L’information rapportée par un média local, impossible à confirmer auprès des sources officielles, avance qu’au dernier classement mondial sur les violences scolaires, la Tunisie a été placée au 3e rang mondial, un rang qui n’honorerait ni l’institution scolaire, ni la large famille éducative, ni l’Etat qui a, depuis l’indépendance, fait de l’éducation un des trois piliers de l’œuvre de construction de la Tunisie moderne indépendante, avec la santé et les droits des femmes. Aujourd’hui, et même depuis plusieurs années, pour diverses causes, l’institution scolaire a perdu ses repères sociaux et sa mission éducative.
Outre les vraies réformes qui tardent à être mises en place, l’institution scolaire est frappée d’une gangrène qui s’est avérée incurable et qui s’étend inexorablement. La violence en milieu scolaire menace de conséquences graves aussi bien les acteurs du système éducatif que l’ensemble de la société et appelle à des actions urgentes, globales et audacieuses. Faut-il, par exemple, rétablir l’autorité de l’école pour compenser le déficit de l’autorité parentale et instaurer une culture du civisme par des mesures punitives et répressives, s’il le faut ? Cette option ne convaincrait pas, bien sûr, tous les courants de pensée et toutes les orientations politiques mais elle est, tout de même, proposée à l’expérimentation sous d’autres cieux, comme c’est le cas en France.
La violence en milieu scolaire est ancienne, peut-être aussi ancienne que l’école elle-même, mais au fil des époques, des mutations sociales, des crises économiques et identitaires, elle a gagné en ampleur, ces dernières années, en raison de faits à la fois graves et largement médiatisés. Les agressions entre jeunes adolescents, surtout, et contre les enseignants sont devenues plus fréquentes et plus violentes. Les insultes, les menaces, les faits de harcèlement se multiplient et n’épargnent ni élèves, ni enseignants, ni responsables administratifs d’établissements scolaires, l’inquiétude monte et les enseignants ne se sentent plus respectés ni en sécurité. Cette situation est anormale, contre-nature et hors de toutes les normes qui font de l’école la pépinière des responsables de demain, le temple du savoir qui fera perdurer la relève des élites et la base du développement, de l’émancipation et de l’ouverture de la société sur les autres cultures et les autres sociétés.
Face à l’ampleur du phénomène, il y a lieu de s’interroger sur les véritables causes et surtout sur les possibles solutions à engager, dont le rétablissement de l’autorité, une piste que les défenseurs inconditionnels des libertés individuelles seront indubitablement prompts à torpiller, à attribuer aux régimes dictatoriaux et à qualifier de non constitutionnelle et de non démocratique. Pourtant, l’expérience va être tentée en France, pays démocratique et des droits de l’homme, où la violence dans et autour des établissements scolaires cause désormais des drames quasi quotidiens. Assassinats, passage à tabac, attaques à main armée, voire même terroristes…Toutes les limites qui faisaient de l’école un havre de paix et de solidarité ont été enfreintes, dépassées.
Face à l’ampleur du phénomène et de l’insécurité qui guette autant les élèves que les enseignants, le premier ministre français, Gabriel Attal, a plaidé ouvertement pour un « sursaut d’autorité » et s’est prononcé pour des mesures punitives et d’autres répressives en cas de non-respect des règles, rapporte le site électronique du journal Le Monde, le 18 avril courant. Selon le média français, le « principe » de la politique du nouveau premier ministre français, qui a choisi le ton de la fermeté, se base sur trois règles : « Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ».
Sommes-nous prêts en Tunisie à franchir le pas et à redorer le blason de l’autorité qui garantit le retour au respect des règles, des institutions, de ses représentants et du vivre-ensemble ? L’Etat en a-t-il l’autorité ? La Famille ? La société ? Certes, le racisme, le terrorisme, la haine de l’étranger, le mal-être des étrangers, les problèmes identitaires ne font pas partie des causes des agressions commises dans les écoles tunisiennes, comme c’est le cas en France, mais les drames font aussi la Une des quotidiens tunisiens. Un professeur est attaqué à l’arme blanche par un de ses élèves, à Kairouan, en plein cours, un autre élève dans un autre établissement est attaqué par un camarade de lycée et en perd un œil, une parente agresse une enseignante devant ses élèves après avoir fait irruption dans la salle de classe. Ce sont là quelques exemples d’une situation qui menace de devenir incontrôlable en raison de la prolifération de la consommation de drogue chez les jeunes collégiens et lycéens, voire même les enfants du primaire, et du trafic des stupéfiants aux alentours des établissements scolaires. Et les conséquences sont les mêmes partout en Tunisie, en France ou ailleurs : la violence.
Les enseignants, les élèves, les familles, les dirigeants, la société… tous sont inquiets, déplorant la régression de la morale et des repères et l’exacerbation de l’intolérance, de la délinquance, du mépris du corps enseignant et du personnel administratif.
Une chose est sûre, à la violence scolaire, ce sont des solutions diverses qu’il faut suggérer et des actions qui touchent l’élève, d’autres, la famille et d’autres encore, l’école. Mais prévenir serait encore mieux, en y mettant les moyens nécessaires pour promouvoir les activités sportives, culturelles, de loisirs, la formation adéquate des enseignants, l’accompagnement des familles à problèmes… Ceci suppose une action concertée et coordonnée entre l’Etat avec toutes ses structures, les associations et les organisations syndicales.
La réforme du système éducatif tant revendiquée par toutes les parties sus-indiquées ne trouvera le chemin de la concrétisation que lorsque l’école, l’élève, la famille auront trouvé la voie de la conciliation et du vivre-ensemble dans le respect mutuel au profit de l’épanouissement de tous.
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