«Soyez certains que je reviendrai en Tunisie». C’est ainsi que conclut l’ex-Président Zine El Abidine Ben Ali sa lettre aux Tunisiens, la première depuis sa fuite en janvier 2011, cette lettre a été publiée par son avocat Mounir Ben Salha le 15 mai 2019.
Par la même occasion, l’ex-président a remercié les milliers de Tunisiens qui l’ont submergé de lettres d’amour et de respect.
L’ancien président n’a pas manqué aussi de rappeler qu’il suit de près la situation dans le Pays en disant :
« Je suis la situation de mon pays comme chaque Tunisien qui ne peut que souhaiter le meilleur pour sa nation et je ne crois pas que le temps soit propice à la surenchère. Les Tunisiens doivent protéger leur pays et le sauver de sa situation économique critique. J’ai eu la chance d’assumer la responsabilité nationale de conduire la Tunisie et l’on se présentera devant Allah et devant l’Histoire pour être jugés, avec ce qu’on a réalisé et ce que nous n’avons pas réalisé. Mais nous n’avons pas surenchéri, quand nous étions au pouvoir, par rapport à ceux qui nous avaient précédés et nous n’avons pas cherché à utiliser le passé pour justifier la légitimité de notre présent en ce temps-là »,
Moncef Kammoun*
Les réactions contradictoires des Tunisiens
Depuis l’annonce faite par son avocat, cette lettre a suscité un grand intérêt et des interrogations ont éclaté même sur la manière, l’heure et le lieu.
Le message de Ben Ali a, en effet, provoqué des réactions différentes, parfois même contradictoires, si certains ont montré leur satisfaction d’avoir des nouvelles de leur ancien Président, d’autres par contre, ont lancé des insultes.
Les avis étaient mitigés entre les personnes révoltées de la situation actuelle, nostalgiques de l’ère Ben Ali et ceux qui n’arrivent toujours pas à lui pardonner les années de dictature et de tyrannie.
Il faut dire que sous la présidence de Ben Ali, la Tunisie jouissait d’une bonne image dans le monde, elle était classée première en termes de compétitivité économique en Afrique.
La Tunisie vit une amnésie collective
Il y a ces derniers temps comme un air de nostalgie pour les années Ben Ali, tout le monde le ressent et l’entend.
Aujourd’hui les paroles se sont libérées et les gens n’ont plus peur de dire que la vie sous l’ancien régime était bien meilleure : plus de sécurité, plus de stabilité et moins de cherté de la vie et tant pis pour les restrictions à la liberté, la chasse aux opposants, le banditisme de sa famille.
Les Tunisiens seraient-ils devenus nostalgiques de la dictature ayant gouverné le pays de 1987 à 2010, il faut alors rappeler que ce régime qu’on arrive aujourd’hui a défendre était caractérisé par une généralisation de la corruption dont bénéficie principalement la famille de l’épouse de Ben Ali qui était d’ailleurs qualifiée par l’ancien ambassadeur des Etas Unis à Tunis Robert Franc Godec de « clan mafieux », la fortune personnelle de l’ex-président était estimée à cinq milliards d’euros placés sur des comptes à l’étranger ou investis dans l’immobilier, qui sont essentiellement des détournements de fonds opérés durant les 23 années de présidence bien que son avocat Akram Azoury nie la détention par son client d’avoirs mobiliers ou immobiliers en dehors du territoire Tunisien.
Ben Ali était à la tête d’une famille envahissante qui contrôle une bonne partie des affaires industrialo-financières du pays et était dictatorial par le fait notamment de l’emprisonnement et de la torture d’opposants, ainsi que des atteintes à la liberté de presse.
Aujourd’hui plusieurs personnes ne savent pas, ou ne se souviennent pas de la gravité du régime militaire, Ils considèrent que la dictature était une période où l’ordre régnait et où le pays était prospère.
Déjà en 2015 un micro-trottoir a fait découvrir la réaction des Tunisiens face à la probabilité du retour en Tunisie de l’ancien président de la République, la plupart des interviewés seraient contents du retour de l’ancien président et ceci pour que la situation du pays s’améliore, certains regrettent même le départ de Ben Ali qui a selon eux bien servi la Tunisie.
La question du retour de l’ancien président de la République, Zine Abidine Ben Ali, est sur toutes les langues depuis un certain temps, notamment depuis la diffusion de rumeurs sur la détérioration de l’état de sa santé.
Il faut que la désillusion populaire quant à la démocratie et ses supposés bienfaits, le délabrement de l’Etat, la misère économique et sociale, l’insécurité sous toutes ses formes, l’impunité, la corruption, la rupture du lien social, la perte des valeurs, ont crée cette nostalgie pour l’ancien système.
Si on observe ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui, on se rend compte que la première digue contre la dictature qu’est la justice, donc l’Etat de droit, est déjà bien fissurée.
Si la justice se met aux ordres du pouvoir politique ou mafieux, on rentrera alors dans la fameuse impasse de la dictature.
La nostalgie a toujours été un véritable phénomène social, elle se nourrit de la frustration économique politique et sociale d’un citoyen désorienté par une transition démocratique.
Un État fort pour réussir notre révolution
« Les révolutions ont besoin de liberté, c’est leur but, et un besoin d’autorité, c’est leur moyen. La convulsion étant donnée, l’autorité peut aller jusqu’à la dictature et la liberté jusqu’à l’anarchie » disait Victor Hugo.
En vérité, je crois que la Tunisie a besoin d’un État nouveau et fort, pas d’un nouvel homme fort, et surtout pas d’un ancien tyran!
Un état fort est un état visionnaire qui pense le long terme et s’appuie sur sa détermination politique et la puissance de ses valeurs pour s’imposer.
La question de l’Etat fort touche à l’efficacité du politique,la priorité du futur chef de l’Etat élu sera de donner au pays les moyens de se gouverner, un chef de gouvernement puissant, solide, déterminé, prêt à prendre des risques dans le champ économique et social, dévoué à l’intérêt général, des ministres engagés, responsables, autoritaires (au sens noble),
Nous sommes à un carrefour de notre histoire, où plusieurs directions s’offrent à nous, c’est à nous de choisir, mais le temps presse.
Aller dans la direction d’un meilleur vivre ensemble, pour construire notre développement et approfondir notre démocratie, ou alors faire de notre pays une terre de production de misère, par nos confrontations, notre division et notre haine.
La balle est dans le camp de l’élite nationale parce qu’elle porte une responsabilité particulière dans la crise que connait notre pays, en raison de son manque de conscience de la gravité de la situation et de son manque manifeste d’esprit de sacrifice et parfois même par son incapacité à placer l’intérêt national, au-dessus de l’intérêt d’un parti ou de la considération personnelle.
Un peuple vaut ce que vaut son élite ! Et quand cette élite ne partage pas de préoccupation de bien commun, il n’y a que les querelles de personnes qui la motivent
J’appelle à la constitution d’une vraie conscience Tunisienne guidée par l’ensemble des citoyens considérés comme les meilleurs, les plus dignes d’être choisis et les plus remarquables par leur qualité. Une élite intellectuelle et politique, digne de ce nom.
Voter aux élections ou se porter candidat constituent des moyens officiels mais il est aussi possible de participer de manière informelle, en se tenant informé de l’évolution des affaires publiques, en discutant de politique et en faisant preuve de tolérance vis-à-vis des opinions différentes des siennes.
C’est le fondement de la démocratie.
Je termine par une citation du médecin et anthropologue français Gustave Le Bon
« Le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la foule, mais d’élever la foule vers l’élite ».
*M.K Architecte