Résultats de la présidentielle: Comment mesure-t-on les opinions et les audiences ?

En marge des erreurs des sociétés de sondage sur les résultats du 1er tour des élections présidentielles Comment mesure-t-on les opinions et les audiences ?

Contrairement aux prévisions des résultats pour les élections législatives qui ont été largement confirmées par les faits, les instituts de sondages se sont grossièrement trompés sur les projections concernant le 1er tour des élections présidentielles. Cette situation n’a pas manqué de relancer la polémique autour de la pertinence des sondages comme instrument de mesure des tendances de l’opinion. Aussi, le calendrier électoral actuel surprend par la dynamique des discussions, débats et échauffourées sur des questions relatives au monde des médias, la publicité et les mesures d’audience. Vives tensions et discussions sur la part de marché des chaînes toutes confondues sur fond de partage de la manne publicitaire…

La publicité étant depuis deux décennies déjà, une composante primordiale de la programmation télévisée, rejointe depuis quelques années par les sondages d’opinion,  nous voilà à l’occasion des élections législatives et présidentielles propulsés face à ce remue ménage sur la mesure d’audience et la pertinence voire la véracité des sondages qui constituent la pierre angulaire de la prise de décisions chez les annonceurs et les politiciens.

 Les polémiques suscitées ont eu le mérite, au moins, de mettre en exergue deux problèmes qui se posent à tous les acteurs avertis de la scène médiatique et publicitaire,  mais dont l’urgence de traitement était léguée toujours et indéfiniment à plus tard. Il s’agit de la mesure d’audience et des sondages et la supervision de ces mesures par un organisme officiel, reconnu par tous et faisant consensus entre tous les protagonistes de l’affaire, lobbyiste, inclus.

D’abord, avant d’instaurer des mesures d’audience et de sondage d’opinions, il a fallu mettre tout ce petit monde (média, publicité  et bureaux d’études) sous une tutelle. Tout naturellement le Conseil supérieur de la communication instauré par la loi 2008-30 ou la haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) instaurée par le décret loi 2011-116 auraient  tout à fait « collé » à la mission et auraient eu le « profil » attendu. Malheureusement, les deux textes de lois précités sont restés très flous sur la question : la loi 30 de l’année 2008 qui définit le conseil supérieur de la communication (CSC) et ses prérogatives indique dans son premier article -alinéa 10- que : « le CSC est une institution nationale chargée de l’analyse et l’émission d’avis sur les mesures d’audience, d’écoute, de navigation et de lecture et l’étude de leurs différentes méthodologies». Quant au décret-loi 116 de l’année 2011, portant sur la création de la Haica, il stipule dans l’article 16 que « la Haica a dans ses prérogatives d’adopter et contrôler l’application des règles de conduite relatives à la publicité et contrôler leur application dans les moyens de communication audiovisuelle ». Et « d’adopter et contrôler l’application des critères et normes juridiques ou techniques relatifs à la mesure du nombre de personnes qui suivent les programmes des entreprises de communication audiovisuelle… ».

Mis à part ces deux textes, il n’y a pas eu lieu, jusqu’à aujourd’hui de spécification sur les méthodologies à suivre et les textes de  loi sont restés, donc, sommaires. Or, Il est notoire, selon les principes généraux du droit, que l’absence de spécification renvoie le sens du texte à son absoluité, ce qui nous ramène à dire que les critères de mesures et pour l’audience et pour les méthodologies de sondages ne sont pas encore définis, jusqu’à aujourd’hui et sont, pour le moins, pas du tout clairs. D’une agence à une autre, la méthode change, les résultats aussi, parfois du simple au double et les médias ne savent plus à quel saint se vouer.

Justement, il faudrait, désormais, normaliser les méthodes de mesures : enquêtes téléphoniques pour les uns, enquêtes en face à face pour les autres, taille de l’échantillon différente d’une agence à l’autre, méthodes d’échantillonnage différentes , là aussi il y a un hic.

La part de marché d’une émission se calculera en faisant le rapport suivant : Nombre moyen de spectateurs devant le programme/Nombre moyen de spectateurs devant le média pendant le même moment.

Le système repose sur 3 composantes : un échantillon de personnes qu’on appelle aussi panel, une technologie de mesure et des règles de mesures normalisées. L’échantillon doit être représentatif de la population mais fidèle aux modèles des foyers équipés en téléviseurs. Il est constitué et recruté sur des critères                  socio-démographiques fournis par l’Institut national des statistiques comme le sexe, l’âge, la catégorie professionnelle, le niveau de vie, le style de vie, le niveau d’instruction, l’habitation, la région… et doit être calqué sur la société tunisienne dans son ensemble.

La technologie de mesure repose sur un boîtier électronique, l’audimètre, équipant tous les téléviseurs des foyers de l’échantillon, informé en temps réel automatiquement des changements de chaînes grâce à sa connexion avec le poste de télévision et les périphériques. La déclaration de présence, d’absence du téléspectateur se fait à l’aide d’une télécommande qui indique à l’audimètre la ou les personnes qui sont devant le poste de télévision.

Chacune des personnes, selon la taille de l’échantillon, faisant partie du panel doit activer la télécommande lorsqu’elle est à l’écoute du média, et la désactiver lorsqu’elle abandonne l’écoute. Ce système permet de mesurer l’audience à la seconde. L’audimètre transmet chaque nuit au serveur de l’agence ou de l’organisme agréé à faire les mesures, les données d’audience enregistrées dans la journée, données traitées par des logiciels selon la collecte des données effectuées pendant la période de mesure pour être, à la suite, extrapolées selon le prorata « échantillon/population » à l’ensemble de la population.

Reste à savoir maintenant comment nos agences autoproclamées font-elles pour le calcul des audiences et comment les calculent-elles en l’absence de boîtiers audimètres, logiciels d’analyses de données adaptés et connectés à ces audimètres et surtout comment font-elles pour suivre le comportement du téléspectateur en temps réel ?

Évoquer les enquêtes, dans ces cas -qu’elles soient en face à face ou par téléphone- ne peut point répondre à la question et ne pourra aucunement aboutir à une mesure fiable puisque l’interviewé peut fausser la réalité par dépit, oubli ou complaisance.

En outre, ces méthodes dites d’enquêtes présentent l’inconvénient majeur d’éliminer 2 avantages et pas des moindres, à savoir la spontanéité de la réponse et le suivi en temps réel du comportement puisque justement ces enquêtes sont réalisées beaucoup plus tard que les émissions dont elles sont censées mesurer l’audience.        

Anis Somai

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