La démocratie locale et une plus grande participation des citoyens dans la gestion des affaires des villes sont parmi les axes majeurs de la transition démocratique en cours dans notre pays. La nouvelle Constitution, adoptée en 2014, en a fait des fondements de la démocratie à construire dans la nouvelle République. A l’instar de l’ensemble des pays démocratiques, la participation citoyenne au niveau local prend une grande importance avec l’objectif d’ancrer les principes de la démocratie et de la participation citoyenne dans la proximité, afin d’améliorer le cadre de vie des citoyens. Ainsi, la démocratie ne resterait pas comme un objectif et des institutions lointaines, mais deviendrait une préoccupation immédiate en mesure d’assurer une meilleure qualité du quotidien.
Or, si la transition démocratique dans sa dimension centrale a pris de l’avance avec notamment les élections législatives et présidentielle de 2014, la dimension locale de cette transition a accusé beaucoup de retard. Plusieurs raisons sont à l’origine de ce retard dont les atermoiements pris dans la préparation de la loi sur la gouvernance locale, la démission du Président de l’Instance indépendante des élections, Chafik Sarsar, ainsi que d’autres membres, et les difficultés rencontrées pour trouver un consensus pour les remplacer.
Aujourd’hui, la dynamique est bien enclenchée et les premières étapes ont été franchies, avec notamment le dépôt des listes auprès de l’Instance indépendante des élections. Les élections auront lieu comme annoncé, le 6 mai prochain. Et, de mon point de vue, la réalisation de cet objectif est essentielle pour sauver nos villes et notre environnement de la dégradation qu’ils connaissent depuis la Révolution. Rappelons qu’au lendemain du 14 janvier, des comités locaux ont été constitués afin de veiller à la gestion de nos localités en attendant les élections locales. Or, cette expérience a été un échec qui s’est traduit par une grave détérioration de notre environnement urbain. Ainsi, nos villes sont de plus en plus sales, les infrastructures se sont détériorées et les constructions illégales multipliées, sans que les autorités locales soient en mesure de faire respecter la loi ou de détruire les constructions sauvages.
De ce point de vue, l’organisation des élections locales et l’arrivée de nouveaux pouvoirs locaux à la tête de nos Administrations sont essentielles pour sortir du chaos qui a régné dans notre environnement urbain au cours de ces dernières années. Mais, nous pensons que la réussite de la démocratie locale dépendra de notre capacité à réunir quatre conditions essentielles. La première est relative à la qualité des responsables qui veilleront aux destinées de nos villes. Il est important d’avoir des responsables compétents capables de conduire des politiques ambitieuses, afin d’assurer une véritable transformation de nos villes. Cette première condition semble avoir été honorée. En effet, le processus de formation de listes électorales a connu un important engouement, qu’il s’agisse des listes partisanes ou des listes indépendantes. Ce succès est significatif de l’importance accordée par les citoyens à la démocratie, en dépit du désenchantement et du rejet de la politique que l’on a pu connaître ces dernières années. Mais, il semble que le choix des citoyens porte sur la démocratie locale, capable de transformer les conditions de vie des citoyens et de s’éloigner des joutes politiques nationales. Ainsi, les listes déposées auprès de l’Instance indépendante des élections comportent des personnalités de valeur et compétentes qui contribueront à transformer nos villes et à les rendre plus accueillantes.
La seconde condition est liée au degré de mobilisation des citoyens le 6 mai, jour des élections. Il est évident qu’une forte mobilisation citoyenne est importante, afin de donner aux nouvelles équipes une légitimité qui leur sera nécessaire dans la conduite de leurs projets.
La troisième condition est relative à la vision que doivent porter les nouveaux responsables municipaux quant à l’avenir de leur localité. J’ai eu quelques échanges avec des membres de certaines listes et j’ai été surpris par l’absence de vision stratégique des grands choix à mettre en place et des grands projets, afin de rendre à leurs localités leur brio d’antan. Certes, il est aujourd’hui relativement tard pour préparer ces visions pour les différentes listes. Mais, il serait essentiel que les équipes, qui vont remporter ces élections, se dotent de manière participative d’une vision stratégique sur l’avenir de leurs cités, couvrant les différents domaines, notamment économiques et sociaux, ainsi que les infrastructures.
La dernière condition de la réussite de la gouvernance locale concerne la disponibilité des financements nécessaires aux projets de transformation de nos cités. Or, c’est là que réside le plus grand mal de nos cités. D’un côté, les transferts du budget de l’Etat se feront attendre compte tenu des difficultés des finances publiques. De l’autre, la mobilisation des ressources locales est limitée du fait de la faiblesse des moyens de collecte des taxes locales et de la déficience du devoir fiscal des citoyens. A ce niveau, les nouvelles administrations doivent concevoir de nouvelles stratégies de mobilisation des moyens financiers nécessaires afin de tenir leurs promesses.
Nos villes sont à l’abandon depuis plusieurs années. L’organisation des élections locales et l’arrivée de nouvelles administrations élues constituent une étape essentielle pour sortir de ce chaos et de cette détresse. Pourvu qu’elles disposent des compétences, de l’engagement, de la vision et des ressources nécessaires à ce nouveau départ.