer dans des pays d’Europe plus riches afin d’y trouver un emploi et des conditions de vie décentes.
Les arguments pour en finir avec l’Europe
Le premier argument des détracteurs de l’Union européenne est la monnaie unique. Avec près de 26 millions de chômeurs, le bien-fondé même de la monnaie unique est mis en doute. Sortir de l’euro est censé permettre à l’État de retrouver des marges de manœuvre, à commencer par une politique de change, mais aussi d’évaluer dans le but de stimuler les exportations. En réalité, la sortie de l’euro serait tout simplement dévastatrice pour le pays en question, il serait impossible de retourner au franc ou au mark avec la même valeur qu’avaient ces monnaies auparavant.
L’autre argument avancé concerne la place de l’Union européenne sur l’échiquier politique mondial. L’Union représente plus une force économique qu’une force politique. Un manque de cohésion et de pouvoir se font sentir, mettant à mal une possible Europe politique. Il suffit de regarder la position de l’Europe face aux États-Unis avec par exemple le traité transatlantique. À y voir de plus près, il apparaît que ce dernier a été conçu pour favoriser la suprématie américaine et empêcher que l’Europe ne protège son environnement, ses entreprises ou ses salariés par des lois ou règles nationales. Le danger étant que des règles soient mises en œuvre pour protéger les entreprises et qui vont primer sur le droit national ou européen.
L’asymétrie au niveau des accords accentue l’impression que l’Europe n’est pas assez puissante politiquement, voire qu’elle entretient une relation de «pays» colonisé face au mastodonte américain qui impose ses règles.
Face à ces résultats, faut-il repenser l’Union européenne ?
Inès Aloui