Où va la Tunisie ?
Où va le monde arabe ?
La 16e session du Forum international de Réalités qui s’est déroulée les 19, 20 et -21 juin 2013 à Hammamet, n’avait rien à envier aux sessions précédentes. Un thème d’une actualité brûlante et d’un intérêt vital pour le présent et l’avenir de la Tunisie et des pays du Printemps arabe. Des conférences de grande qualité et des débats passionnés avec la participation des représentants de la société civile et des partis politiques.
Des échanges et des analyses pertinents sur l’avenir de la coopération entre l’Union européenne et les pays du Maghreb pour favoriser l’avènement d’une zone de paix et de prospérité autour de la Méditerranée.
L’équipe de Réalités a veillé à la couverture de cette manifestation, devenue incontournable dans le paysage médiatique euro-méditerranéen.
La séance inaugurale a consisté en deux conférences, celle de M. Taïeb Zahar et celle de M. Senen Florensa.
Plusieurs motifs d’inquiétude
Dans son discours inaugural, Taïeb Zahar, président du Forum international de Réalités, a affirmé que la notoriété du Forum, qui en est à sa 16e édition, réside dans la qualité des interventions alors que la marque de fabrique n’est autre que la promotion des échanges et des dialogues entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, mais aussi l’Est et l’Ouest du Maghreb.
Il faut dire également que la pérennité de ce Forum est due au soutien des parrains, la délégation de la Commission européenne à Tunis et l’Institut européen de la Méditerranée de Barcelone.
Ce Forum acquiert une maturité certaine, murit avec les années et n’a pas pris une ride, solidement attaché à ses principes fondateurs, il se bonifie avec le temps, a poursuivi le président du Forum.
Il s’agit d’une initiative pionnière pour un média dont la vocation est normalement celle d’être un vecteur d’informations, mais Réalités a pris le risque d’être en phase avec son environnement en créant un espace de rencontres entièrement dédié à la société civile. C’est un «état d’esprit particulier», une approche constructive fondée sur la promotion des valeurs de dialogue.
En effet, les questions déterminantes pour notre avenir, affirme Taïeb Zahar, ne doivent pas rester l’apanage de quelques privilégiés. C’est pourquoi le centre d’intérêt réside dans le partenariat euro-méditerranéen dans toutes ses dimensions. Parmi les thèmes traités lors des précédentes sessions figure en bonne place : Europe-Maghreb :bilan et perspectives.
La Méditerranée de demain : enjeux et défis. L’Afrique et la mondialisation. Depuis décembre 2010, nous vivons une accélération de l’histoire. La région méditerranéenne connaît des mutations politiques et des changements socioéconomiques.
L’année 2011 a été celle de la libération du joug autoritaire.
2012, celle de l’expectative et 2013 est une phase de doute et de préoccupations parce que nous naviguons à vue, sans capitaine crédible et rassurant, ni gouvernail. Pas d’agenda politique, ni de Constitution, ni de justice transitionnelle, a poursuivi l’orateur.
Cette situation bancale envoie des signaux négatifs à tout investisseur potentiel et génère un sentiment d’insécurité. Des inquiétudes planent sur le caractère civil de l’État, les libertés d’expression et d’information : un sentiment de malaise rôde autour de “l’Instance des médias” alors que le secteur devrait logiquement s’autogérer. Comment ne pas sombrer dans l’inquiétude lorsque la gangrène de la violence frappe le débat politique dans le pays ?
C’est pourquoi Réalités a choisi ce thème d’actualité pour le Forum, même s’il est complexe, «La Tunisie et les pays du Printemps arabe : enjeux et dynamiques.»
Six panels ont été retenus pour analyser les enjeux de la transition démocratique et les bouleversements survenus dans l’espace euro-méditerranéen, et tirer le bilan du processus de transition politique. La démocratie est-elle possible en terre d’islam ? Comment se fait la redistribution des cartes dans cet espace suite à ces soulèvements populaires ? Quels sont les partenariats à nouer pour en assurer la réussite et quels rôles pour les différentes nations ?
Quels avis pour les experts pour résoudre la crise et apaiser les mécontentements, les turbulences économiques et comment investir et s’investir ?
Deux tables rondes étaient prévues pour débattre de façon moins formelle : les clivages identitaires d’une part, quel comportement adopter par les médias en période de transition ?
Il s’agit pour la société civile de réfléchir à la stratégie à adopter pour parvenir à la sécurité et à la stabilité, alors qu’il faut répondre aux revendications profondes de la Révolution tunisienne.
Le climat social tendu dans le pays fait craindre le pire et la société civile doit prendre ses responsabilités.
L’échec de la transition en Tunisie signifie celui du Printemps arabe et donc de toute la région.
Le consensus indispensable pour réussir la transition
M. Senen Florensa, Président de l’Imed, a affirmé que le Forum se tient à un moment crucial pour la Tunisie, mais aussi pour l’ensemble des pays arabes et méditerranéens, ainsi que pour les relations entre l’Europe et les pays partenaires dans le monde méditerranéen.
L’Europe est dans un état de perplexité à cause de la crise économique et financière qui frappe différemment le Nord et le Sud du continent.
Malgré cela, l’UE ne peut pas manquer ce rendez-vous historique que vivent ses amis et partenaires du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
Et M. Senen Florensa d’ajouter que c’est la raison de sa présence aujourd’hui, pour accompagner et soutenir, autant qu’il est possible, le cours de cette étape décisive de l’histoire de la région.
Le mouvement révolutionnaire déclenché en Tunisie a changé complètement l’ensemble du monde musulman. Il était naturel qu’il éclate en Tunisie, tout d’abord parce que la contradiction était grande entre un régime autoritaire figé et la société la plus évoluée dans le monde arabe grâce à l’esprit des Tunisiens depuis l’Indépendance.
En janvier 2011, le président de l’IEMED a publié un article dans l’un des plus grands journaux d’Espagne à titre de témoignage de solidarité avec la révolution démocratique tunisienne intitulé «héritiers d’une longue histoire de dignité.»
«Vous êtes en train de montrer qu’il n’y a pas d’exception arabe en matière de démocratie et que vous êtes en train de construire un système démocratique avancé à la hauteur des exigences du 21e siècle.»
«C’est pour cela que votre enjeu est important, parce qu’il y va du futur de votre pays ainsi que celui de l’ensemble des pays arabo-musulmans. Ce futur a déjà commencé vous êtes dans une phase de transition politique vers la démocratie», «vous n’êtes pas les seuls, mais vous êtes les héros et les devanciers » a ajouté M. Senen Florensa.
Les transitions sont complexes, car il ne s’agit pas d’une «passation de pouvoir», mais d’une «prise du pouvoir.»
Il s’agit d’un façonnement institutionnel et politique, d’une transformation plus profonde qui concerne les règles légales, mais aussi tout un système qui inclut les réglementations, les mentalités, les procédures, les constructions et la consolidation d’une base commune, inclusive et acceptable par tous, pour le partage du pouvoir et la gouvernance du pays, pour la connivence entre tous les groupes sociaux, territoriaux et entre tous les citoyens.
Aucune transition ne ressemble à l’autre, chaque pays est façonné de ses propres composantes et de sa propre histoire. Aucun pays ne peut se prévaloir d’être «donneur de leçons.»
S’il y a un facteur de réussite nécessaire au bon déroulement de la transition, c’est le consensus. C’est un dénominateur commun même si chacun doit céder sur une partie de ses conditions. Il faut accepter les règles du jeu.
Dans un système démocratiques l’adversaire n’est pas un ennemi, c’est une force politique qui propose un programme concurrent auquel on s’oppose, mais avec lequel on est disposé à alterner lors d’un mandat prochain qui pourrait lui être confié par les élections.
Le consensus implique une vision commune du futur, celle d’un pays démocratique avancé, intégré à la société internationale, qui procure paix et progrès pour ses citoyens et ses partenaires, avec acceptation mutuelle des différences politiques et idéologiques.
La transition est également économique et sociale, elle est aussi spécifique à la Tunisie.
Les Européens sont là pour soutenir et accompagner la Tunisie en vue de construire ensemble un espace euro-méditerranéen de paix et de prospérité, ouvert sur l’innovation et la coopération.
Ridha Lahmar